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Jugement en appel Tosan Meiffret

 

e4ce105ac2de711ccc7f887297c7745e.jpgRAPPEL DE LA PROCÉDURE :
LA PRÉVENTION :
MEIFFRET Rémy, Maurice, est prévenu,


- d'avoir, le 05/04/2013, à. Bagnols en Forêt, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, étant investi d'un mandat électif public (en l'occurrence en sa qualité de conseiller municipal et de premier adjoint en charge de l'urbanisme), pris, reçu ou conservé, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont il avait, au moment de l'acte, en tout ou en partie, la charge d'assurer la surveillance ou l'administration, en l'espèce, en participant aux débats puis au vote sur l'adoption du Plan Local d'Urbanisme de la commune, alors même qu'il était propriétaire de biens mobiliers entrant dans le périmètre de ce PLU,
faits prévus par l'article 432-12 du Code pénal et réprimée par les articles 432-12 AL.1, 432-17 du Code pénal


TOSAN Michel, Pierre, est prévenu,


- d'avoir, du 05/04/2013 au 19/04/2013, à Bagnols en Forêt, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, falsifié une écriture publique ou authentique ou enregistrement ordonné par l'autorité publique, en l'espèce en faisant insérer, en page 3 du compte-rendu de la réunion du conseil municipal de Bagnols-en-Forêt du 5 avril 2013, la mention suivante : "précisé que Monsieur Michel TOSAN et Madame Janine BOUNIAS ont quitté la salle du conseil municipal dès le début des débats et qu'ils ne prendront done pas part ni aux discussions, ni au vote relatifs â la présente délibération", alors même qu'il n'a en réalité jamais quitté la salle et a participé h l'ensemble des débats et délibérations,


faits prévus par les articles 441-4 .L.1, 441-1 AL.1 du Code pénal et réprimée par les articles 441-4 AL. 1, 441-10, 441-11 du Code pénal


- d'avoir, le 0510412013, â Bagnols en Forêt, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, investi d'un mandat électif public (en l'occurrence en sa qualité de maire de la commune), pris, reçu ou conservé, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont il avait, au moment de l'acte, en tout ou en partie, la charge d'assurer la surveillance ou l'administration, en l'espèce, en participant aux débats puis au vote sur l'adoption du Plan Local d'Urbanisme de la commune, alors même qu'il était propriétaire de biens mobiliers entrant dans le périmètre de ce PLU, faits prévus par Particle 432-12 du Code pénal et réprimée par les articles 432-12 AL.1, 432-17 du Code pénal


LE JUGEMENT :


Par jugement contradictoire du 26 avril 2017, le tribunal correctionnel de Draguignan, sur l'action publique, a déclaré Rémy MEIFFRET coupable des faits de prise illégale d'intérêts par un élu public dans une affaire dont il assure l'administration ou la surveillance, commis le 5 avril 2013 à Bagnols-en-Forêt, et l'a condamné au paiement d'une amende de 4000€ avec sursis, a déclaré Michel TOSAN coupable des faits de faux en écriture publique ou authentique commis les 5 et 19 avril 2013 â Bagnols-en-Forêt et de prise illégale d'intérêts par un élu public dans une affaire dont il assure l'administration ou la surveillance commis le 5 avril 2013 â Bagnols-en-Forêt et l'a condamné au paiement d'une amende de 8.000 € avec sursis et, sur l'action civile, a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Marie-Reine LOUBET.


LES APPELS :
Rémy MEIFFRET a interjeté appel du jugement le 28 avril 2017, sur les dispositions pénales. Le ministère public a formé  appel incident le même jour.


Michel TOSAN a interjeté appel du jugement le 28 avril 2017, sur les dispositions pénales. Le ministère public a formé appel incident le même jour.


Marie-Reine LOUBET divorcée Beurive a interjeté appel des dispositions civiles du jugement.


