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Dans la silence - 3/3

La tension est retombée et je souffle enfin. Je me sens soulagé, je ne suis plus en danger de mort, mes agresseurs sont désormais hors d'état de nuire.

Il faut, maintenant, que je sorte de cette foutue forêt.

Je descends difficilement de l'arbre pour finir par tomber par terre. Heureusement, le sol est plutôt mou et je ne tombe pas de haut.

Me voilà allongé sur les feuilles mortes, je me sens épuisé.

L'adrénaline est retombée, je suis à bout de force et j'ai mal, très mal. J'étais déjà blessé avant mais là, c'est bien plus grave, une balle de fusil m'a détruit l'oreille gauche. Je sens mon sang dégouliner le long de ma tête pour arriver dans ma nuque et ruisseler sur les feuilles marronées recouvrant la terre sombre.

J'ai aussi froid, je suis complètement gelé. C'est probablement dû au fait que je me vide de mon sang ou peut-être parce que j'ai eu une montée d'adrénaline.

Dans tous les cas, il faut que j'aille à l'hôpital.

 

Je me relève après quelques minutes de souffrance et de lamentation. J'ai la tête qui tourne, je boîte et je n'ai pas les idées claires mais il faut que je marche, que je me dépêche de trouver la sortie.

J'ère dans cette vaste forêt, j'ai l'impression de me trouver dans le labyrinthe de Knossos, j'espère ne pas tomber sur le Minotaure.

Cela doit faire plus ou moins une heure et demie que je marche. J'ai un très bon sens de l'orientation, habituellement, mais, là, je suis complètement perdu.

J'espère vraiment sortir de là avant de tomber de fatigue. Ce serait dommage de mourir maintenant, après tout ce que j'ai fait pour survivre, après tout ce que j'ai enduré.

Au moins, je suis serein, si je meurs, je saurais que ce ne sont pas eux qui m'auront tué. Je sais, aussi, qu'ils ne pourront plus faire de mal à personne.

 

Je suis vraiment heureux de les avoir éliminés, ça peut paraitre bizarre mais j'ai l'impression d'être un héro. Je suis fier de moi.

C'est tout de même étrange d'être fier d'avoir tué quelqu'un... Est-ce que les policiers sont fier quand ils éliminent un criminel ? Ou se sentent ils mal d'avoir pris une vie ? Pour l'instant je me sens bien par rapport à ça, même très bien, mais peut être qu'un jour je le prendrais autrement... J'espère ne pas être hanté par leur mort, faire des cauchemars toutes les nuits, les voir partout, culpabiliser, me refaire le film de ce qui est arrivé en imaginant ce qu'il se serait passé si je les avais épargné...

De toute façon, si je les avais laissé vivre, je serais mort à l'heure qu'il est. Je n'avais pas le choix.

 

Je m'épuise, je fais une petite pause. Je m'arrête sans m'asseoir sinon je risque de ne pas parvenir à me relever. Je me pli en deux, j'ai mal au ventre, je pense que mes côtes sont cassées.

Je relève la tête et là, je le vois. Je le vois mon Minotaure !

C'est lui, c'est l'homme qui m'a kidnappé. Je me souviens de lui, désormais. Il est là, en face de moi à quelques mètres seulement, un fusil à la mains suspendu le long de son corps. Il a le look du parfait chasseur avec sa petite casquette, ses rangers et sa veste kaki.

Je suis tétanisé. Je n'arrive plus à bouger, je ne respire même plus. Il me regarde sans bouger.

Est ce qu'il est au courant que j'ai tué tous ses amis ? J'espère que non.

Il me terrifie, son regard est noir, il me fixe en bougeant lentement. Il charge son fusil doucement et le pose contre son oreille. C'est là que je réagis, je cours !

 

Je fui sans regarder derrière moi, j'ai l'impression d'être revenu à la case départ. Me revoilà à fuir un ennemi que je ne vois pas et n'entend pas, sauf que cette fois je suis bien plus blessé et épuisé. Je vois des impacts de balle sur les troncs non loin de moi, il me canarde !

J'avance de moins en moins vite, j'ai de plus en plus de mal à me déplacer. Mes espoirs d'en sortir vivant se dissipent, ma vue se trouble. C'est fini je vais mourir.

Je suis prêt à m'écrouler quand je vois une voiture. Il y a une voiture qui roule à toute vitesse juste devant moi, il y a une route !

Je m'y précipite en criant et en agitant les bras mais il n'y a plus de véhicule et mon agresseur arrive.

Je suis au beau milieu de la route, tourné vers la forêt regardant mon bourreau arriver. Soudain, je ressens une vive douleur, bien plus forte que toutes les autres, bien plus forte que toutes les douleurs que j'ai pu ressentir dans ma misérable vie.

Je me sens projeté. Mes pieds se décollent du sol, la moitié de mon corps s'écrase contre la carrosserie de la voiture qui vient de me percuter.

 

Pendant que je prends mon envol, j'espère atteindre le ciel. Ce beau ciel bleu que j'ai toujours aimé.

Je revois ma mère, ma jeune mère qui me raconte une histoire.

Elle me conte l'histoire "Pirouette, Cacahuète", j'adore cette histoire. Au moment où elle parle de l'avion à réaction, je m'imagine à l'intérieur essayant de récupérer le bout du nez.

Dehors, par ce temps ensoleillé, je suis installé contre ma mère dans le hamac, elle a le livre à la main, moi, j'ai un petit avion dans la mienne.

- Madame ! Votre chat est encore chez moi ! Dit la voisine par-dessus la clôture.

- Oh ! Je suis vraiment désolé, je vais le chercher. Répond ma mère en se levant.

Je suis seul dans le hamac qui me berce, comme si j'étais bercé par le vent dans le ciel.

Il est si beau le ciel, je l'observe en rêvant d'être un oiseau avec de grandes ailes. Je rêve de devenir pilote afin de voir les étoiles de plus près, afin de passer à travers les nuages, afin de faire la course avec les oiseaux, afin de rattraper le bout du nez du facteur.

Je tombe. Me voilà étalé sur le sol, en miette, la douleur disparait peu à peu. Je ne ressens plus rien, je regarde le ciel en espérant y aller maintenant que je suis mort.