Touché mais pas coulé: l'occident est-il fichu?
Courrier international août 2018 ÉDITORIAL ÉRIC CHOL ÉDITORIAL
T oujours en proie au doute, les philosophes spécialistes de l’histoire fondent leurs théories sur une certitude : les civilisations ne sont jamais statiques. Elles sont toujours en mouvement, soit de façon créative, en affirmant toujours plus vigoureusement leur esprit, soit de façon destructrice, en sombrant dans la décomposition et la dissolution.”
Ainsi débutait en 1928 la critique que le magazine américain Time consacrait à l’essai polémique de l’historien Oswald Spengler intitulé Le Déclin de l’Occident, paru en 1918 en Allemagne. Un siècle plus tard, parier sur la décomposition de l’Occident n’a jamais été aussi à la mode. Non sans raison : entre les gesticulations de Donald Trump, l’effacement progressif de l’Europe, la montée de la xénophobie, le triomphalisme de Vladimir Poutine ou les ambitions planétaires de Xi Jinping, le monde de 2018 a perdu sa boussole.
Partout, les valeurs occidentales sont mises à mal : la crise financière de 2008 a montré les limites d’un capitalisme financier irresponsable, tandis que les ressorts démocratiques accusent un sérieux coup de fatigue. Les frontières sont de retour, les autocrates paradent, et la fibre nationaliste remplace les slogans idéologiques d’hier. L’ancienne secrétaire d’État américaine Madeleine Albright a raison de tirer la sonnette d’alarme avec son livre Fascism. A Warning (“Fascisme. Un avertissement”).
Touché, l’Occident est pourtant loin d’avoir dit son dernier mot. La démocratie résiste, et la résilience des institutions américaines témoigne de sa vitalité. Certes le journaliste de Time rappelait que l’ordre mondial n’est pas immuable. Le géant chinois poursuit logiquement son rattrapage économique. Si les États-Unis connaissent une phase régressive, ils demeurent une puissance hors-norme toujours en expansion démographique.
En revanche, l’Europe, entrée depuis 2015 dans une phase de dépopulation, ne s’entend plus avec son voisin d’outre-Atlantique. Plus que l’Occident, c’est l’unité occidentale qui semble aujourd’hui fichue.