DÉROULEMENT DES DÉBATS :
L'affaire a été appelée â l'audience publique du Mercredi 04 avril 2018,


Le conseiller Godron a constaté l'identité des prévenus et les a informés de leur droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire et a présenté le rapport de l'affaire,


Les prévenus Meiffret Rémy et TOSAN Michel, après avoir exposé sommairement les raisons de leur appel, ont été interrogés et ont présentés leurs moyens de défense,


La partie civile, Madame Loubet Marie-Reine épouse Beurive, a été entendue en ses explications,


Maître Campolo, avocat de la partie civile, a été entendu en sa plaidoirie, et a déposé des conclusions,


le Ministère Public a pris ses réquisitions,


Maitre Ferlaud, avocat des prévenus, a été entendu en sa plaidoirie, Les prévenus ayant eu la parole en dernier,
le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé â l'audience du MERCREDI 16 MAI 2018.


DÉCISION :
Rendue après en avoir délibéré conformément â la loi,

En la forme :


Les appels ayant été régulièrement formés, dans les délais prévus par le code de procédure pénale, seront déclarés recevables.
Rémy MEIFFRET, Michel TOSAN et Marie-Reine LOUBET étaient présents et assistés d l'audience de la cour de sorte que l'arrêt sera prononcé contradictoirement.


Au fond :
Sur les dispositions pénales


Michel Tosan est maire de la commune de Bagnols-en-Forêt. Rémy Meiffret en est le premier adjoint, délégué â l'urbanisme.

La commune de Bagnols-en-Forêt s'était dotée d'un Plan d'Occupation des Sols (POS) le 26 juin 1986. Lors d'un conseil municipal du 29 octobre 2009, la révision du POS en vue de sa transformation en Plan Local d'Urbanisme (PLU) était décidée. Il faut rappeler que suite à l'adoption de la loi SRU en 2000 les anciens POS devaient être remplacés par des PLU à défaut de quoi ils devenaient caducs, les communes se devaient donc de procéder à l'élaboration de ces nouveaux dispositifs. La nomenclature dos zones d'urbanisme a également été modifiée par la loi ; dans l'ancien POS les grandes zones principales étaient les Zones U (urbaine) se déclinant en diverses zones plus au moins anciennes et urbanisées et ayant la caractéristique d'être immédiatement constructibles et les Zones N (naturelle) se déclinant également en plusieurs sous groupes (NB = zone urbanisée de fait qu'il n'est pas prévu de renforcer, habitable sous condition, NC zone agricole, ND zone naturelle protégée, NA zone d'urbanisation future).


Les nouvelles zones PLU se déploient désormais en quatre grandes catégories : les zones agricoles (A) les zones naturelles ou forestières protégées (N) et, concernant plus particulièrement l'infraction examinée, la zone U urbaine qui se décline en différents sous zonages (secteur déjà urbanisé, noyaux urbains anciens pourvus d'équipements et secteur non encore urbanisé mais appelé à le devenir car déjà pourvu d'équipements suffisants) et la zone AU (à urbaniser), qui concerne les secteurs naturels de la commune destinés à être ouverts à l'urbanisation lorsque les voies publiques, les réseaux d'eau, d'électricité et d'assainissement existent dans une périphérie immédiate. Les anciennes zones NB doivent disparaître et doivent être reclassées soit en U soit en N.


Par délibération du conseil municipal du 22 décembre 2010 le plan d'aménagement de développement durable (PADD), projet cadre qui fixe les grandes orientations auxquelles le PLU doit se conformer a été approuvé.


Par délibération n°40/2012 du 29 juin 2012, le conseil municipal arrêtait le projet d'élaboration du PLU à la majorité des votants, étant précisé que le maire ne prenait pas part au vote. Par délibération n°20/2013 du 5 avril 2013, le conseil municipal approuvait le PLU, étant précisé que le maire, lâ encore, ne prenait pas part au vote.


Depuis la loi ALUR du 24 mars 2014 qui supprime la notion de coefficient d'occupation de sols (COS), le PLU de Bagnlols-en-forêt a été modifié, le 5 novembre 2014 pour se mettre en conformité à cette loi et supprimer toute référence à ce terme.

