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Inégalités Un demi-million de personnes ont basculé dans la pauvreté en 2021

Le 17 Novembre 2023 7 min

 

Selon l’Insee, 14,5 % de la population française vit sous le seuil de pauvreté. Il n’y a jamais eu autant de pauvres depuis 1996. Un tableau inquiétant qui n’est pas près de s’éclaircir.

 

« La France sort de l’épisode Covid en 2021 avec un taux de pauvreté supérieur à celui qu’elle avait quand elle y est entrée. » Le constat est sans appel. Il est signé Insee, l’institut national de la statistique publique, dans une étude publiée le 14 novembre. On ne peut donc faire plus officiel. Et cette photographie est d’autant plus frappante que ces chiffres étaient très attendus. Les dernières données fiables disponibles dataient de 2019, la pandémie ayant ensuite jeté un épais brouillard sur la mesure de la pauvreté et des inégalités.

Ce déficit d’information commençait sérieusement à poser problème, alors que l’inflation plombe le pouvoir d’achat des plus modestes. On ne connaît toujours pas précisément l’impact de l’envolée des prix sur le niveau de vie des Français les moins bien lotis. Les chiffres dévoilés par l’Insee concernent en effet l’année 2021, alors que c’est surtout en 2022 que les étiquettes ont commencé à valser.

Mais on sait désormais que la situation des plus modestes s’est dégradée avant même que les coquillettes deviennent inabordables pour nombre d’entre eux. A contrario, les plus riches ont vu leurs revenus confortablement augmenter (merci les dividendes !). Avec, à la clé, une « forte hausse » des inégalités. Et c’est toujours l’Insee qui parle.

 

Dans le détail, la France comptait 9,1 millions de pauvres en 2021. C’est-à-dire 9,1 millions de personnes vivant avec moins de 1 158 euros par mois, un montant qui correspond au seuil de pauvreté fixé à 60 % du niveau de vie médian pour une personne seule. C’est 552 000 de plus qu’en 2020 et 196 000 de plus qu’en 2019.

En réalité, c’est le nombre absolu de pauvres le plus élevé depuis 1996, date à laquelle commence la série statistique de l’Insee. En clair, il n’y a jamais eu autant de pauvres en France depuis 25 ans, c’est-à-dire aussi loin que l’on calcule la pauvreté de cette façon !

 

De plus en plus nombreux et... plus pauvres

En termes relatifs, le taux de pauvreté a augmenté de 0,9 point en 2021, passant de 13,6 % de la population à 14,5 %. Avant même la publication des chiffres de l’Insee, le ministère des Solidarités a tenté de minimiser la situation, en appelant à « remettre en perspective » cette hausse du taux de pauvreté et en soulignant que cela traduisait « un retour à la situation d’avant la crise sanitaire ». Circulez, il n’y a rien à voir puisque cela a déjà été vu... Drôle de communication, qui oublie de dire que les 14,5 % de 2018 correspondent à un pic. Il s’agit donc bien là aussi d’un record, que l’on vient d’égaler.

(Infographie)

https://www.alternatives-economiques.fr/taux-de-pauvrete-atteint-sommets/00108657 

 

Plus inquiétant encore, l’intensité de la pauvreté augmente. C’est-à-dire que la moitié des personnes en situation de pauvreté ont un niveau de vie inférieur à 924 euros par mois, soit 20,2 % de moins que le seuil de pauvreté.

En 2020, cet écart n’était « que » de 18,7 %, soit une hausse de 1,5 point. Ce qui signifie que les pauvres sont non seulement plus nombreux, mais aussi de plus en plus pauvres. Comme le précise l’Insee, l’intensité de la pauvreté retrouve « un niveau proche de la moyenne de la décennie 2010 », dans le sillage de la grande crise de 2008. Une « remise en perspective » guère rassurante…

 

Des riches plus riches

Comment expliquer un tel retour de bâton ? Essentiellement par la fin du « quoi qu’il en coûte », explique l’Insee. En cause, notamment, la non-reconduction en 2021 de l’aide exceptionnelle de solidarité Covid versée en 2020 aux ménages bénéficiaires de certaines prestations sociales (notamment du revenu de solidarité active et des aides au logement) et de la majoration exceptionnelle de l’allocation de rentrée scolaire.

