Cette jeunesse qui votera pour Jordan Bardella et le RN aux élections européennes
Par Camille Bordenet, Charlotte Bozonnet, Clément Guillou, Léa Iribarnegaray et Corentin Lesueur
Reportage Sur les réseaux sociaux ou en meeting, la tête de liste du Rassemblement national au scrutin du 9 juin gagne en popularité auprès d’une partie des lycéens, étudiants et jeunes travailleurs.
Ce 1er mai, au Palais des congrès de Perpignan, Julie et Lorna, 17 ans, peinent à cacher leur enthousiasme. En 1re ASSP (accompagnement, soins et services à la personne) au lycée de Prades (Pyrénées-Orientales), les deux amies ont fait le déplacement avec une idée en tête : voir « en vrai » leur idole. Pas de star mondiale de la pop en vue, mais un homme politique s’apprêtant à réciter un discours populiste aux accents xénophobes : Jordan Bardella.
Trop jeunes, ni l’une ni l’autre ne voteront le 9 juin pour les élections européennes. Elles ne sont pas non plus encartées au Rassemblement national (RN) et ne comptent pas l’être. Leur passion pour Jordan Bardella, elles l’affichent sur les réseaux sociaux, « likant », commentant et republiant chacun de ses faits et gestes. Leur rêve ? Un selfie avec « Jordan », qu’elles s’empresseraient de partager sur TikTok et Instagram.
A 28 ans, celui qui a remplacé Marine Le Pen à la tête de la formation d’extrême droite en 2022 a réussi à toucher les cœurs et les esprits d’une partie de la jeunesse, pourtant largement défiante envers la politique. Selon la dernière enquêteIpsos pour Le Monde, menée du 19 au 24 avril, environ un tiers des 18-24 ans (32 %) certains d’aller voter le 9 juin auraient l’intention de glisser dans l’urne un bulletin « Jordan Bardella », la même proportion que pour la population électorale générale. Les jeunes, qui opposaient traditionnellement une forte résistance aux idées de l’extrême droite, ne constituent donc plus une exception.
Des chiffres qu’il faut par ailleurs remettre en perspective, souligne Anne Muxel, directrice de recherche au Cevipof(CNRS-Sciences Po) : « Ces intentions concernent ceux qui vont aller voter. Or, l’abstention est très forte : seuls trois jeunes sur dix vont se rendre aux urnes. Toute la jeunesse ne vote pas pour le RN ! Mais le fait que Jordan Bardella soit placé en tête est significatif. »
Du Nord à la Haute-Saône en passant par l’Eure, Le Monde est allé à la rencontre de lycéens, étudiants et jeunes travailleurs afin de comprendre pourquoi le barrage anti-RN a pu se fragiliser au sein d’une jeunesse qui, il y a encore vingt ans, « emmerdait le Front national » (FN). Une partie de ces jeunes (qui ont souhaité rester anonyme), généralement issus de catégories populaires, raconte le sentiment d’une « fierté retrouvée », l’espoir d’être enfin considérés pour ce qu’ils sont et font, dans des territoires qui se sentent négligés par l’Etat et les responsables politiques. Une autre ne cache pas son désintérêt pour l’actualité politique.
Bain de selfies
En Haute-Saône, département à dominante rurale dont les deux circonscriptions ont basculé de la Macronie au RN au premier tour des élections législatives de 2022, le sourire confiant de Jordan Bardella et le slogan « Vivement le 9 juin ! »s’affichent au bord des départementales. D’aucuns se souviennent encore de sa venue à Vesoul pour la foire agricole de la Sainte-Catherine, le 25 novembre 2023, accueilli par un bain de selfies.
« Il est là, auprès des gens, lui », considère Clara, 20 ans, en BTS négociation et digitalisation de la relation client (NDRC) à Vesoul, rencontrée devant son lycée avec son ami Alexandre, 20 ans. Direction le kebab, où ils veillent à ne pas parler trop fort devant la serveuse en hijab. « C’est comme ça qu’on rassemble les Français. Ils devraient se déplacer, les autres. [Gabriel] Attal l’a fait avec la crise agricole, mais c’était qu’une fois », estime Clara, diamants à motifs de croix sur ses faux ongles. Un témoignage qui souligne la nette différence de visibilité entre, d’un côté, les déplacements de Jordan Bardella et ceux – très rares – de Marine Le Pen ; de l’autre, ceux des membres du gouvernement ou de l’opposition de gauche, pourtant fréquents.