Le PLU concernait notamment le quartier de la Rouvière situé à 1,5 km du village et qui allait être classé en zone 1AUb alors que l'ancien classement était NA1 et ta zone de la Valere qui passait de NB â UD.


Plainte était déposée le 25 avril 2013 par Marie-Reine Loubet et ses cousins Monique et Gérard Chevalier pour des faits de prise illégale d'intérêts. Ils faisaient valoir que le maire, Michel Tosan, était intéressé au projet puisque son épouse Dominique Escoffier et lui même étaient propriétaires d'une parcelle d'une surface de 12.560 m2, dans le quartier de la Rouviëre, classée auparavant en zone 1NA au POS, ce qui signifiait que c'était une zone naturelle insuffisamment équipée ou non équipée réservée à une urbanisation ultérieure et classé désormais en AU1 regroupant des secteurs peu ou non urbanisés destinés à accueillirir essentiellement des bâtiments d'habitation, l'urbanisation de la zone étant soumise à la réalisation des équipements d'infrastructures nécessaires, voirie et réseaux notamment mais qui devraient être réalisé dans le cadre d'un PUP donc en partenariat et non plus en ZAC comme prévu dans le POS


Selon les plaignants le coefficient d'occupation des sols à 15 % appliqué à 37 hectares soit 54.750 m2 à bâtir faisait doubler les surfaces de planchers initiales et la valeur vénale des terrains concernés.


Les plaignants faisaient valoir que les terrains appartenant à l'épouse du maire étaient impactés par le projet et avaient vu leur valeur augmentée alors que le maire, quand bien même il avait pris la précaution de s'abstenir lors du vote, avait conduit le projet d'un bout à l'autre, tenu les réunions d'information publique, présidé les conseils municipaux et même voté pax procuration pour une conseillère municipale, Madame Virgitti, lors de la délibération du 29 juin 2012, ce que ce dernier reconnaissait.


Ils faisaient également valoir que le PLU impactait une zone forestière à l'état vierge et que le projet allait induire une déforestation de 620000m2.


Monsieur Boeuf dénonçait également les faits de prise illégale d'intérêt. II espérait que le PLU respecte le PPAD et favoriserait, dans un souci de rentabilité, l'urbanisation autour de la mise en place du nouvel égout par la commune pour un coût de 750000€, dans le quartier Rouquaire et qui est largement sur dimensionné. Il s'étonnait que le projet retenu favorise l'urbanisation de quartiers qui n'avaient pas de viabibilité ni d'infrastructure avant d'apprendre que le maire et son adjoint y possédaient des terrains. Il faisait valoir que si le quartier de la Rouvière était effectivement déjà classé NA dont l'urbanisation future était prévue par une ZAC, elle ne comprenait cependant au départ qu'une superficie de 250000m2 et que le PLU l'avait augmenté à 365000m2 en y incluant désormais les terrains appartenant au maire et à son épouse qui n'y étaient pas auparavant.


Il indiquait qu'en ce qui le concernait, ses parcelles situées au quartier de Rouquaire étaient classées en zone Ucb car situées près de l'égout, elles étaient désormais classées zone agricole.


A l'époque le POS prévoyait une urbanisation par le biais d'une ZAC ( one d'aménagement concertée) qui aurait du être prise en charge financièrement par des promoteurs mais il n'y avait pas eu de candidat. Le PLU a retenu un PUP (plan d'urbanisme en partenariat) dans lequel l'urbanisation pouvait se faire par convention et être financée entre les promoteurs et les collectivités territoriales ; la mairie envisagerait un emprunt de 7 millions d'euros.


