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Covid-19 : l’espoir d’un pic épidémique proche se dissipe

 

Des mesures d’assouplissement ont été annoncées, mais le taux d’incidence n’a jamais été aussi élevé. Cette hausse tient-elle à un relâchement des comportements, à la rentrée scolaire ou à l’arrivée du sous-variant d’Omicron BA.2 ?

Par Florence Rosier

 

C’est un paradoxe auquel la pandémie de Covid-19 a fini par nous habituer. D’un côté, des contraintes sanitaires bientôt allégées, ont annoncé les pouvoirs publics jeudi 20 janvier ; de l’autre, de nouvelles infections qui atteignent un niveau inédit, a souligné Santé publique France (SPF) ce même jour.

Dans la soirée, le premier ministre, Jean Castex, a en effet déclaré que le passe vaccinal, dont l’entrée en vigueur est prévue le 24 janvier pour les personnes de 16 ans et plus, devrait permettre de « lever la plupart des restrictions ». Le 2 février, trois contraintes seraient ainsi abolies : l’exigence du port du masque en extérieur, l’obligation du télétravail trois jours par semaine et les jauges dans les lieux accueillant du public.

Ce même soir, pourtant, SPF signalait un nombre record de 425 183 nouvelles infections au SARS-CoV-2 déclarées au niveau national. Un niveau de contamination massif, jamais atteint jusqu’ici. « Je ne comprends pas comment, avec plus de 400 000 nouveaux cas par jour, on fait comme si de rien n’était », dit, perplexe, un épidémiologiste.

 

« Ce pic tant espéré, on ne le voit pas venir »

Voici moins d’une semaine, pourtant, une amorce de décrue des taux d’incidence semblait se dessiner dans quelques régions, notamment en Ile-de-France. « Cet espoir a été douché par les derniers chiffres », se désole Mahmoud Zureik, professeur d’épidémiologie et de santé publique à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. « Ce pic tant espéré, qu’on avait cru entrevoir en France, au Danemark et en Norvège, on ne le voit pas venir dans l’immédiat », renchérit Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale, à l’université de Genève.

Le conseil scientifique, de son côté, se montre prudent. « Cette cinquième vague, liée au variant Omicron, n’est pas terminée, et son retentissement sur le système de soins va rester élevé, mais en partie gérable, et ce jusqu’à mi-mars », insiste-t-il dans son dernier avis, publié le 19 janvier. De fait, sur la semaine du 10 au 16 janvier (semaine 2), « la circulation du SARS-CoV-2 restait très intense, avec une augmentation moins marquée du nombre de cas, et une pression hospitalière toujours importante », résume SPF.


Le taux d’incidence moyen était de 3 098 cas pour 100 000 habitants, avec des maxima chez les 10-19 ans (supérieur à 5 500 pour 100 000 habitants) et les 30-39 ans (plus de 4 200). Si les taux de dépistage étaient en baisse, les taux de positivité restaient très élevés : 24,3 % – soit une personne sur quatre. Au total, 1 844 nouvelles admissions en service de soins critiques ont été enregistrées (− 19 % par rapport à la semaine précédente), ainsi que 13 787 nouvelles hospitalisations tous services confondus (un nombre stable), avec de fortes disparités régionales. Le variant Omicron semblait quasi hégémonique, avec 96 % des tests criblés montrant un profil compatible avec le variant.

 

Sous-variant d’Omicron

Pourquoi la décrue tarde-t-elle ? « Depuis une semaine, il se passe quelque chose qu’on a du mal à expliquer, confie le professeur Zureik. Il y a un grand mystère dans cette épidémie. » Est-ce un relâchement des comportements, lié au sentiment que tout va mieux ? Est-ce un effet différé de la « reprise de la vie scolaire », comme le suppose le conseil scientifique ?


Est-ce l’arrivée d’un nouvel intrus, le sous-variant d’Omicron BA.2 – « Dont on ne connaît pas grand-chose », reconnaît l’épidémiologiste ? En France, le séquençage ne permettait de détecter qu’une vingtaine de cas de BA.2 sur le territoire, la semaine passée. Un nombre sans doute sous-estimé : « On ne séquence pas assez », regrette le professeur Zureik, et « le criblage ne permet pas distinguer les différents sous-variants d’Omicron », ajoute le professeur Flahault.

Interrogé, jeudi soir, sur le risque lié à ce sous-variant BA.2, le ministre de la santé, Olivier Véran, a répondu qu’il « ne change[ait] pas la donne ». Selon lui, « il n’y a pas, à ce stade, de connaissances de risque de contagiosité [de ce sous-variant] vis-à-vis de celles et ceux qui ont déjà contracté le variant Omicron ».

Mais les experts s’interrogent : pourquoi la situation sanitaire est-elle désormais si contrastée entre le Danemark et le Royaume-Uni ? Alors que la vague d’Omicron a déferlé sur ces deux pays au même moment, début décembre, elle est en pleine décrue au Royaume-Uni, mais gonfle encore au Danemark. Est-ce parce que le BA.2 est devenu majoritaire sur le territoire danois, mais pas sur les terres britanniques ? Si oui, ce pourrait être le signe d’une transmissibilité accrue de cet avatar d’Omicron.


Limiter les déprogrammations

A l’hôpital, « la situation va être plus difficile dans les régions du sud de la France, où les niveaux d’occupation des lits sont déjà similaires à ceux rencontrés au pic des vagues précédentes », note le conseil scientifique. Limiter les déprogrammations chirurgicales et médicales est « un enjeu majeur pour cette période », qui sera « source de tensions entre les différentes équipes médicales : le partenariat public-privé est un élément important de la réponse ».

Cette répercussion sur le système de soins pourrait être gérée « si, et seulement si, la réduction des contacts et la conservation des gestes barrières se poursuivent durant les semaines qui viennent ». Le conseil recommande donc de « renforcer chaque fois que possible l’autonomie [des] concitoyens » dans cette lutte.

Et pour la suite ? L’ambiance générale, « parfaitement compréhensible » juge le conseil scientifique, est de penser que les mois de mars-avril marqueront le « début de la fin ». Cela, grâce à une immunité collective très élevée, liée au nombre massif d’infections par le variant Omicron, nettement moins sévère, et à un très haut niveau vaccinal. « L’expérience récente (variants Alpha, Delta et Omicron) nous a malheureusement montré que l’arrivée d’un nouveau variant était difficile, voire très difficile, à anticiper », conclut cependant l’instance.