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Elon Musk; la chute d'un géant!

 

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Tesla sans Elon Musk ? Longtemps inimaginable, la possibilité est devenue très réelle la semaine dernière lorsque le gendarme boursier américain a annoncépoursuivre le PDG du fabricant de voitures électriques pour fraude . La peine réclamée - l'interdiction d'occuper un poste de dirigeant d'une entreprise cotée - a fait tanguer les marchés, le titre perdant 13 % en Bourse. Samedi, le patron de Tesla a évité le pire en se résolvant à signer un accord à l'amiable avec la SEC. Le milliardaire conserve son poste de directeur général mais abandonne celui de président du conseil d'administration pour les trois prochaines années.

L'épisode illustre les risques planant sur les entreprises liant leur sort à celui de leur fondateur. Steve Jobs avec Apple, Jeff Bezos avec Amazon, Mark Zuckerberg avec Facebook, Reed Hastings avec Netflix... La Silicon Valley a fait du créateur visionnaire un pilier indispensable du succès des entreprises les plus iconiques des deux dernières décennies.

Ce culte du fondateur irremplaçable s'est progressivement installé au cours des années 2000 à cause de l'accélération du rythme de l'innovation. « Alors que les entreprises du XXe siècle pouvaient prospérer pendant de longues périodes sur une seule innovation, celles du XXIe siècle sont confrontées à des cycles technologiques compressés, qui nécessitent qu'elles conservent la culture d'une start-up. Qui mène au mieux ce processus ? Souvent les fondateurs, dont la créativité et l'agitation, le confort avec le désordre et la propension à prendre des risques sont plus fortes », estime Steve Blank, professeur à Stanford, dans un long article publié par la « Harvard Business Review » .

Cette idée a permis aux fondateurs de concentrer le pouvoir dans leurs mains, avec des actions à droit de vote multiple et des conseils d'administration très faibles. Quand, en 2004, Google adopte une structure associant dix droits de vote à une seule action pour ses fondateurs, la décision a fait scandale. Mais elle est rapidement devenue la norme, Facebook, Zynga ou Square faisant de même.

 

Absence de contre-pouvoirs

Dans ce contexte de contre-pouvoirs quasi inexistants, les fondateurs finissent parfois par devenir leurs pires ennemis. Leur attitude non conventionnelle, célébrée comme un atout au début de l'aventure, peut devenir un problème. La communication d'Elon Musk sur Twitter, très loin des standards des communiqués de presse, a ainsi longtemps été vue comme un avantage pour Tesla, en lui permettant de se passer d'un budget marketing.

Mais la liberté d'expression du milliardaire lui est montée à la tête. Le 15 juillet, il utilise le réseau social pour traiter l'un des plongeurs de l'opération de sauvetages des enfants coincés dans une grotte en Thaïlande de pédophile. Le 7 août, il publie une série de tweets où il dit vouloir sortir Tesla de la Bourse, en affirmant que le financement de l'opération est « sécurisé » - des « déclarations fausses et trompeuses» selon la SEC, qui la conduisent à le poursuivre en justice. Puis il se confie surson burn-out et sa prise de somnifères dans le « New York Times » et fume de la marijuana dans une émission diffusée en direct sur YouTube...

Le statut de célébrité d'un dirigeant ou sa réputation d'innovateur technologique ne lui donnent pas le droit de prendre ses responsabilités vis-à-vis de ses actionnaires à la légère.

« Le statut de célébrité d'un dirigeant ou sa réputation d'innovateur technologique ne lui donnent pas le droit de prendre ses responsabilités vis-à-vis de ses actionnaires à la légère », a rappelé le gendarme des marchés jeudi. Longtemps en retrait, l'organe de régulation veut faire de ce cas un exemple pour les entrepreneurs pensant que leur « génie » les exempte des bonnes pratiques de gouvernance.

Ses poursuites contre Elizabeth Holmes, la fondatrice et PDG de Theranos, ont également été centrales dans la chute de cette start-up qui avait berné ses investisseurs en prétendant avoir créé une méthode de prélèvement sanguin sans aiguilles. Chez Uber, Travis Kalanick a lui été poussé vers la sortie par une coalition d'investisseurs après l'ouverture de plusieurs enquêtes par le Département de la Justice.

Problèmes de gouvernance

Dans les deux cas, les problèmes de gouvernance étaient flagrants. Chez Theranos, Elizabeth Holmes avait 98 % des droits de vote et un conseil d'administration manquant cruellement d'un bagage scientifique. Chez le numéro 1 des VTC, Travis Kalanick avait laissé 4 des 11 sièges du conseil d'administration vides : si les administrateurs indépendants osaient le challenger, il pouvait rapidement rajouter des alliés.

Des entreprises comme Google, LinkedIn ou Apple, depuis l'arrivée de Tim Cook, montrent pourtant que l'idée du fondateur indispensable à la tête de l'entreprise est un mythe plus qu'une réalité.

Des entreprises comme Google et LinkedIn, qui ont retiré leurs fondateurs de la lumière pour les remplacer par un dirigeant général moins flamboyant, tout comme le beau chemin parcouru par Apple depuis l'arrivée de Tim Cook aux commandes, montrent pourtant que l'idée du fondateur indispensable à la tête de l'entreprise est un mythe plus qu'une réalité. Selon une étude sur près de 13.000 entreprises réalisée par des chercheurs d'Harvard, Duke et Vanderbilt, les firmes dirigées par des fondateurs sont 10 % moins productives et ont des résultats en termes de management moins bons... qui grimpent une fois le fondateur remplacé par un autre PDG.

La dynamique reste cependant difficile à inverser car le ver est dans le fruit de plus en plus tôt. Alors que dans les trente premières années du capital-risque, les investisseurs pouvaient dicter leurs termes, l'abondance des financements privés, symbolisés par les récents tours de table de centaine de millions de dollars menés par Softbank, a renversé le rapport de force. Parmi les fondateurs de licornes ayant fait leur IPO dans les deux dernières années, 72 % avaient ainsi des actions à droit de vote multiples, selon une analyse du « Wall Street Journal » publiée en mai. En février, un commissaire de la SEC avait préconisé d'instaurer une limite dans le temps à ces droits de vote multiples, mais ce projet est resté lettre morte. Le pari est trop risqué pour les places financières, à l'heure où la compétition pour attirer des start-up est de plus en plus forte.

Anaïs Moutot Correspondante à San Francisco