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Déficit

Comment Emmanuel Macron a plombé les comptes publics en 5 graphiques

Le 09 Septembre 2024 5 min

La crise du Covid et la guerre en Ukraine n’expliquent pas à elles seules le dérapage des finances publiques. Les choix fiscaux du président et de son ministre de l’Economie pèsent lourdement dans la balance.

 

Les dernières données fournies par Bercy commencent à faire un peu peur : après un déficit budgétaire de 5,5 points de PIB en 2023, la tendance actuelle laisse entrevoir un déficit à 5,6 % cette année et 6,2 % l’an prochain.

 

Source : Insee, Bercy

Il n’y a pas encore le feu à la maison, nos créanciers financent largement nos besoins et les taux d’intérêt sont orientés à la baisse. Mais la France est désormais engagée sur un chemin budgétaire périlleux. Depuis 2017, la dette publique s’est accrue de 1 000 milliards d’euros. Autour de l’équivalent de 98 % du PIB en 2017, elle se situait en mars dernier à 110,7 % et finira l’année plus haut.

L’historique de ces sept dernières années montre que déficits et dette ont connu une forte montée au moment du Covid, puis lors du soutien aux entreprises et aux ménages afin de les aider à surmonter la forte hausse des prix de l’énergie liée à la guerre russe en Ukraine.

 

Selon une étude des experts de l’OFCE, l’ensemble de ces crises expliquerait environ la moitié de la progression de la dette publique de la France. La Cour des comptes estime de son côté que les mesures prises spécifiquement pour atténuer la montée du coût de l’énergie auraient entraîné une détérioration du déficit budgétaire de 17 milliards en 2022 (13,5 % du déficit total) et de plus de 41 milliards en 2023 (26,6 % du déficit total).

Manque de ciblage

Rapportée au PIB, l’aide énergétique française n’apparaît pas déconnectée de ce qui s’est fait ailleurs en Europe. Face à une inflation hors norme, il était indispensable de soutenir les Français et ce choix a été unanimement salué. Mais le fait d’avoir indifféremment signé des chèques sans cibler certaines catégories de la population en fonction des revenus – une pratique particulièrement importante dans l’Hexagone –, a contribué à accroître le coût budgétaire de la crise énergétique.

Des aides non ciblées et coûteuses

Part des mesures ciblées dans l'aide budgétaire totale à la réduction des prix et au soutien aux revenus en %, moyenne 2022-2023

 

Source : Cour des comptes    

Mais la réponse aux crises est loin de tout expliquer. Dans sa dernière analyse de la situation des finances publiques présentée cet été, la Cour des comptes a été claire : « la période 2018-2023 a été marquée par d’importantes baisses d’impôts, dont l’impact est estimé à 62 milliards d’euros en 2023, soit 2,2 points de PIB ».

Ces 2 points de PIB de recettes fiscales finalement soustraits aux caisses publiques représentent un montant faramineux qui a largement contribué à déséquilibrer les comptes publics : par son insistance sur les baisses d’impôts, la politique de l’offre nourrit les déficits et la dette.

 

Lecture : En 2017, le taux de prélèvements obligatoires représentait 45,3 % du PIB. L’évolution de la conjoncture sur 2017-2022 le faisait monter 1,6 point plus haut mais les baisses d’impôt mises en oeuvre l’ont fait baisser de 1,9 point. Les deux effets combinés ont fait chuter le ratio à 45 points de PIB.

Source : Cour des comptes

Et le gardien des comptes ne s’arrête pas là. Il montre qu’en plus d’avoir fait fondre les recettes fiscales, le « septennat » macroniste en a modifié la structure, dans le sens d’une plus grande fragilisation. La part de la TVA a largement diminué, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés prenant une place plus grande.

« Or, ces deux impôts réagissent plus fortement que la TVA aux variations conjoncturelles. Par ailleurs, l’impôt sur le revenu (IR) et celui sur les sociétés (IS), qui ne font pas l’objet d’un encadrement communautaire, sont plus exposés à des mesures nouvelles de baisses d’impôts, notamment par des dépenses fiscales », précise la Cour. Encore un mauvais coup porté aux impôts.

Une structure fiscale plus volatile

Part des principaux impôts dans les recettes de l'Etat, en % du total

 

Source : Cour des comptes

Enfin, une analyse pointue du Haut Conseil des Finances Publiques a cherché à expliquer les liens entre la croissance économique et les recettes fiscales, ce que les économistes appellent l’élasticité des prélèvements obligatoires au PIB.

Ce travail met en avant le fait que la croissance de la part des salaires du secteur privé dans le PIB participe de manière importante à justifier les variations des rentrées fiscales en fonction de celles de l’activité. La raison : la masse salariale représente l’assiette principale de plusieurs prélèvements importants (cotisations sociales, impôt sur le revenu, CSG, etc.).

Moins de salaires, moins de recettes !

Taux de croissance de la part des salaires du secteur privé dans le PIB, en %

 

Source : Insee

Cet indicateur nous révèle l’effet négatif de cette élasticité des prélèvements obligatoires au PIB constaté en 2023 et cela ne devrait pas s’arranger. Selon les estimations de l’Insee sur la progression des salaires et du PIB pour cette année, la tendance est mal orientée pour les recettes fiscales. De fait, une bonne partie du dérapage budgétaire enregistré l’an dernier provient de cette faible élasticité des recettes budgétaires au PIB.

Dès février 2024, la Cour des comptes avait d’ailleurs souligné de son côté qu’un tiers du manque à gagner fiscal de l’an dernier trouvait son origine dans « une progression de la masse salariale inférieure à celle de l’activité, qui a pesé sur les cotisations et prélèvements sociaux ainsi que sur l’impôt sur le revenu en 2023 ». De nouveau, 2024 voit les recettes fiscales moins réagir à l’activité du fait de cette contrainte salariale.

Les sept années de pouvoir d’Emmanuel Macron ont été marquées par deux crises importantes. Mais elles sont loin d’éclairer à elles seules la forte dégradation de nos comptes publics. Les choix fiscaux du président et de son ministre des Finances, Bruno Le Maire, ont structurellement dégradé les recettes fiscales du pays, tandis que la politique salariale des entreprises contribuait à rétrécir les marges de manœuvre.