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Harvard s’oppose à Donald Trump, le président américain gèle 2,2 milliards de dollars d’aide à la prestigieuse université

La réponse de Donald Trump n’a pas tardé contre l’université accusée de ne pas avoir lutté contre l’antisémitisme, lors des manifestations propalestiniennes après les massacres du 7-Octobre et la guerre dans la bande de Gaza. La plus ancienne université des Etats-Unis est la première à oser un choc frontal contre le président américain, affaibli par ses reculs dans sa guerre commerciale.

 

C’est non. La prestigieuse université Harvard a refusé de se plier aux injonctions de l’administration Trump qui menace de couper 9 milliards de dollars (8 milliards d’euros) d’aides fédérales destinées au cours des prochaines années à ses facultés et à son hôpital. « L’université ne renoncera pas à son indépendance ni à ses droits constitutionnels. Ni Harvard ni aucune autre université privée ne peuvent se laisser mettre sous tutelle par le gouvernement fédéral », a déclaré Alan Garber, président de Harvard, dans une déclaration à l’université, lundi 14 avril. « Aucun gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir, ne devrait dicter ce que les universités privées peuvent enseigner, qui elles peuvent admettre et embaucher, et quels domaines d’études et de recherche elles peuvent poursuivre. »

La réaction de Donald Trump ne s’est pas fait attendre. Le gouvernement fédéral a gelé, lundi soir, 2,2 milliards de dollars d’aides à l’université. « La déclaration d’aujourd’hui de Harvard renforce l’idée préoccupante d’un sentiment de droit acquis, endémique dans les universités les plus prestigieuses de notre pays… Les perturbations de l’apprentissage qui ont affecté les campus, ces dernières années, sont inacceptables. Le harcèlement des étudiants juifs est intolérable. Il est temps que les universités d’élite prennent le problème au sérieux et s’engagent à apporter des changements significatifs, si elles souhaitent continuer à bénéficier du soutien des contribuables », écrit la task force chargée, en théorie, de lutter contre l’antisémitisme et qui regroupe les ministères fédéraux de la santé et de l’éducation.

Il s’agit du choc frontal le plus violent contre les intimidations de Donald Trump, qui est dans une mauvaise passe, contraint d’aller de reculade en reculade sur sa politique douanière, provoquant une crise financière et la riposte déterminée de la Chine. Dans une lettre envoyée le 11 avril, la task force assène que « ces dernières années, Harvard n’a pas réussi à respecter les conditions de droits intellectuels et civiques justifiant un investissement fédéral. Nous apprécions, néanmoins, votre engagement à remédier à ces manquements ». Et de lister toute une série d’exigences, allant d’une réforme de la gouvernance – en réduisant le pouvoir et l’indépendance académique des facultés – à la lutte contre l’antisémitisme ou la réforme du recrutement des étudiants étrangers.

« D’ici à août, l’université doit réformer son recrutement des étudiants internationaux afin d’empêcher l’admission d’étudiants hostiles aux valeurs et aux institutions américaines, y compris les étudiants soutenant le terrorisme ou l’antisémitisme », exige l’Etat fédéral. La prise en compte de la diversité et de l’inclusion dans le recrutement des élèves est proscrite et l’université est priée de communiquer tous les documents d’admission à l’Etat fédéral.

 

Double prétexte

Un audit de la diversité idéologique au sein du corps enseignant et des élèves est demandé : « L’université devra demander à un organisme externe de procéder à un audit de la diversité des points de vue auprès des étudiants, des professeurs, du personnel et de la direction, de sorte que chaque département soit individuellement diversifié. » Le recrutement des professeurs doit aussi être profondément réformé : « L’université doit cesser toute préférence fondée sur la race, la couleur, la religion, le sexe ou l’origine nationale dans ses pratiques d’embauche, de promotion, de rémunération. Cette adoption et cette mise en œuvre doivent être durables et se traduire par des changements structurels et de personnels. »

Des mesures contre le plagiat sont ordonnées. C’est cette accusation qui avait porté l’estocade à la présidente de Harvard, Claudine Gay, spécialiste d’études afro-américaines et contrainte à la démission à l’hiver 2024.

 

Le prétexte de cette mise au pas est double : l’accusation de ne pas avoir lutté contre l’antisémitisme, lors des manifestations propalestiennes à partir des massacres du 7 octobre 2023, ce qui avait conduit à la démission de sa présidente Claudine Gay ; la détestation d’une université progressiste au point d’accueillir peu de points de vue conservateurs et le rejet de sa politique d’inclusion, qui a conduit à sa condamnation par un arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis à l’été 2023.

« Attaques antidémocratiques »

Le personnel de l’université, la plus ancienne des Etats-Unis, fondée en 1636 près de Boston (Massachusetts), était très pressant pour résister à Donald Trump. En avril, plus de 800 membres du corps enseignant ont signé une lettre exhortant l’université à « monter une opposition coordonnée à ces attaques antidémocratiques ». Le front était plus divisé à l’université new-yorkaise de Columbia, également soumise au chantage aux subventions, ce qui a conduit à la démission de sa présidente par intérim.

Dans une lettre aux autorités fédérales, les avocats de l’école ont déclaré que Harvard avait réalisé des progrès significatifs au cours des quinze derniers mois en imposant des sanctions sévères à ceux qui enfreignent la politique universitaire et en promouvant la diversité idéologique. « Harvard se trouve, aujourd’hui, dans une situation très différente de celle d’il y a un an », a déclaré l’école, selon The Wall Street Journal.

Larry Summers, ancien président de l’université et ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton, a salué la résistance de son président. « Je suis très heureux de voir le président Garber diriger Harvard et j’espère que toutes les universités résisteront aux demandes extrajudiciaires et déraisonnables du gouvernement fédéral », a écrit, sur X, M. Summers, qui avait été critique sur la direction précédente. Et d’ajouter : « L’iniquité des demandes fédérales ne doit pas occulter la nécessité d’une réforme majeure pour lutter contre l’antisémitisme, promouvoir une véritable recherche de la vérité, vénérer l’excellence et garantir la diversité idéologique. »

 

Harvard a émis 750 millions de dollars sur le marché obligataire qu’elle pourrait utiliser comme trésorerie au cas où le gouvernement fédéral lui couperait les vivres.

Arnaud Leparmentier (New York, correspondant)