Urgence climatique: Il nous reste très peu de temps pour réagir
La Communauté Européenne a contribué récemment, en conjonction avec la National Science Foundation (équivalent du CNRS aux USA) et de nombreuses autres fondations, au financement d'un travail concernant le "Basculement climatique". Seize chercheurs internationaux y ont participé, et les résultats ont été publiés le 14 août 2018 dans la revue des comptes rendus de l'Académie des Sciences américaine (PNAS), éditée par l'Université de Harvard (2).
Depuis plus de 40 ans des chercheurs essayent d'alerter le monde sur les dangers du réchauffement climatique. Beaucoup d'études confirment depuis qu'il y aura bien un réchauffement très rapide, essentiellement à cause de l'émission de CO2 due à l'activité humaine. L'atmosphère terrestre est, thermodynamiquement parlant, un milieu très complexe, et beaucoup d'études sont en cours. Ce qui est préoccupant, c'est que l'on a l'impression, à travers toutes les informations qui circulent dans les médias, que ce réchauffement se produira de façon linéaire et progressive, pour atteindre quelques degrés de température moyenne globale à la fin du siècle.
Or ce schéma est très probablement faux : les conséquences réelles sont beaucoup plus graves pour la raison suivante.
On sait, depuis un certain temps, qu'il y aura nombre d'effets collatéraux dont le principal est l'évaporation du CO2 dissous dans les océans. Ce CO2 provient de l'intense activité volcanique de la planète au début de son existence, il y a plusieurs milliards d'années. Il s'agit de quantités gigantesques, bien supérieures à celles produites par l'activité humaine. On sait aussi que, lorsque la température augmentera, une partie de ce CO2 se libérera, un peu comme lorsque l'on débouche une bouteille d'eau gazeuse (mais plus progressivement). Ce CO2 contribuera à augmenter l'effet de serre, qui fera augmenter encore plus la température et ainsi de suite. Il y aura un effet d'emballement (basculement climatique), parce que c'est une situation thermodynamiquement instable, et il n'y aura plus aucune possibilité de faire marche arrière ni de stopper le processus. A titre indicatif, sur la planète Vénus (elle est certes un peu plus proche du Soleil, et l'atmosphère est constituée surtout de méthane et d'ammoniac) la température de surface est de 460 °C principalement à cause de l'effet de serre.
Jusqu'à présent on ne savait pas à quelle température se produira ce basculement. Ce qu'il y a de nouveau, c'est que l'étude citée ci-dessus révèle que le basculement se fera autour de 2 °C de réchauffement seulement (par rapport à la température de référence du milieu du 19ème siècle). Compte tenu de la dernière publication du GIEC - Groupement d’experts Inter-gouvernemental sur l’Evolution du Climat, 8 octobre 2018 (4), on voit bien que l'on atteindra cette température dans quelques décennies, malgré les accords de Paris. Et ceci dans la plus grande indifférence générale.
Pour marquer les consciences, les chercheurs ont calculé qu’à la fin du siècle, dans le Nord de la Chine, le temps de survie d’un homme en bonne santé sera de 6 heures.
Il nous reste quelques années à peine pour essayer d'inverser le courant, au prix d'une modification drastique du mode de vie de tous les habitants de la planète. Sinon les grands mammifères, dont nous faisons partie, disparaîtront tout simplement, comme les dinosaures il y a 60 millions d’années, mais pour une raison totalement différente.
C'est le plus grand défi auquel l'humanité est confrontée, depuis qu'elle existe.
Les travaux cités ci-dessus semblent être les premiers à avoir permis de calculer cette température de basculement. Je n'ai trouvé personne qui contredisait cette publication, au contraire, elle est citée en référence dans de nombreux articles plus récents.
Les psychologues vous diront que devant un très grand danger, l'homme s'est souvent voilé la face, faute de pouvoir intervenir. J'avoue que je ne vois pas aujourd'hui quel pouvoir politique (en donnant au mot politique le sens noble du « vivre ensemble ») ou quelle personnalité pourrait changer les choses. Le seul espoir est peut-être que la Communauté Européenne, avec son poids économique et moral, puisse à l’aide d’un projet porteur d’avenir lancer l’alerte et entraîner un sursaut mondial. Voir "The shift projet : climat et énergies fossiles, il est urgent de réagir" (7). L'Europe - et la France - n'ont pas de pétrole , ou peu et les reserves en mer du nord sont en voie épuisement; nous sommes donc en situation de pression pour réduire la consommation d'énergie et remplacer les énergies fossiles par des énergies renouvelables.
Gérard Schumacher Directeur de Recherche CNRS
PS : Je remercie Bernard Millereux, ainsi que les autres membres du Café-philo du Pays de Fayence, pour le soutien et les conseils apportés à la rédaction de cet article.
Voici quelques références:
- Article de Futura Sciences qui a signalé l'article du PNAS et qui est une bonne introduction:
- Article original du PNAS
- Traduction en Français par mes soins
- Dernier rapport du GIEC (8-10-2018) en anglais :
- On peut voir un résumé de ce rapport dans Le Monde
- On peut également consulter le récent opuscule de A. Hessel, J. Jouzel et P. Larrouturou: "Finances, Climat, Réveillez-vous !" Indigène Editions (oct. 2018)
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Plus: NDLR - The shift projet : climat et énergies fossiles, il est urgent de réagir
- Urgence climatique tous les liens google
- Mon fil rss sur le changement climatique