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L’épidémie de Covid-19 est-elle vraiment finie en France ?

L’épidémie de Covid-19 est-elle vraiment finie en France ?

Trois ans après son apparition soudaine, la maladie s’est stabilisée mais continue de mettre le système de soins sous pression, entraînant de 20 à 25 décès par jour en France.

Par Delphine Roucaute

Publié hier à 10h30, mis à jour à 11h06

Temps de Lecture 4 min.



https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/03/11/l-epidemie-de-covid-19-est-elle-finie-en-france_6165070_3244.html

Après trois ans d’épidémie et neuf vagues d’intensité et de durée diverses, quelle dynamique va adopter le Covid-19 en France ? Les indicateurs épidémiologiques sont au beau fixe depuis plusieurs semaines – incidence, hospitalisations et décès allant dans le même sens d’une diminution. Le nombre de nouvelles admissions à l’hôpital, autour de 280 par jour, atteint les niveaux de l’été 2021. Et il faut remonter à l’été 2020 pour observer une période aussi longue sans nouveau rebond épidémique. Une sorte de plateau semble ainsi être atteint depuis plus d’un mois, autour de 3 500 nouveaux cas par jour, sans qu’il soit possible de savoir combien de temps il va encore durer. D’une semaine à l’autre, le taux de reproduction oscille autour de 1, représentatif de la ligne de crête actuelle.

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La France est-elle enfin entrée dans cette phase d’endémie non pas synonyme de fin de l’épidémie, mais de stabilisation du nombre de cas ? Le manque de recul empêche encore les scientifiques de trancher et l’incertitude demeure sur la durée de cette phase de transition. D’autant plus que les anciens modèles permettant d’anticiper la dynamique épidémique, quelques semaines, voire quelques mois, à l’avance, sont devenus caducs, avec la complexité croissante de l’immunité de la population. Infections multiples, avec différents variants, à différentes époques, et schémas vaccinaux contrastés selon les âges… il faut désormais inventer une nouvelle manière de modéliser l’impact de cette maladie sur la population. Un travail d’envergure auquel s’attellent actuellement les scientifiques.

 

« Le plus probable, c’est que l’on va continuer à avoir un impact du SARS-CoV-2, donc le fardeau des maladies infectieuses respiratoires en France va être sans doute sensiblement augmenté par rapport à ce qu’il était quand on avait essentiellement des cas de grippe et de bronchiolite en hiver », analyse Simon Cauchemez, chercheur en épidémiologie à l’Institut Pasteur de Paris, spécialisé dans les modélisations mathématiques. La question est désormais de savoir quelle part va occuper le Covid-19 dans le fardeau global de ces maladies.

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Davantage de morts que la grippe

Depuis que l’épidémie s’est stabilisée, il y a environ un mois, 20 à 25 personnes meurent chaque jour de la maladie. Concrètement, cela signifie que, si ce niveau était maintenu toute l’année, le nombre de morts serait à peu près équivalent à une épidémie de grippe, qui provoque en moyenne 9 000 décès par an, concentrés sur une dizaine de semaines, comme le précise Santé publique France (SPF). Chiffre auquel il faudrait ajouter, pour le Covid-19, l’excès de mortalité associé à chaque rebond épidémique. Même à son plus bas niveau, le Covid-19 fait toujours plus de morts que la grippe.

Lors de l’année écoulée, ce ne sont pas moins de cinq vagues de Covid-19 qui ont frappé la population française, contre quatre lors des deux années précédentes. « Aucune autre maladie infectieuse ne se comporte de cette manière, ce serait donc surprenant que ce rythme continue », souligne Simon Cauchemez. Même si, d’un point de vue sanitaire, un enchaînement de petites vagues successives est peut-être préférable à une grande vague qui interviendrait tous les ans en même temps que la grippe et la bronchiolite en hiver. En novembre-décembre 2022, c’est bien la conjonction des trois épidémies qui a mis le système hospitalier à mal, alors même que la part de patients atteints du Covid-19 n’était pas majoritaire parmi les maladies infectieuses.

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Par ailleurs, « d’un point de vue immunitaire, ces vagues successives ont un côté rassurant : dès que l’immunité populationnelle diminue, une nouvelle vague arrive et la rebooste, permettant de revenir à un niveau suffisant pour éviter un pic épidémique majeur », remarque Simon Cauchemez. Car c’est bien la durée de cette immunité acquise par les infections passées et la vaccination qui sera le paramètre-clé pour la suite de la dynamique épidémique.

De ce point de vue, il faut bien différencier la protection contre les infections de celle contre les formes graves de Covid-19. « Si la première s’atténue rapidement, car la quantité d’anticorps neutralisants diminue vite dans le sang, la deuxième repose, elle, sur les cellules mémoire et est certainement plus résistante », rappelle Alain Fischer, professeur d’immunologie pédiatrique.

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Pour l’ancien président du comité d’orientation de la stratégie vaccinale contre le Covid-19, « le fond de protection de la population contre les formes graves va a priori encore durer un bon moment, sauf si un nouveau variant à fort échappement immunitaire s’imposait ». « Mais les conséquences des variations génétiques sont souvent moindres sur les cellules mémoire », observe le vaccinologue.

Omicron victime de son succès

C’est aujourd’hui la branche Omicron qui s’est imposée presque exclusivement dans le monde entier, remplaçant ses prédécesseurs à prétention hégémonique Alpha et Delta, mais de nouveaux sous-lignages ou recombinants apparaissent régulièrement. En France métropolitaine, les sous-lignages d’Omicron les plus détectés restaient BQ.1.1, rejeton de BA.5, avec 40 % des séquences interprétables lors de la dernière enquête Flash de SPF du 14 au 20 février, ainsi que XBB.1.5, issu d’une recombinaison de sous-variants dans la lignée de BA.2 (32 % des séquences).

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Malgré tout, « au sein de cette famille, l’évolution continue, avec un nombre finalement assez limité de mutations, qui sont toujours un peu les mêmes. On parle alors de convergence évolutive : les mêmes causes produisant les mêmes effets dans différentes régions du monde et sur différents virus », explique Olivier Schwartz, responsable de l’unité virus et immunité de l’Institut Pasteur. D’une certaine manière, Omicron est victime de son succès : après avoir infecté près de 90 % de la population française grâce à ses propriétés inégalées de transmissibilité et d’échappement immunitaire, presque tout le monde est désormais doté d’anticorps ciblant cette famille. Sans parler du succès de la vaccination : en France, plus de 80 % de la population a reçu au moins trois doses de vaccin.

« On a l’impression d’arriver au bout d’un processus. Il n’y a pas pour l’instant de nouvelle souche qui semble prendre le dessus », remarque M. Schwartz. Il est toutefois trop tôt pour crier victoire. L’émergence d’un nouveau variant effectuant un saut évolutif du même type que celui observé entre Omicron et ses prédécesseurs est toujours possible. L’épopée du Covid-19 n’est pas encore finie.

Delphine Roucaute