Comme d’autres de leurs amis, Clara et Alexandre suivent Jordan Bardella « sur tous les réseaux [sociaux]», et ne tarissent pas d’éloges, le trouvant « percutant, très bon orateur, avenant ». Davantage que Marine Le Pen, jugent-ils en se remémorant des « clashs » où il a pris l’ascendant sur ses adversaires, à l’instar des rappeurs. « Le fait qu’il soit jeune nous rassure, poursuit Clara, par ailleurs fan de Booba. C’est un porte-parole de notre génération. Il donne envie aux jeunes de s’engager. » Un sentiment partagé dans leur classe, avancent-ils : sur quinze élèves, « une majorité » se retrouverait dans le RN, « une minorité » à gauche.
« Les précédents scrutins ont permis de constater que la jeunesse attirée par l’extrême droite se trouve parmi les plus précaires, les moins diplômés, résidant souvent en milieu rural ou périurbain, donc avec des caractéristiques qui renvoient aux inégalités sociales mais aussi à la relégation géographique », rappelle le sociologue Laurent Lardeux, coauteur de l’ouvrage Générations désenchantées ? Jeunes et démocratie (Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, 2021).
Par son âge et sa trajectoire personnelle, Jordan Bardella est parvenu à susciter un processus d’identification, une forme de familiarité. Enfant de la classe moyenne – sa mère est Atsem (pour agente territoriale spécialisée des écoles maternelles), son père dirigeant d’une petite entreprise –, « Jordan » a grandi en banlieue, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), au milieu de parents séparés, et n’a pas d’autre diplôme qu’un baccalauréat, série économique et social. Autant d’éléments biographiques mis en avant par le candidat et qui permettent de toucher des milieux qui, à une autre époque, auraient choisi la gauche.
« La France des oubliés »
Clara, dont les grands-parents votaient communiste, a une mère accompagnante des élèves en situation de handicap et animatrice périscolaire, un père éducateur dans la Creuse (ex-gendarme). La jeune femme ressent un profond sentiment d’injustice à voir sa mère « trimer depuis des années » sans revalorisation de son statut. Alors même, estime-t-elle, que « d’autres qu’on accueille touchent des aides d’Etat sans travailler ». « La France n’est pas un guichet social ! », lance-t-elle, reprenant l’une des formules préférées du parti. Si son père vote RN, sa mère, elle, a voté en faveur de Yannick Jadot, le candidat écologiste à la présidentielle de 2022, et intime à sa fille de rester discrète sur ses idées. « Je lui montre les vidéos, on discute, et je crois qu’à force, ça la fait réfléchir », salue Clara.
Les deux camarades évoquent aussi tout ce qu’ils ont vu disparaître autour de chez eux, l’offre de formations plus limitée, les emplois moins qualifiés qui poussent certains à s’exiler. A Lure, la sous-préfecture où réside Alexandre, bien des services publics ont disparu depuis vingt-cinq ans. Quant à Clara, qui habite un village à quarante-cinq minutes de car scolaire de Vesoul, elle doit se lever à 5 heures et rentrer à 19 heures, faute de transports réguliers. « On est la France des oubliés, soupire-t-elle, reprenant, là encore, une antienne chère au RN. Ça n’aide pas à avoir de l’ambition. » Elle est fière malgré tout d’être la seule de son « bled » à faire des études supérieures.
« L’ambition », « la réussite » : avec son physique de gendre idéal, sa silhouette musclée, ses punchlines en interview, le dirigeant frontiste les fait rêver, là où Marine Le Pen, et sa prestation ratée au débat du second tour de la présidentielle face à Emmanuel Macron en 2017, a laissé un goût amer de défaite, voire de honte.
