JustPaste.it

Une entreprise bretonne au cœur du financement de l’extrême droite

Une entreprise bretonne au cœur du financement de l’extrême droite [Enquête]

Publié le 18 avril 2022 à 14h59 À l’extrême droite, Tristan Mordrelle est incontournable : il a ainsi travaillé pour Éric Zemmour et Marine Le Pen. À l’extrême droite, Tristan Mordrelle est incontournable : il a ainsi travaillé pour Éric Zemmour et Marine Le Pen. (AFP)

Pour financer sa campagne électorale, Éric Zemmour a notamment fait appel à une discrète agence de communication de Redon (35). Discrète, mais stratégique : le carnet d’adresses de son dirigeant, Tristan Mordrelle, donne accès à une large frange de l’extrême droite. Il en est aussi l’un des meilleurs collecteurs de fonds.

 

Droite radicale, catholiques intégristes, souverainistes, nationalistes, royalistes, identitaires… À 63 ans, Tristan Mordrelle disposerait d’un des meilleurs carnets d’adresses de la droite conservatrice et des extrêmes droites. Une base de données patiemment construite, fruit d’une existence passée au cœur de cette galaxie. L'homme est aujourd’hui à la tête d’un groupe - Omni Raise - créé en 2016, à Redon (35), spécialisé dans « les relations publiques, la communication et le marketing direct ».

Un nom sulfureux en Bretagne : Mordrelle

Le groupe revendique encore sur son site Web cinq agences en Bretagne (Redon et Lorient) et « 30 collaborateurs ». Le nom de Mordrelle, sulfureux en Bretagne (son père Olivier, l’un des leaders du nationalisme breton de l’entre-deux-guerres, a fait l’objet de deux condamnations à mort pour avoir collaboré avec l’ennemi), n’apparaît dans aucun des organigrammes des agences. Trop risqué pour les affaires.

Les convictions politiques du patron n’empêchent pourtant pas ses agences de travailler pour des profils parfois radicalement opposés au sien. Stratégique, pour éviter ou dissiper d’éventuels soupçons ? Pragmatique, alors que les affaires du groupe vont mal (redressement judiciaire) ? On trouve, par exemple, comme client récent, pour les dernières élections régionales, un candidat breton d’un tout autre horizon politique.

 

Dons pour Zemmour : « Du jamais vu »

Révélé en novembre par nos confrères de Libération, le lien avec Éric Zemmour est, en revanche, clairement un choix du cœur. Selon nos informations, c’est Sarah Knafo, compagne de l’ex-chroniqueur et omniprésente cheffe d’orchestre de sa campagne, qui a contacté Tristan Mordrelle il y a plus d’un an. Mission : solliciter le plus de sympathisants potentiels et les inciter à faire des dons. Un domaine où Tristan Mordrelle serait passé maître. « C’est d’abord chercher un accès à son impressionnant carnet d’adresses, acquis en diffusant les idées de l’extrême droite à bas bruit », décrypte une source qui souhaite rester anonyme. En plus des militants, Tristan Mordrelle sait où trouver : chez ceux persuadés « du déclin de la France et de ses valeurs », chez les adeptes d’une reprise en main du pays, chez ceux révulsés par le sort des chrétiens d’Orient, la guerre en Ukraine, la diffusion du hallal (…). Il a déjà levé des fonds pour les associations qui les représentent, créé leurs sites Web, etc. Il sait qui les soutient. Il connaît leurs adresses. Il sait combien ils ont donné et à quelle fréquence. Une mine d’or.

Mordrelle, qui se vante d’avoir convaincu Zemmour à se lancer, supervise l’ensemble des opérations et rédige lui-même les textes. Il y a déjà plusieurs mois, un premier envoi a ciblé 100 000 personnes. Le résultat aurait « dépassé tous les espoirs ». Selon nos sources, jusqu’à 500 000 € auraient été levés. Du « jamais vu ». De quoi aussi renflouer les caisses du groupe, qui, tout à fait légalement, ponctionnerait de 10 % à 20 % des montants collectés.

 

En secret aussi pour Marine Le Pen !

Pour cibler les donateurs, le groupe aurait agrégé plusieurs bases de données de sociétés clientes ou partenaires. Plusieurs de leurs responsables sont des proches de Tristan Mordrelle. Certains, vieux compagnons de route, anciens du Gud, du MNR ou du FN, sont aujourd’hui jugés infréquentables, même pour le RN. Mais Tristan Mordrelle, qui n’a répondu à aucune de nos sollicitations et questions, semble tellement incontournable à l’extrême droite qu’il a, malgré tout, été sollicité pour effectuer un travail quasi identique… pour la grande rivale : Marine Le Pen ! C’est ce que confirme au Télégramme une source proche du RN, qui précise que la candidate est censée ignorer cette collaboration, tout comme Éric Zemmour. Pour brouiller les pistes, la prestation aurait été facturée via des sociétés intermédiaires.

La petite structure bretonne est déjà mobilisée pour la prochaine levée de fonds, pour Reconquête !, et pour les législatives. L’objectif ? Démarcher un million de potentiels donateurs. Dix fois plus d’adresses pour dix fois plus de gains ?