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« Méga-bassines » à Sainte-Soline : ce document qui pourrait remettre à plat le projet

 

Le 05 juillet 2023 à 12h19, modifié le 05 juillet 2023 à 16h34

Autour du chantier contesté de « méga-bassines » à Sainte-Soline (79), une médiation regroupant agriculteurs et défenseurs de l’environnement a franchi une étape avec le vote d’une motion commune. Sans pour autant abandonner le principe de ces réserves d’eau, le document préconise une refonte totale du projet.

 

C’est un « petit » document de deux pages seulement, mais dont la dimension est inversement proportionnelle au nombre de caractères couchés sur le papier. Car la motion votée mardi par le Comité de bassin Loire Bretagne à la quasi-unanimité (137 pour sur 138 votants à bulletins secrets), propose un début de sortie de crise à des acteurs radicalement opposés autour du projet de bassins de rétention d’eau, appelés plus communément « méga-bassines », dans la petite commune de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres. Un dossier explosif, au figuré comme au propre au regard des affrontements entre opposants et forces de l’ordre, en mars dernier, qui avaient fait plusieurs blessés.

 

« Des heures de réunions, de transactions »

Preuve de cette tension, les CRS étaient venus en nombre mardi à Bourges (18) et un drone survolait le Creps, lieu hébergeant la session plénière. Même si aucun manifestant, au final, n’a perturbé l’événement.

 

Dans ce dossier, une médiation, portée par le président du comité de bassin - l’ex-conseiller régional de Bretagne Thierry Burlot - est engagée depuis le mois de janvier. Un travail nécessitant une grande diplomatie et une méthode puisque l’instance, qui gère l’eau sur un vaste territoire allant du Puy-en-Velay, en Auvergne, à Brest, réunit des acteurs aux objectifs bien souvent contraires, comme la FNSEA et France Nature Environnement. Et il aura fallu du temps avant d’en arriver à ce document, comme le souligne Thierry Burlot, ne cachant pas sa joie d’être arrivé à ce consensus. « Ce sont des heures de réunions, de transactions, d’écoute. On a dû faire une trentaine de versions avant d’en arriver là. »

Alors que dit cette motion, révélée mardi par Le Courrier de l'Ouest et dont Le Télégramme s’est procuré une copie ? D’abord, que « la recherche de sobriété et d’économies d’eau pour tous les usages est une priorité dans un contexte de dérèglement climatique, par tous les moyens disponibles, y compris des projets novateurs de réutilisation des eaux usées et des eaux pluviales si cela s’avère adapté. » Une porte ouverte donc à la construction de « bassines », mais dans des conditions particulières, s’empresse de préciser le document.

Dans le cadre de financements publics, la construction de « réserves de substitution » s’inscrit ainsi obligatoirement dans un projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), « dans un cadre collectif entre les acteurs d’un bassin-versant. » En suivant un cap strict : adapter les prélèvements aux ressources disponibles et contribuer aux objectifs environnementaux définis par le bassin Loire-Bretagne.

« Transition agroécologique »

Pour cette motion, la création des bassines n’est, par ailleurs, pas envisageable sans la recherche et l’obtention d’économies d’eau agricole. Elle donne aussi une vision très claire du modèle agricole vers lequel doivent tendre les acteurs. Chaque projet de bassine doit alors être adossé « à des engagements individuels et collectifs pris par les exploitants agricoles irriguant, favorables à la transition agroécologique, avec obligation de résultat. »

En résumé, une bassine, pourquoi pas, mais à condition que les pratiques agricoles accélèrent dans leur mutation vers un modèle plus respectueux de la biodiversité aquatique et de l’environnement.

« Dans le dérèglement climatique, il y a deux piliers : l’adaptation, par exemple les retenues de substitution et l’atténuation avec les zones humides ou le stockage dans les sols. On dit qu’on ne fera pas l’un sans l’autre », explique Thierry Burlot. « Mais il n’est pas question non plus de stocker de l’eau pour irriguer le maïs comme on le fait depuis des années », prévient-il.

 

Le document signé mardi précise aussi quelques actions concrètes à engager : réduction des phytosanitaires, transition vers l’agriculture biologique, diversification des productions, création de haies et talus… Avec une « gouvernance publique », pour assurer le suivi et la supervision. Un pacte doit notamment être signé entre les collectivités territoriales. « Sainte-Soline a été considérée par beaucoup comme de l’accaparement. Nous, on dit qu’il faut une gouvernance publique, une transparence totale et un partage de l’eau », souligne le président du comité de bassin, qui se donne jusqu’à la fin de l’année pour avancer vers une solution solide. Tout en affirmant que le projet va évoluer considérablement. « Tout le monde a compris qu’on ne pouvait pas continuer comme ça. »

 

Thierry Burlot sait que cette motion sera regardée de près par le gouvernement et les autres territoires où des bassines pourraient voir le jour à l’avenir. Car cette médiation a vocation à servir de modèle. « Si on échoue à Sainte-Soline, rien ne se fera ailleurs. C’est un enjeu capital. »