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Covid-19 : BA.2, le sous-variant d’Omicron dont les traits se dessinent peu à peu

 

Plus transmissible et de même virulence ? Ce « petit frère » d’Omicron, devenu vite majoritaire au Danemark, sème le trouble. La séquence de son génome vient d’être déchiffrée.

Par Florence Rosier

Publié le 24 janvier 2022

« L’évolution d’une espèce vivante ne s’arrête jamais, sauf en cas d’éradication », rappelait Florence Débarre, spécialiste de biologie évolutive au CNRS, dans Le Monde du 11 janvier. Cette leçon de biologie, un certain virus nous la rabâche depuis deux ans, au risque de lasser. Jusqu’où devrons-nous décliner l’alphabet grec pour qualifier les variants du SARS-CoV-2 qui ne cessent d’émerger ? Jusqu’où compléter cette litanie par des sigles latins pour désigner les « petits frères » de ces variants ?

C’est un « petit frère » d’Omicron qui sème aujourd’hui le trouble. Nommé BA.2, il est le cadet de la souche majoritaire de ce variant, dite « BA.1 », qui circule très activement en Europe depuis un à deux mois. Si BA.2 inquiète, c’est à cause de deux observations. Au Danemark, il a très rapidement supplanté son aîné : il y représente désormais 66 % des souches de SARS-CoV-2.


On a souvent comparé le Danemark au Royaume-Uni, deux pays où la vague Omicron a déferlé début décembre 2021. Dans ces deux pays, cette vague a d’abord suivi des courbes parallèles. Mais le 5 janvier, un décrochage s’est produit. Au Danemark, elle a poursuivi son ascension vertigineuse, tandis qu’au Royaume-Uni, elle s’est aplatie avant de redescendre rapidement. Fait notable, depuis le 17 janvier, cette baisse marque le pas. Au Royaume-Uni, le sous-variant BA.2 reste très minoritaire (de l’ordre de 3 %), mais il aurait, depuis quelques jours, commencé à grignoter la part de son aîné. D’où cette interrogation légitime : la diffusion accélérée de BA.2 au Danemark, où les nouvelles contaminations flambent, serait-elle un signe de sa transmissibilité accrue ?

 

Très présent au Danemark

En France, une interrogation similaire a vu le jour. Pourquoi le pic de la vague Omicron, dont l’arrivée était annoncée vers la mi-janvier, tarde-t-il tant ? Si la vague reprend une nouvelle vigueur, son accélération peut-elle être liée, en partie du moins, à l’arrivée de BA.2 ? Impossible à ce stade de répondre.

D’une part, nos systèmes de détection des variants ne sont pas adaptés à un suivi de ce sous-variant. « La détection des mutations du SARS-CoV-2 par criblage ne permet pas, dans la plupart des laboratoires, de distinguer BA.1 de BA.2 », explique Florence Débarre. Pour faire ce distinguo, il faudra modifier les cibles de criblage. L’autre méthode est de séquencer la totalité du génome viral. Or, « la remontée des données du séquençage en France n’est pas immédiate », ajoute la biologiste. Par conséquent, on ne peut pas savoir à quel niveau ce sous-variant circule en France. A ce jour, moins d’une vingtaine de cas ont été certifiés par séquençage sur l’ensemble du territoire. Un nombre probablement sous-estimé.


D’autre part, le portrait de ce petit frère d’Omicron reste flou. « Il n’y a pas à ce stade de connaissances de risque de contagiosité [du sous-variant BA.2] vis-à-vis de celles et ceux qui ont déjà contracté le variant Omicron », estimait le ministre de la santé, Olivier Véran, jeudi 20 janvier.

Quelques traits de l’intrus se dessinent tout de même. Sa naissance, d’abord. Si la plus ancienne séquence génomique de BA.1 date du 23 octobre 2021, celle de BA.2 date du 1er novembre. Mais il a fallu attendre le 7 décembre pour que le sous-variant correspondant soit baptisé « BA.2 ». Il semble aujourd’hui très présent au Danemark, assez présent en Norvège, et il a été trouvé dans de nombreux pays d’Asie – mais encore faut-il pouvoir le détecter. Une étude danoise suggère par ailleurs que BA.2 ne provoque pas plus d’hospitalisations. En outre, « il est attendu que les vaccins conservent leur efficacité contre les formes sévères liées aux infections par BA.2 », écrivent les auteurs.

Incompréhension

La séquence de son génome a été déchiffrée. « BA.2 porte moins de mutations que BA.1, notamment sur la protéine Spike », indique Etienne Decroly, virologue au CNRS (université Aix-­Marseille). Sur cette protéine qui hérisse la surface du virus, trois sites stratégiques sont scrutés de près. Le « site de clivage de la furine », d’abord : il augmente la capacité du virus à infecter les cellules humaines. « Ce site n’est pas modifié sur BA.2, par rapport à BA.1 », précise Etienne Decroly.

Ensuite, il y a le site qui sert au virus de clé pour entrer dans les cellules humaines. Nommé RBD (« receptor binding domain »), il ne présente pas non plus de différences majeures sur BA.2. Une bonne nouvelle, car c’est aussi un site majeur pour déclencher l’activité neutralisante des anticorps.

Enfin, il y a le domaine NTD (« domaine N-terminal »), un second domaine reconnu par des anticorps neutralisants. Sur BA.2, il présente des divergences notables par rapport à son aîné. Cela pourrait-il expliquer qu’une partie des anticorps capables de neutraliser BA.1 ne parviennent plus à neutraliser BA.2 ?« C’est beaucoup trop tôt pour le dire, estime Etienne Decroly. On ne comprend pas pourquoi ce sous-variant, apparu il y a plus de deux mois, devient tout à coup prépondérant au Danemark. » Mais l’impressionnante progression de BA.2 au Danemark « suggère qu’il a un avantage évolutif sur BA.1 », conclut Florence Débarre.