Dans une moindre mesure, le mode d’indexation de certaines prestations sociales sur l’inflation a pu jouer : les revalorisations sont en effet calculées sur l’année précédente, elles ne permettent pas de maintenir immédiatement le pouvoir d’achat quand les prix augmentent. Ce fut le cas en 2021, année où l’inflation a grimpé à 1,6 %, après 0,5 % en 2020.1

Enfin, « la réforme des allocations logement visant à tenir compte des revenus des ménages en temps réel » est également entrée en application au mois de janvier 2021, rappelle l’Insee, avant d’ajouter :

« Elle a conduit à une baisse du montant total d’aides au logement versé par rapport à ce qu’il aurait été sans réforme. »

Plus largement, le niveau de vie de la moitié des Français a reculé en 2021, après prise en compte des effets de l’inflation. Une baisse plus prononcée pour les 20 % des ménages les plus modestes (respectivement - 2,1 % et - 2 % pour les premiers et seconds déciles de niveau de vie). L’autre moitié de la population, elle, voit son niveau de vie augmenter, particulièrement chez les plus aisés : le niveau de vie du huitième décile augmente de 1,6 % et celui du neuvième de 1,1 %.

 

(Infographie)

https://www.alternatives-economiques.fr/pauvres-plus-pauvres-riches-plus-riches/00108658

Si l’on zoome davantage en haut de la distribution des niveaux de vie, la hausse des inégalités est encore plus manifeste.

« Le niveau de vie plancher des 5 % des ménages les plus aisés (95e centile) augmente de 5,6 % avant redistribution et de 4,5 % après redistribution (prenant notamment en compte les impôts et contributions sociales) », détaille l’Insee.

Ces Français ont bénéficié à plein de la reprise de l’activité post-pandémie. Leurs salaires sont repartis à la hausse. Mais aussi les revenus qu’ils tirent de leur patrimoine, grâce aux dividendes.

Résultat, les « principaux indicateurs d’inégalités de niveau de vie sont en forte hausse en 2021 », pointe l’Insee. C’est le cas notamment de l’indice de Gini2, qui grimpe à 0,294 en 2021.

 

(Infographie)

https://www.alternatives-economiques.fr/une-forte-hausse-inegalites/00108659

 

« Les indicateurs d’inégalités se rapprochent en 2021 des niveaux hauts de la période récente, observés en 2011, quand les ménages modestes avaient pâti de la dégradation de l’emploi et de la faible revalorisation du salaire minimum alors que les revenus du patrimoine étaient dynamiques, et en 2018, année durant laquelle les dividendes versés aux ménages avaient fortement augmenté à la suite de la mise en place du prélèvement forfaitaire unique, qui avait incité à distribuer les dividendes plutôt qu’à les capitaliser », commente l’Insee.

Double peine pour les chômeurs

Et cela ne devrait pas s’arranger en 2022, ni en 2023. A cause de l’inflation, bien évidemment. Mais aussi du fait de la réforme punitive de l’assurance chômage de 2019, qui est entrée en vigueur à partir d’octobre 2021, puis de celle qui est appliquée depuis février 2023, réduisant d’un quart la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi.

Déjà, en 2021, le taux de pauvreté des chômeurs a fortement augmenté (+ 1,9 point pour atteindre 35,1 %), alors que celui des personnes en emploi n’a augmenté que de 0,5 point, pour s’établir à 7,4 %. Or non seulement les chômeurs vont être moins bien indemnisés, du fait de la réforme, mais ils seront également plus nombreux, comme les derniers chiffres du chômage viennent de le confirmer. Une réalité que le gouvernement ne pourra pas éluder très longtemps.

 

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