Rémy Meiffret, premier adjoint, délégué à l'urbanisme était lui aussi propriétaire de plusieurs parcelles de terrain cadastrées D n°136-137 et 633, quartier la Valere, d'une superficie totale de 7.672,58 m2 sur la commune de Bagnols-en-Forêt qui étaient initialement classées en zone NB au POS c'est-à-dire en zone urbanisée de fait qu'il n'est pas prévu de renforcer, habitats diffus constructibles sur des parcelles de 2000 m2 minimum. Suite â l'adoption du PLU, elles étaient classées en zone UDa (urbaine diffuse), zone majoritairernent résidentielle qui pourrait voir sa densité de construction facilement augmentée.


Le 23 juillet 2013, Marie-Reine Loubet et Monique et Gérard Chevalier adressaient de nouveau un courrier au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Draguignan., dénonçant Rémy Meiffret pour prise illégale d'intérêts. Ils soutenaient qu'à chaque réunion du conseil municipal ayant pour objet le PLU, il était nommé d'office "animateur des débats" par Michel Tosan, sans vote du conseil municipal. Il avait ainsi présenté le projet de PLU et avait conduit toutes les opérations de vote, du 29 octobre 2009 au 5 avril 2013.


De plus, ils fournissaient un enregistrement audio de la séance du 5 avril 2013 avec sa transcription desquels il ressortait la présence du maire dés le début des débats d'approbation du PLU sur la commune alors que, dans la délibération n°2012013, il était affirmé que le maire avait quitté la salle du conseil municipal dès le début des débats et qu'il n'avait pas pris part ni aux discussions, ni au vote relatif â ladite délibération. La transcription démontrait que Michel Tosan avait participé aux débats sur le PLU pendant 18 minutes et 37 secondes avant de quitter la salle du conseil municipal pendant 11 minutes le temps du vote. Plainte pour faux en écriture publique était déposée de ce chef à l'encontre du maire.


Monsieur Magali déposait également plainte le10 juillet 2015 pour prise illégale d'intérêt à l'encontre de messieurs Tosan, Meiffret et de deux autres conseillers municipaux. 11 faisait valoir que Monsieur Tosan en sa qualité de maire avait signé le marché public avec le bureau d'étude Citadia, avait présidé toutes les séances du conseil municipal, avait animé les réunions publiques, avait refusé de prendre en compte les avis recueillis dans le cadre de l'enquête publique, et finalement avait voté le PLU par procuration. pour Madame Vergetti alors que ses terrains passaient de Nal à Aub et que de plus l'exploitation en ZAC passait en PUP.


Selon lui le projet d'urbanisation pourrait concerner 500 logements depuis la loi ALUR. Il produisait copie d'une délibération du conseil municipal (023 de 2013 ) autorisant le maire â signer le marché public de l'extension du réseau d'assainissement au quartier de la Rouvière pour un montant de 74 380 €, démontrant la volonté d'urbaniser réellement ce quartier.


Quant â Monsieur Meiffret, adjoint â l'urbnisme il apparaissait que ses terrains étaient passés "fort opportunément" de NB à Uda alors qu'il était intervenu tout au long de la procédure PLU, avait participé aux réunions publiques et s'était imposé comme "animateur PLU" sans vote lors de la réunion du 5 avril 2013.


Entendu Monsieur TO SAN reconnaissait une erreur dans le fait d'avoir fait figurer sur le procès verbal de la délibération du 5 avril 2013 qu'il n'avait pas du tout participé aux débats alors qu'il ne s'était retiré que quelques minutes au moment du vote mais plaidait l'absence d'intention coupable même si "techniquement" la prise illégale d'intérêt pouvait lui être reprochée il prétendait que le changement de classification du quartier de la Rouvière et donc de ses terrains n'était pas forcément en sa faveur et avait été conçue au mieux de l'intérêt de la commune.
Pour Monsieur Meiffret la commune était contrainte par la loi SRU et ne pouvait augmenter les surfaces (zones) constructibles. C'est la raisonpour laquelle le quartier de Rouquaire qui était desservi par le nouvel égout et aurait du passer en zone constructible n'avait pas été modifié.


Il ne s'estimait pas avantagé et faisait remarquer que tous les membres du conseil municipal étaient propriétaires.


