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« Envoyé spécial » : que disent les accusatrices de Nicolas Hulot ?

lepoint.fr par Émilie Trevert

 

Le magazine de France 2 a recueilli les témoignages de trois femmes qui se disent victimes de l’ex-ministre. L’intéressé dément ces accusations.

 

«  Qui allait me croire ? Une gamine de 16 ans face à Nicolas Hulot ! » Sylvia est l’une des trois femmes qui témoignent à visage découvert dans l’enquête d’Envoyé spécial, diffusée hier, jeudi 25 novembre. Une enquête qui avait conduit l’ex-ministre de l’Écologie à se défendre la veille sur BFM TV et à annoncer son retrait de la vie publique.

Sylvia avait donc 16 ans, c’était « une gamine gaie qui aimait bien faire la fête », comme la décrit sa mère, qui ne s’était doutée de rien quand sa fille était rentrée, ce soir de mai 1989, après avoir rencontré celui qu’elle admirait à l’époque. L’adolescente était fan de Nicolas Hulot et elle ne s’en cache pas. Il avait 34 ans, était déjà le présentateur vedette d’Ushuaïa et l’animateur de l’émission Antipodes sur France Inter. « Ultra-intimidée », se rappelle-t-elle aujourd’hui, elle accepte d’aller prendre un café avec lui à la brasserie Les Ondes, en face de la Maison de la radio.

Il l’aurait ensuite déposée en voiture au Trocadéro et, en la saluant, lui aurait demandé de « l’embrasser dans le cou ». « Je l’embrasse dans le cou », avoue-t-elle. « Est-ce comme ça que vous en aviez rêvé ? » lui aurait alors lancé Hulot, qui se serait arrêté ensuite sur un parking aérien. « Et là, il sort son sexe… Il a pris ma main… Il me force à faire une fellation », raconte-t-elle, avec émotion, 32 ans plus tard à la journaliste Virginie Vilar. Sur le coup, Sylvia dit ne pas comprendre ce qui se passe. C’est 20 ans après qu’elle se confiera à un ami, puis à sa mère. « Je n’ai pas de preuves, reconnaît-elle. Je ne m’attaque pas à n’importe qui. C’est ce poids-là qui m’a fait me taire pendant trente ans. »

Hulot parle d’affirmations « mensongères »

Nicolas Hulot, à qui les noms des accusatrices n’avaient pas été communiqués avant la diffusion du documentaire et qui a refusé de se rendre sur le plateau d’Envoyé spécial, a affirmé sur BFM TV n’avoir jamais commis ces actes, « ni de près ni de loin ». « Ces affirmations sont purement mensongères », se défend celui qui refuse une « justice en direct » et va jusqu’à accuser « certaines femmes dans l’ombre  » d’être à la manœuvre. À Élise Lucet, qui l’enregistre à son insu au téléphone, il explique ainsi son refus de participer à l’émission : « La parole des femmes est sacrée, la parole des hommes est mise en cause. »

Si tu veux, je peux t’aider à avoir un boulot à TF1.

Cécile est la deuxième femme qui apparaît à visage découvert dans le reportage et son affaire est également prescrite. Elle a 23 ans à l’époque des faits, en 1998, à Moscou, où elle travaille pour l’ambassade de France. Elle débloque une situation compliquée pour Hulot et son équipe qui partent tourner sur l’un des plus hauts volcans du monde en Russie et, en retour, elle se retrouve invitée à la table de l’animateur phare de TF1.

La soirée se poursuit dans une boîte de nuit, où Hulot lui offre un Martini blanc, avant de tenter de la séduire, dit-elle. Cécile raconte alors qu’elle se sent mal à l’aise et souhaite partir. Hulot lui aurait emboîté le pas. « C’est là [dans un taxi, NDLR] qu’il devient entreprenant. Il me dit, en me mettant la main sur la cuisse : « Si tu veux, je peux t’aider à avoir un boulot à TF1. » Je décale la main, puis il insiste. Il insiste. Il se jette sur moi, essaye de m’embrasser, me touche les seins, l’entrejambe… Je me débats. Je l’ai frappé au visage », témoigne-t-elle aujourd’hui. Pourquoi n’a-t-elle pas porté plainte à l’époque ? « À Moscou ? Contre un ami du président Chirac ? La question ne s’est même pas posée », se justifie-t-elle.

Une troisième femme (anonyme) raconte une scène de baiser forcé « à pleine bouche », dit-elle, dans un bureau, après une réunion de travail. Enfin, une quatrième, Claire Nouvian, qui, elle, ne se dit pas victime, décrit une tentative de baiser inopinée de la part d’Hulot, avec qui elle a travaillé par le passé sans encombre, et parle d’« un dysfonctionnement dans ses rapports aux femmes ». « Il y a beaucoup de consommation, décrypte-t-elle. Il y a beaucoup de jeunes filles qui passent à la casserole… »

Maureen Dor raconte sa rencontre avec Hulot

Envoyé spécial exhume également une autre affaire, connue celle-ci, mais l’intéressée n’a pas souhaité apparaître à l’écran. Il s’agit de Pascale Mitterrand, petite-fille de l’ancien président, qui s’était retrouvée au cœur de l’article d’Ebdo publié en février 2018. Elle avait porté plainte pour viol en 2008 pour des faits qui remonteraient à 1997, en Corse, où, stagiaire dans une agence photographique, elle avait été envoyée dans la résidence secondaire de Nicolas Hulot. La plainte avait été classée sans suite par le parquet de Saint-Malo. Hulot a reconnu, devant Bruce Toussaint, sur BFM TV, qu’il s’était bien passé « quelque chose » avec la jeune femme de 19 ans, « mais dans un consentement et une harmonie d’une histoire sans lendemain ».

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Enfin, après la diffusion de l’enquête, le nom d’une personnalité qui circulait depuis plusieurs années a été révélé sur le plateau par Élise Lucet : il s’agit de l’ancienne animatrice de télé Maureen Dor, qui a envoyé une lettre à la rédaction (publiée dans son intégralité sur francetvinfo.fr). Fan du présentateur, dont elle vient de lire le livre Les Chemins de traverse, la jeune femme belge, âgée alors de 18 ans, le rencontre, en 1989, dans un hôtel de Bruxelles et l’accompagne « sans arrière-pensée », jure-t-elle : « Aussitôt dans la chambre, le voilà qui me saute dessus et tente de m’embrasser. Je le repousse, étonnée et effrayée… »

Maureen Dor, qui a longtemps hésité à témoigner – notamment parce que, « fascinée par le bonhomme » (sic), elle est retournée, ce soir-là, dîner avec Hulot et ses amis – ne se dit pas « abîmée » par cette histoire. « De plus, je pense que l’on peut changer, écrit-elle. On peut être un sale bonhomme à une époque et se rendre compte de sa connerie en vieillissant ou en ayant des enfants. J’ose espérer que la paternité a "appris" à monsieur Hulot qu’il fallait respecter les femmes. »