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Election présidentielle 2022 : « Emmerder les non-vaccinés », l’opération calculée du quasi-candidat Macron

 

Les déclarations polémiques du chef de l’Etat au « Parisien » n’ont rien d’un dérapage. En petit comité, il a lui-même théorisé la nécessité de cliver, avec deux objectifs principaux : mettre en lumière les incohérences de LR et installer la confrontation avec l’extrême droite.

Depuis plusieurs mois, un débat interne s’était installé chez ses partisans : Emmanuel Macron avait-il intérêt à mener campagne en conservant sa posture de « président rassembleur » ou devait-il jouer la carte de la radicalité et du clivage, comme en 2017 ? A trois mois de l’élection présidentielle, le locataire de l’Elysée a tranché, en optant pour une entrée en campagne fracassante.

« Les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu’au bout », a-t-il clamé dans un entretien au Parisien, publié mardi 4 janvier au soir. « Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je deviens un irresponsable. Un irresponsable n’est plus un citoyen », a-t-il ajouté, confirmant au passage « avoir envie » de briguer un second mandat, lors du scrutin des 10 et 24 avril.

Un langage cru et un ton radicalement offensif, totalement à rebours de la posture que M. Macron avait jusque-là endossée, dans la période de précampagne. « Restons unis, bienveillants, solidaires », avait-il déclaré lors de ses vœux aux Français, le 31 décembre, en se posant comme le garant de « l’unité » du pays. Quatre jours plus tard, changement total de registre. Le président rassembleur s’est subitement transformé en candidat diviseur. Plus question « d’apaisement » ni de reprendre son slogan de la « France unie ». Place au clivage, avec une attaque frontale contre une partie de la population.

Accents provocateurs

« J’ai appris », avait-il pourtant déclaré le 15 décembre, sur TF1, en disant regretter les « petites phrases » polémiques qu’il a prononcées depuis son entrée à l’Elysée.« Dans certains de mes propos, j’ai blessé des gens », avait-il admis, en s’engageant à « ne pas le refaire ». Et à faire davantage preuve « d’indulgence » et « de respect pour chacun » à l’avenir. Le même a pourtant renoué avec ses accents provocateurs, ce qui a eu pour effet de déclencher un tollé dans l’opposition.

De Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon, en passant par Yannick Jadot, tous ses adversaires à la présidentielle ont sauté sur l’occasion pour condamner avec la plus grande force une « faute politique » et des propos « d’une violence inouïe », « indignes » de la fonction, de nature à « insulter » les non-vaccinés. « Emmanuel Macron dit avoir appris à aimer les Français, il aime surtout les mépriser », a cinglé le patron des sénateurs Les Républicains (LR), Bruno Retailleau.

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Les macronistes, eux, ont défendu la « franchise » du chef de l’Etat, en le présentant comme le porte-parole de « la majorité silencieuse ». « Ce qu’a dit le président de la République, je l’entends partout », a notamment déclaré le premier ministre, Jean Castex, mercredi, au Sénat, en faisant part de « l’exaspération des citoyens de se voir imposer des contraintes quand d’autres font le choix de s’en affranchir ». « La démocratie, ce n’est pas la tyrannie d’une minorité bruyante, qui dicterait nos politiques publiques ! », abonde la porte-parole de La République en marche (LRM), Aurore Bergé.

Assumée par sa garde rapprochée, la sortie polémique de M. Macron n’a rien d’un dérapage. Loin d’être des propos qui auraient échappé à son auteur, ils s’inscrivent plutôt dans une opération tactique totalement calculée, orchestrée directement par le « président-candidat », afin de déstabiliser ses principaux adversaires. En petit comité, le chef de l’Etat a lui-même théorisé la nécessité de cliver, avec deux objectifs principaux : mettre en lumière les incohérences de LR, qui oscille entre soutien et opposition au passe vaccinal ; installer la confrontation avec l’extrême droite, qui défend les antivax. Avec l’objectif de fragiliser les positions de Valérie Pécresse d’un côté, de Marine Le Pen et Eric Zemmour de l’autre.

 

Stratégie risquée

Convaincu que la campagne se fera essentiellement sur le thème de la gestion de la crise liée au Covid-19, M. Macron cherche à se présenter comme le chef de file des provaccins pour faire apparaître ses opposants comme davantage ambigus sur le sujet. « A la différence de Pécresse, lui a une ligne claire », répètent ses fidèles, qui applaudissent la manœuvre présidentielle visant autant à « radicaliser » le débat qu’à le « clarifier ». Les macronistes font le pari que la plupart des Français partagent sa ligne provaccination. Et que capitaliser sur le ras-le-bol ambiant contre les antivax lui permettra de solidifier son socle électoral, tout en étant le seul à pouvoir revendiquer le totem de la « responsabilité » dans le domaine sanitaire.

Une stratégie risquée, qui a déjà eu une première conséquence : retarder un peu plus l’examen, déjà mal engagé, du projet de loi sur le passe vaccinal à l’Assemblée nationale – les débats ayant été suspendus mardi soir à cause de l’ambiance électrique causée dans l’Hémicycle par les propos polémiques de M. Macron. Si le ton employé peut réactiver l’image d’arrogance, qui lui colle à la peau depuis le début du quinquennat, M. Macron fait grincer des dents dans son propre camp, en donnant l’impression d’utiliser une manœuvre « populiste », lorsqu’il montre du doigt une catégorie de la population à l’approche de la présidentielle.


Dans la majorité, des députés ne cachent pas leur malaise, sous couvert d’anonymat, en se disant « très préoccupés » par « les mots » et « la stratégie du clivage » choisis, qui sont de nature à alimenter « l’hystérisation du débat ». Pile au moment où la nation a, au contraire, « besoin d’apaisement et de responsabilité », déplore un député LRM. Chez les macronistes, la phrase « un irresponsable n’est plus un citoyen » est considérée comme « la plus problématique », étant perçue comme « une déchéance de citoyenneté » à l’encontre de ceux qui ne sont pas vaccinés.

D’autant que ces propos surviennent dans un climat délétère, à la suite des menaces de mort et des violences, qui se sont multipliées, ces dernières semaines, contre les députés de la majorité de la part d’opposants au passe vaccinal. Sans parler de l’atmosphère également très tendue aux Antilles, où la contestation contre la vaccination s’envenime – le directeur du CHU de Guadeloupe a été frappé par des manifestants, mardi. M. Macron semble pourtant être conscient de la nécessité de ne pas aggraver la situation. Dans son entretien au Parisien, avant de lâcher ses phrases controversées, lui-même en convient : « Ma responsabilité, c’est que le pays ne se désunisse pas. »