A l'audience messieurs Tosan et Meiffret sollicitent la relaxe en faisant valoir l'absence d'élément moral, la nécessité dans laquelle ils étaient de réformer le POS et la difficulté liée au fait que dans un tel village et au conseil municipal tout le monde était propriétaire et donc concerné par un tel projet, et l'évidence du choix du quartier de la Rouvière pour y fixer la future urbanisation.


Madame Loubet, partie civile appelante, sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il avait déclaré sa constitution irrecevable, la confirmation de la culpabilité des prévenus pour les faits de prise illégale d'intérêt et leur condamnation â lui payer 4 000 € de dommages et intérêts à titre principal, 2 500 € â titre subsidiaire en faisant valoir la perte future de tranquillité impactant son bien sis dans le quartier de la Rouvière, la confirmation de la culpabilité de monsieur Tosan pour les faits de faux en écriture publique et sa condamnation à lui payer 4 000 € de dommages et intérêts de ce chef. Elle conteste les choix réalisés par le PLU quant au quartier de la Rouvière où elle réside en soulignant que si les intérêts du maire sont servis ni le sien ni celui des administrés ne sont pris en compte et que le sous préfet lui même avait critiqué cette orientation du PLU qui entraînait un étalement urbain et un coût en terme de viabilisation et d'équipement excessif au regard des capacités financières de la commune. Quant à l'irrecevabilité de sa constitution, elle fait valoir que la notion d'infraction d'intérêt général exclusive d'un préjudice particulier est critiquée par la doctrine et remise en cause par certaines jurisprudences. Quant à la qualification de son préjudice elle précise que son bien immobilier est situé au quartier de la Rouvière dans une zone essentiellement boisée et désormais classée l aub avec une opération d'aménagement en cours ce qui aura nécessairement pour conséquence de modifier considérablement Ies caractéristiques de cette zone pour la rendre fortement urbanisée et qu'elle subira un préjudice en terme de perte de tranquillité et baisse de la valeur vénale de son bien.


Enfin elle précise que si sen préjudice est futur il est certain puisque la première tranche de travaux concernant la viabilisation des terrains est déjà effectuée, â défaut elle sollicite l'indemnisation de son préjudice au titre de la perte d'une chance de jouissance tranquille.


Sur ce


Sur la prise illégale d'intérêt :


La modification du classement des zones d'urbanisme était inéluctable de part l'adoption du PLU et de la nouvelle nomenclature qui en découlait et il est difficile d'en tirer des conséquences immédiatement péjoratives puisque les deux quartiers dans lesquels les élus concernés par l'infraction de prise illégale d'intérêt possèdent des terrains présentaient déjà, de par l'ancienne nomenclature, un habitat diffus avec possibilité de constructibilité ultérieure, sous condition. Il convient cependant de remarquer qu'en ce qui concerne le quartier Valere, largement boisé et situé en bordure d'un site protégé Natura 2000, il était anciennement classé zone NB et que, si ce zonage avait vocation à disparaître dans la nouvelle nomenclature au profit soit d'une zone urbaine ou d'une zone naturelle protégé, la classification retenue n'était ni automatique ni neutre et qu'un débat avait vocation à s'instaurer.


En ce qui concerne le quartier de la Rouvière il convient de relever que le classement en zone "AUl." était conditionné selon la réglementation â la préexistence en périphérie immédiate d'équipements de dimension suffisante, ce qui n'était pas vraiment le cas puisque ce quartier largement boisé, situé à 1,5 km du village était considéré comme le véritable "poumon vert" de la commune, lieu de promenade des administrés, en bordure de sites protégés.


