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Covid : des autorités déconnectées du réel ou perverses narcissiques ?

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Journal d'épidémie, par Christian Lehmann
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Munis de petits capteurs de CO2 autonomes, et prenant acte de l’absence de toute action des autorités sanitaires en ce sens, des citoyens ont colligé des mesures en temps réel. (DPA. Photononstop)

par Christian Lehmann, médecin et écrivain

 

 

Le terme «gaslighting» désigne une forme de manipulation perverse dans laquelle le manipulateur tend à faire croire à sa victime qu’elle a perdu la raison. C’est une technique fréquemment utilisée par les pervers narcissiques, un classique de la violence intraconjugale, qui doit sa désignation à un film noir de George Cukor daté de 1944, Gaslight, avec Ingrid Bergman et Charles Boyer. Dans les années 80, un mari cupide étend son emprise sur sa jeune épousée, héritière d’une fortune sur laquelle il compte bien mettre la main. Il l’isole de ses proches, la tient quasiment prisonnière dans sa grande maison londonienne de caractère gothique et, à la tombée de la nuit, baisse l’intensité des lampes à gaz de la maison pour lui faire croire qu’elle devient folle.

En ce début d’année 2023, ce sont des centaines de milliers de personnes à risque, et ceux et celles qui se préoccupent un tant soit peu de santé publique, qui se trouvent aux prises avec une entreprise assumée de gaslighting. Après avoir considéré début 2022 que l’épidémie de Covid était terminée, le gouvernement a décidé début 2023 que le virus n’existait plus, voire n’avait jamais existé. Les promesses d’un effort massif dans la qualité de l’air en lieu clos, les mécanismes de veille sanitaire permettant d’anticiper un éventuel rebond épidémique, les séquençages, la vaccination, tout a été abandonné, à l’encontre des recommandations de l’OMS s’alertant de la tendance générale à invisibiliser la pandémie. Alors même que la Chine a été sévèrement atteinte et que des millions de personnes continuent à être touchées chaque année par une maladie encore mal connue qui semble, d’après un faisceau d’études concordantes, en capacité d’attaquer durablement, au-delà de la phase initiale, l’organisme humain, avec des conséquences pulmonaires, neurologiques, cardiovasculaires et immunologiques. Comme l’avait préconisé en 2022 Gérald Kierzek, directeur général de Doctissimo et expert de plateau télé : «Plus on le [Covid] cherche, plus on le trouve.» Et nous y sommes : plus de test, plus de masque, des courbes et des chiffres totalement déconnectés du réel, qui laissent penser que le risque est derrière nous. Jusqu’à Santé publique France qui dans ses campagnes de communication amalgame systématiquement bronchiolites, grippe, gastro-entérites et Covid, parmi «les maladies de l’hiver». Le Covid… cette maladie qui a circulé tout au long de l’hiver 2022 et qui, selon les anciens, a duré de décembre 2021 à janvier 2023, avec cinq vagues «hivernales».

 

#BalanceTonCO2

Dans le même temps, en l’absence de toute communication cohérente sur les risques persistants en lieu clos, et sans investissement sur l’aération dans les écoles, les transports, les lieux recevant du public, les personnes les plus vulnérables sont laissées à elles-mêmes. Porter un masque en lieu clos est considéré comme un réflexe archaïque, digne de la pitié ou du mépris. Denis Robert, qu’on avait connu mieux inspiré, s’était illustré l’an dernier par cette saillie : «Pour la première fois depuis plus de deux ans, je voyage sans masque et m’étonne cependant de voir quelques résistants le porter toujours, embrigadés qu’ils sont à craindre d’être contaminés par un sourire humain.» Sur Twitter, l’initiative #BalanceTonCO2, malgré des railleries du même type, a consisté à demander à des internautes d’afficher le taux de CO2 dans divers lieux qu’ils fréquentent : salles de cinéma, de théâtre, restaurants, trains…

Rappelons que le Covid se transmet essentiellement par aérosolisation, avec persistance dans l’air expiré par une personne malade de particules virales en suspension pouvant, en quantité suffisante, infecter une autre personne (ce qui a été nié farouchement pendant des mois, au niveau international comme au niveau national, par les instances sanitaires, et la majorité des conseillers scientifiques dont avait choisi de s’entourer Emmanuel Macron, dont le professeur Didier Pittet). «Les aérosols, comme le rappelle le site nousaerons.fr, sont des microgouttelettes, potentiellement chargées en virus. Ils se diffusent et restent en suspension dans l’air d’une pièce pendant plusieurs heures si l’on ne renouvelle pas l’air. C’est un mode important de contamination de la Covid-19. Renouveler l’air d’un local par un moyen mécanique (ventilation) ou naturellement (aération) est l’un des moyens les plus efficaces de diminuer ce type de contamination. En l’absence de filtration de type Hepa, le taux de CO2 est alors un bon indicateur du taux de confinement du local.» #BalanceTonCO2 permet donc de définir le risque en intérieur, par rapport à un taux de CO2 mesuré en extérieur autour de 410 ppm. Dans les lieux de restauration, où le masque ne peut être porté, un taux de 600 ppm est admis par de nombreux scientifiques comme acceptable, 800 ppm en lieu clos hors restauration, et 1 500 ppm correspond à un «seuil d’action immédiate» selon la Haute autorité de santé.

Exfiltrer Gérard Larcher

Munis de petits capteurs de CO2 autonomes, et prenant acte de l’absence de toute action des autorités sanitaires en ce sens (alors que le taux de CO2 est affiché clairement dans certains pays, dans les aéroports, les gares, etc.), des citoyens ont donc colligé des mesures en temps réel, qui permettent parfois d’avoir de bonnes surprises, avec des salles de cinéma bien ventilées en journée quand l’affluence est assez faible, et de bien mauvaises surprises : contrairement au satisfecit que s’autodécerne la SNCF, le taux de CO2 dans les TGV, par exemple, oscille fréquemment entre 1 000 et 1 500 ppm. Les plus politisés d’entre nous seront rassurés, ou pas, de savoir qu’à la différence du Forum de Davos, qui s’était armé de capteurs, d’aérateurs et d’appareils de filtration de l’air, le restaurant du Sénat affiche au compteur 2 149 ppm, au-delà du seuil d’action immédiate où il faudrait de toute urgence exfiltrer Gérard Larcher.

 

Cette initiative de patients isolés n’a d’autre but que d’attirer l’attention sur l’abandon de toute précaution en cas de reprise de la circulation virale. Pour en revenir à Gaslight, c’est comme si, après l’épidémie de choléra qui décima Londres en 1854, on avait décidé, plutôt que de bâtir un réseau d’eau potable, de recommencer à utiliser des pompes d’eau souillée en faisant comme s’il ne s’était rien passé. Et ceux qui continuent, pour se protéger, ou protéger des proches particulièrement vulnérables, à porter un masque en lieu clos ou à tenter d’ouvrir les fenêtres en salle de réunion, sont considérés comme à moitié fous. Dans un pays fier de sa «culture du masque» dont le ministre du travail, entre deux mensonges à l’Assemblée nationale sur la réforme des retraites, vient tousser dans son poing en plateau en expliquant avoir pris «un petit coup de froid».