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En Chine, la « génération dorée » aux portes du pouvoir

« La Chine avant le congrès » (5/5). Les quinquagénaires de la septième génération, dont plusieurs membres ont étudié la finance, feront leur entrée au comité central du PCC lors de son 20ᵉ congrès. Parmi eux se trouvera, sans doute, le successeur de Xi Jinping.

Par Frédéric Lemaître(Pékin, correspondant Le Monde)

 

Les délégués du 19e congrès du Parti communiste chinois, avec, au centre, le président  Xi Jinping, lors de la clôture du congrès, à Pékin, le 24 octobre 2017.

 

Les délégués du 19e congrès du Parti communiste chinois, avec, au centre, le président Xi Jinping, lors de la clôture du congrès, à Pékin, le 24 octobre 2017. NICOLAS ASFOURI / AFP

 

Qui, après Xi Jinping, dirigera la Chine ? La question est à la fois taboue et, sans doute, prématurée. La grande majorité des spécialistes est convaincue que le numéro un va encore rester au moins dix ans au pouvoir. Depuis qu’en 2018 il a fait modifier la Constitution pour mettre fin à la limite des deux mandats pour le président de la République, rien ne l’en empêche.

En 2032, Xi Jinping aura 79 ans. Mais il est l’exception qui confirme la règle voulant qu’un responsable peut encore espérer une promotion à 67 ans, mais plus à 68. Résultat : si Xi Jinping se maintient effectivement jusqu’en 2032, son successeur fera partie de la « septième génération », celle qui est née entre 1970 et 1979, au détriment de la sixième génération, qui sera alors trop âgée pour que l’un des siens accède au pouvoir suprême.

 

108 leaders en gestation

La septième génération, la « 7G », est considérée comme la « génération dorée ». Elle n’a pas connu les famines de 1960 ni subi la politique de l’enfant unique mise en place en 1979. Selon Cheng Li, un « pékinologue » de la Brookings Institution – un think tank américain –, c’est en novembre 2016 qu’un membre de la 7G a, pour la première fois, fait son entrée dans un comité permanent du Parti communiste chinois (PCC) au niveau d’une province. Il s’agit de Liu Jie, dans le Jiangxi. Depuis, d’autres ont suivi. Selon Cheng Li, en mars 2022, 108 membres de la 7G avaient rang de vice-ministre ou de responsable d’une vice-province, deux grades importants de l’administration chinoise. La 7G devrait également faire son entrée en force au comité central du Parti à l’occasion de son 20e congrès, qui débute ce 16 octobre, estime le chercheur. Aujourd’hui, seuls deux de ses 376 membres sont nés dans les années 1970. Mais une quarantaine environ devrait intégrer ce cénacle la semaine prochaine.

 

Depuis 2019, les provinces ont créé des postes de « vice-gouverneur des affaires financières », de plus en plus souvent occupés par des membres de la septième génération

Qui sont ces 108 leaders en gestation ? Très majoritairement des hommes – on ne compte que sept femmes –, qui ont fait entre trois et cinq ans d’études techniques (34 % de la cohorte), ou étudié la gestion, la finance ou l’économie (25 %). Sur ces 108 personnes, 23 disent avoir étudié à l’étranger. Au moment où la dette du pays croît sensiblement et où la crise de l’immobilier plombe les recettes publiques, les financiers ont le vent en poupe. Depuis 2019, les provinces ont créé des postes de « vice-gouverneur des affaires financières », de plus en plus souvent occupés par des membres de cette 7G.

 

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La sixième génération, la 6G, pourrait donc voir le pouvoir suprême lui échapper, mais plusieurs de ses membres devraient intégrer, dès ce congrès, le saint des saints, le comité permanent du bureau politique, actuellement composé de sept hommes, tous nés dans les années 1950. Parmi les 6G qui pourraient être ainsi promus figurent Hu Chunhua (né en 1963), actuellement vice-premier ministre, Chen Min’er (1960), secrétaire du Parti à Chongqing, et Ding Xuexiang (1962), directeur du bureau politique du PCC, et donc bras droit de Xi Jinping, qui en est le secrétaire général.

Quels sont les critères pour être promu ? Xi Jinping n’aime pas les cadres en proie au doute. « Le moment le plus dangereux se trouve lorsque la conviction commence à vaciller. (...) Je me suis toujours demandé si, face à l’une de ces révolutions colorées, nos cadres seraient dans la capacité de défendre notre parti et le socialisme », expliquait-il dans un discours sur la formation des cadres en juin 2013. Le dirigeant chinois mettait en avant, lors d’une réunion du bureau politique, en 2018, « la compétence professionnelle associée à la moralité, la moralité venant d’abord ». Il a même pris soin d’ajouter que celle-ci incluait « la moralité politique, professionnelle, sociale, et celle de la famille ». Parmi ces dernières, « la moralité politique est la plus importante », a-t-il précisé. Des critères d’autant plus décisifs que, le moment venu, Xi Jinping cherchera vraisemblablement à peser sur le choix de son successeur et que, comme il aime à s’entourer de fidèles qu’il connaît depuis des décennies, aucun des 7G ne travaille dans son entourage immédiat.

 

Le « club du cosmos »

Depuis 2017, Xi Jinping a mis fin à un processus collectif de désignation des dirigeants auquel environ 400 responsables avaient participé en 2007 et 2012, processus auquel il doit pourtant sa nomination. Choisissant lui-même les dirigeants à l’issue d’entretiens individuels, il devrait continuer de s’appuyer sur ses proches, notamment sur ceux qui forment ce que les observateurs appellent le « club du cosmos », des dirigeants politiques ayant commencé leur carrière dans le spatial ou l’aéronautique. Ce n’est pas un hasard si le C919, le premier avion de ligne chinois destiné à concurrencer Airbus et Boeing, a été certifié juste avant le 20e congrès du PCC, et si le dirigeant chinois a présidé, le 30 septembre, une cérémonie en l’honneur des concepteurs de l’avion (aux réacteurs franco-américains).


« La présence de membres du comité central avec un passé dans l’aéronautique n’est pas une nouveauté, mais ce groupe n’avait jamais eu autant de postes à responsabilités, aux niveaux national et provincial, que sous Xi Jinping », note Cheng Li. Selon lui, pas moins de 12 % des 376 membres du comité central font partie du « club du cosmos ». Certains de ses membres ont fait une très belle carrière politique, tels les secrétaires actuels du Parti dans le Xinjiang, le Hunan, le Zhejiang – une province qui, économiquement, pèse autant que les Pays-Bas –, ou encore le président de la commission qui supervise l’ensemble des entreprises publiques. Des hommes nés autour de 1960 qui, selon Cheng Li, « devraient jouer un rôle important au cours du troisième mandat de Xi, et au-delà ». Avant de passer le relais à la 7G.