« Les jeunes aiment bien voir quelqu’un qui n’est pas en difficulté », commente Pierre-Romain Thionnet, 30 ans, directeur national du Rassemblement national de la jeunesse (RNJ) et candidat sur la liste des élections européennes (23e position), qui n’hésite pas à enjoliver l’homogénéité sociale de ses troupes : « Je croise des jeunes de toute catégorie sociale. C’est le même engouement, qu’ils soient urbains ou agriculteurs. Il y a un parallèle à faire avec Macron en 2017. Certains le trouvent attirant, il inspire la gagne. »
Avec l’ironie, des phrases chocs pour étriller le bilan d’Emmanuel Macron et un flou programmatique sciemment entretenu, le candidat frontiste parle à la fois aux convaincus et à des jeunes plus éloignés du RN, y compris parmi les diplômés. « Il a su mobiliser les réseaux sociaux pour toucher des segments de toute la jeunesse et mène une bonne campagne, reconnaît Anne Muxel. Cela fait des années que Marine Le Pen joue la carte jeunes. Dans ses discours, elle s’adresse aux jeunes ruraux, des classes populaires, sans emploi, ou en manque de reconnaissance. Le RN est aussi un des partis qui s’est le plus ouvert aux jeunes : Marine Le Pen en a placé sur toutes les listes. Bardella est emblématique de cette stratégie. »
Des parents qui votaient FN
Ce samedi 6 avril, à Gouzeaucourt, commune du Nord de 1 500 habitants aux confins du Pas-de-Calais et de la Somme, cernée par les champs et les éoliennes, une petite bande de copains s’est levée tôt. Tassés dans la Golf 6 de l’un d’eux, ils prennent la direction de Cambrai (Nord), à vingt minutes de route, où Jordan Bardella est attendu pour une visite sur le marché. Noah, Hugo, Ethan, Aurélien (prénom d’emprunt) et les deux Matteo ont entre 15 et 18 ans. Tous se forment à leur futur métier, que certains exercent déjà : deux paysagistes, un matelot sur une péniche, un plaquiste, un plombier, un autre sur une chaîne d’une filiale d’Airbus.
Ils sont venus voir leur « futur président ». Pourquoi lui ? « Parce qu’il est Blanc », lance le plus jeune. Les adolescents assument leur racisme, veulent « la France aux Français ». Tous leurs parents votaient déjà FN. Les petits s’endorment avec des vidéos de Jean-Marie Le Pen et s’en amusent, comme Jordan Bardella approchait fièrement, à l’adolescence, le patriarche multicondamné pour racisme et négationnisme.
Un peu plus loin sur le marché, Théo Wallon, 19 ans, étudiant en sciences politiques à Lille-II, a pris sa carte au RN il y a un mois. Ce militant de l’Union nationale interuniversitaire (syndicat étudiant de droite radicale), issu d’un milieu ouvrier, qui veut bosser « dans la politique », voit en Jordan Bardella un modèle : « Dans les débats, il arrive à ne pas aller au conflit. C’est louable en politique de réussir à garder son calme. Il a aussi amené un renouveau au parti, il l’a détaché du nom de Le Pen. »
Jordan Bardella profite du processus de dédiabolisation menée par Marine Le Pen autant qu’il y contribue. A Vesoul, en Haute-Saône, Clara et Alexandre, comme d’autres jeunes rencontrés, situent spontanément le RN « à droite », estimant que ce n’est « pas un vote extrême extrême ». « Il ne faut pas faire d’amalgame avec le FN d’avant et le racisme de Jean-Marie Le Pen. Pour moi, ce qui serait extrême, c’est Reconquête ! [le parti d’Eric Zemmour] », considère Clara. Alexandre est plus partagé : « Une partie de mes idées sont de gauche, comme l’égalité entre les ouvriers et les patrons. Sauf qu’aujourd’hui la gauche, c’est la gauche caviar, la gauche des villes. Le spectre politique n’a plus de sens. »
Pierre, 21 ans, en BTS support action managériale à Vesoul, rencontré devant son lycée, confirme ce sentiment de confusion : « Nous, les jeunes, on est un peu perdus par rapport aux élections. S’il y a une tête qui tourne sur les réseaux, c’est sûr que ça va plus nous parler. Avec Bardella, même sans s’abonner, tu reçois des publicités. »
A côté de lui, Eva, fille d’ouvriers, s’apprête à voter pour la première fois le 9 juin, mais ignore encore pour qui. Sur les réseaux, elle n’a vu passer que Jordan Bardella et ne connaît aucun des autres candidats. Elle a trouvé « poignante » sa vidéo après la mort en avril du jeune Matisse à Châteauroux (poignardé par un adolescent afghan). Le candidat RN y emploie le terme d’« ensauvagement » de la France. La vidéo a été vue près de cinq millions de fois sur TikTok, mais celles où Jordan Bardella, qui comptabilise 1,3 million d’abonnés sur ce réseau social, mange des bonbons ou souhaite « bonne chance pour Parcoursup » circulent aussi beaucoup.