Outre que la classification retenue n'était pas inéluctable et qu'elle ouvrait la voie à une possibilité d'urbanisation ultérieure, la commune dans l'élaboration de son PLU et de ses orientations d'aménagement et de programmation (OAP) a manifesté clairement le choix d'effectuer réellement et rapidement cette urbanisation, notamment par l'adoption d'unplan d'urbanisme en partenariat (PUY) au lieu et place de la ZAC, ce qui laisse à la commune la maîtrise de la mise en oeuvre des équipements et viabilités nécessaires, â ses frais avancés mais supportés finalement par le contribuable local, et force est de constater que dès l'adoption du PLU (délibération n° 20) le conseil municipal par la délibération numéro 023 de la même année, versée aux débats, a autorisé le maire à signer le marché public de l'extension du réseau d'assainissement au quartier de la Rouvière, pour un montant de 74 380 €.

Ce choix des quartiers â urbaniser pose question dans la mesure où  le diagnostic fait par le bureau d'étude d'urbanistes Citadia dans le cadre du PLU les cible comme des quartiers "sensibles" en teinte d'enjeux esthétique, écologique et de protection de la faune et indique que leur déforestation aura un impact certain mais "modéré" selon les termes pudiques de ses mêmes spécialistes, mandatés et payés par la commune.


Sans remettre en cause la volonté d'une commune de 2 800 habitants de se doter d'une nouvelle capacité d'habitat de 600 constructions puisqu'il s'agit d'un choix politique, la question se pose de savoir pourquoi le PLU n'a pas favorisé, comme la loi ALUR l'y invitait, â densifier les zones urbaines déjà existantes et à épargner les zones naturelles et boisées puisqu'il est établi que sous le précédent mandat le quartier de Rouquaire, exploité sous forme de ZAC, s'était vu doté d'un réseau d'assainissement encore à ce jour largement sur dimensionné an regard de sa desserte et aurait pu par conséquent être facilement densifié.


Il en résulte que les enjeux étaient d'importance pour la commune et les administrés et que les choix effectués, impactent nécessairement des terrains appartenant à monsieur Meiffret, premier adjoint chargé de l'urbanisme, qui a participé activement à toutes les réunions, à tous les conseils municipaux et a voté toutes les délibérations alors qu'il possède une superficie de 7 000 m2 au quartier de la Valère dont une partie seulement est actuellement construite, et également les terrains appartenant à monsieur Tosan maire de la commune et à son épouse, et situés quartier la Rouviere pour une contenance non négligeable de 12 500 m2. Si ce dernier a pris la précaution de s'abstenir du vote lors des délibérations du 29 juin 2012. et du 5 avril 2013 force est de constater qu'il a pris part à toutes les réunions publiques et techniques, a signé les lettres d'information à la population, était présent pendant tous les cou seils municipaux, hormis quelques minutes lors du vote et qu'il a même participé au vote de l'adoption du PLU par procuration de madame Vergetti, caractérisant ainsi largement la notion de surveillance des opérations visée à l'article 432-12 du code pénal.


La lecture de la retranscription de la réunion du conseil municipal du 5 avril 2013 est éclairante sur la volonté du maire de porter le projet du PLU ainsi que sur sa parfaite connaissance des obligations d'impartialité qui lui incombaient et qu'il n'a pas respectées en limitant formellement son retrait aux seuls votes de deux délibérations. Elle permet également de se convaincre que monsieur Meiffret a 'accompli sciemment des actes de surveillance et participation au vote du PLU en sa qualité d'élu alors qu'il y avait un intérêt personnel.


En défense monsieur Tosan comme monsieur Meiffret prétendent sans pour autant l'établir que c'est l'ensemble du conseil municipal qui serait propriétaire de terrains sur la commune rendant ainsi matériellement impossible, dans une sorte d'oxymore, la nécessité pour la commune d'adopter le PLU tout en ayant l'obligation de ne pas y participer en qualité de personne y ayant un intérêt. Il convient cependant de relever que les administrés opposants au projet et qui ont dénoncé les faits, dont monsieur Tosan nous indique qu'ils sont, de par leur situation et la taille du village parfaitement informés de la qualité de propriétaire de tout un chacun, n'évoquent dans leurs différents courriers que quatre personnes propriétaires et membres du conseil municipal alors que celui ci en compte dix sept.