« L’Europe se gave sur notre dos »
Les faits divers autour de la violence entre jeunes, l’inflation qui met à plat le pouvoir d’achat de leurs parents, le déclin des services publics en zone rurale, les difficultés des jeunes agriculteurs… Avec ses réponses simplistes, sa virginité politique, la désignation de boucs émissaires lointains (Bruxelles, les immigrés), le RN rafle la mise plus facilement. « Un parti qui se nourrit des colères », selon les mots d’Anne Muxel.
A la brasserie Le Globe, dans le centre-ville de Vesoul, c’est une jeunesse de la valeur travail et de la pénibilité qui s’attable, éreintée, ce jeudi soir de mai. A la première table : Jordan et sa sœur Océane, 29 ans tous les deux, Kevin et Alex, 25 et 32 ans. Les gars sont artisans dans le BTP, Océane responsable de secteur dans une agence d’aide à domicile. Tous ont prévu de voter aux européennes. « Bardella ! », clament-ils en chœur. « On se fatigue assez comme ça, l’Europe se gave sur notre dos, considère Kevin, sans préciser ce qu’il entend par là. Faut voir comme ça tape dans le pouvoir d’achat. »
Les trois artisans disent avoir le corps « déjà flingué ». Ils ont commencé à bosser à 15 ans et ont d’autant moins digéré la réforme des retraites adoptée fin 2023. Charpentier, Alex se demande s’il ne vaudrait pas mieux sortir de l’Union européenne, ce qui n’est plus au programme lepéniste. « Au RN, ils proposent aussi de baisser la TVA [sur l’essence et les produits de première nécessité], ce serait bien », croit-il savoir. « On parle très peu de nous, que ce soit les petits artisans ou le secteur de l’aide à domicile », considère Océane, « écœurée » par les conditions de travail de ses salariés, un sujet que Jordan Bardella n’aborde pourtant jamais.
Eux aussi évoquent tous les services publics (écoles, guichets, médecins) qu’ils ont vus disparaître dans leurs villages alentour, les bars qui ont mis la clé sous la porte « à cause des charges et de l’inflation », fragilisant davantage le tissu social ; et puis « toute cette paperasse » qu’il faut obligatoirement faire sur Internet, renforçant un sentiment d’exclusion.
Il y a aussi l’impression d’être « pris de haut par les gens des grandes villes et les partis de gauche » : « C’est un autre monde, on a l’impression qu’ils ne parlent pas la même langue », dit Jordan. En guise d’exemple, ils sont plusieurs à citer l’incitation à rouler électrique. Alex est fier de faire durer sa vieille Clio 2, avec 400 000 kilomètres au compteur. « La plupart ne comprennent pas ce qu’on vit, considère Jordan. Mais ils sont bien contents de venir se mettre au vert chez nous. » La fin du moteur thermique, le mépris supposé des décideurs parisiens et bruxellois pour le monde rural, les incohérences présumées de la transition écologique sont depuis un an des thèmes de campagne privilégiés pour le RN… dont les deux têtes sont pourtant nées dans une région parisienne qu’elles n’ont jamais quittée.
A la table d’à côté, Antoine, 18 ans, étudiant en maison familiale rurale pour devenir agriculteur, est entouré de sa bande de potes. Le 9 juin, ils voteront « Bardella » unanimement, là encore. « Parce que c’est le seul qui s’intéresse à l’agriculture et à la ruralité, estime Antoine, en engloutissant ses frites. On n’a encore pas vu Mélenchon à la foire de Poussey ni à la Sainte-Catherine, ils sont dans leurs grandes idéologies. »
« Qu’il arrive au pouvoir, tiens ! »
Quand on les interroge sur des mesures précises du programme du RN, la plupart bottent en touche. « Oui, ça reste de la politique, peut-être que c’est un beau parleur, concède Alex. En attendant, j’ai jamais vu quelqu’un avoir autant de repartie. Et puis faut essayer. On a eu deux mandats de Macron, on voit ce que ça a donné. »
« Les gens du RN sont des menteurs, des manipulateurs, qui jouent sur les peurs des gens », s’agace pour sa part Clément, 26 ans, croisé dans Vesoul, plus enclin à parler de la boîte de BTP qu’il a montée avec un copain. « Bardella dit juste ce qu’on a envie d’entendre. Qu’il arrive au pouvoir, tiens, ils verront bien que leur vie ne change pas. » D’ailleurs, à part pour les municipales, l’artisan ne votera plus : « inutile », estime-t-il.
Le sociologue Laurent Lardeux rappelle que la faible participation des 18-29 ans aux élections européennes a différentes explications : le « vote devoir », notamment, tend à disparaître, et la construction de la citoyenneté se fait sur un temps plus long.
A Evreux, dans l’Eure, la politique ne passionne pas les foules. Ce mardi 14 mai, à trois bonnes semaines du scrutin, sur la petite dizaine d’étudiants rencontrés, nul n’est en mesure de citer le nom d’un parti ou d’un candidat, encore moins de choisir son camp. Tous suivent leurs études à distance, par le biais du campus connecté, un dispositif qui permet à des publics « empêchés » – pour raisons familiales, géographiques, financières ou encore de santé – de rester étudier près de chez eux.
Aux élections législatives de 2022, quatre circonscriptions sur cinq ont envoyé un député RN à Paris. Ces jeunes n’en savent rien et parlent rarement politique avec leurs parents. Rebecca (son prénom a été modifié), 19 ans, inscrite en licence d’anglais à Nanterre, détient ses bribes d’information des réseaux sociaux. Connaît-elle des personnalités politiques ? La jeune femme éclate de rire, cite les époux Balkany et des vidéos qui ridiculisent Jordan Bardella, consciente de ne suivre que des « gamineries » sur TikTok.
La politique, jamais un sujet
Au-delà des blagues et des polémiques croisées en ligne, ces jeunes ont du mal à manier les concepts politiques ou à retenir des mesures proposées. Souvent, c’est l’apparence qui prime. « Comment il s’appelle… un petit monsieur avec des lunettes, assez costaud… Mélenchon ! J’ai toujours aimé Mélenchon, je ne sais pas pourquoi ! », lance Eden, 19 ans. Elle aimerait bien voter, mais elle ne sait pas pour qui. Possible qu’elle n’y aille pas, découragée.
Tobi, basketteur de 18 ans, en BTS NDRC, finit par mettre le jeu Clash of Clans sur pause pour répondre. « J’ai rien vu, zéro, franchement c’est impressionnant, je ne savais même pas qu’il y avait des élections », s’étonne-t-il. Entre copains, la politique n’est jamais un sujet, « à part des fois pour rigoler, entre amis de la même couleur de peau, on dit “attention, si Marine Le Pen est élue, on va te renvoyer dans ton pays !” », raconte Boubacar, 20 ans, inscrit en deuxième année de droit à l’université de Rouen.
Jordan Bardella reste le seul candidat que certains de ces étudiants puissent nommer. « Il a un fan-club assez important ici », note Emma, 18 ans, en première année de BTS communication, sans pour autant aimer ses idées. La priorité selon elle ? L’environnement. Mais elle semble adhérer au principe-clé du programme de l’extrême droite, la priorité nationale, jugée contraire à la Constitution. « Si des Français ont du mal à se loger, ils sont prioritaires par rapport aux étrangers : si on n’est pas aidé par son propre pays, c’est la débandade. »
Volatils, indécis, ces jeunes feront leur choix à la dernière minute. A 18 ans, Esteban, 2 mètres tout pile, se dit « de droite, mais pas d’extrême droite ». Pour s’informer, le garçon a installé BFM-TV sur son téléphone et regarde parfois des vidéos du youtubeur HugoDécrypte. Il pourrait voter Bardella, pourquoi pas. « On verra, je ne suis pas fermé, peut-être, si ses idées me plaisent. » On le sent en tout cas inspiré : « Il a une bonne tête, et c’est important en politique. Et puis on a l’impression qu’il nous comprend mieux, nous, les jeunes. Comme Louis Boyard, il passe dans des émissions comme “TPMP” [« Touche pas à mon poste ! »], ça touche une audience plus jeune. » Tous promettent qu’ils éplucheront les programmes avant le scrutin. « On va bien les recevoir par courrier, hein ? »