Ainsi le maire et son adjoint, personnes chargées d'un mandat électif; en participant à l'ensemble des opérations de mise en oeuvre du PLU de leur commune, sur une durée de deux années, alors qu'ils possédaient en propre ou par l'intermédiaire de leur épouse des intérêts relatifs à des terrains dont le sort et donc la valeur allait sensiblement changer avec les nouvelles dispositions adoptées, ce qu'ils ne pouvaient ignorer, se sont rendu coupables des faits de prise illégale d'intérêt.


Sur le faux en écriture publique :


Le procès verbal de la délibération du 5 avril 2013 du conseil municipal de Bagnole -en-Forêt (numéro 20) qui prononce l'adoption du PLU mentionne que monsieur Michel Tosan et madame Bounias "ont quitté la salle du conseil municipal dès le début des débats et qu'ils ne prendront donc part ni aux discussions, ni au vote relatif à la présente délibération".


Or il résulte de la retranscription de l'enregistrement de cette séance ainsi que des contradictions internes au sein même du procès verbal de la délibération qu'en réalité monsieur Tosan a participé aux discussions et a parlé pendant 18 minutes et ne s'est absenté que pour le vote en lui même pendant quelques minutes. Le prévenu a reconnu la matérialité des faits tout en plaidant une erreur matérielle ; il déclarait devant les gendarmes "c'est de ma faute, c'est moi qui relis, c'est moi qui signe je suis entièrement responsable de mes actes. Ce n'est ni une erreur ni une omission"..." c'est une erreur de ma part de l'avoir inscrit, je ne voulais rien cacher, j'en porte l'entière responsabilité. Je n'avait aucune intention coupable".


Ainsi même s'il minimise les faits en les assimilant à une simple erreur, innocente selon lui puisqu'il n'avait pas l'impression d'être particulièrement avantagé par le PLU, monsieur Tosan a signé une fausse mention sur un document qui constitue une écriture publique, soumis au contrôle de la légalité par le préfet et eu égard aux enjeux en cours, à la présence d'une superficie de terrain très importante appartenant à son épouse dans un quartier particulièrement impacté parle PLU et alors même qu'il avait conscience du conflit d'intérêt qui pouvait exister du fait de sa double qualité de maire porteur du projet et de propriétaire, la bonne foi du prévenu ne peut être retenue, l'élément moral étant caractérisé par la conscience de l'irrégularité de l'acte et l'absence de vigilance concernant un document particulièrement sensible et créateur de droits.


II convient de confirmer la déclaration de culpabilité de monsieur Tosaut pour les faits de faux en écriture publique.


Sur la peine


Monsieur Tosan n'a jamais été condamné, il est retraité et dispose comme revenus mensuels d'une retraite d'environ 600 € par mois, d'indemnités d'élu pour 1 200 € pour la mairie et de 500 € pour l'intercommunauté, et de revenus fonciers pour 500 €. Les faits commis par un élu en charge du bien public qui profite de ses fonctions pour avantager ses intérêts et n'hésite pas à falsifier la vérité dans une écriture publique sont de nature â remettre en cause la confiance des citoyens dans leurs institutions et sont la cause un grave préjudice social. A cela s'ajoute le mépris des enjeux environnementaux pourtant essentiels dans cette région. En considération de ces éléments il convient de condamner Michel Tosan A une peine d'emprisonnement d'un an avec sursis et au paiement d'une amende de 3 000 €, seule adaptée à la gravité des faits et à la personnalité du prévenu. Les circonstances de la commission des faits liées au mandat électif rendent nécessaire le prononcé de la peine complémentaire d'interdiction des droits civiques limitée au 2° de l'article 131-26 du code pénal, d'inéligibilité pendant une durée d'un an.


Monsieur Meiffiet, jamais condamné, est ingénieur à la retraite, il perçait mensuellement une retraite de l'ordre de 2 600 € outre ses indemnités d'élu de l'ordre de 500 € par mois. Particulièrement bien informé de la réglementation en vigueur de par sa qualité de premier adjoint chargé de l'urbanisme le prévenu a participé pendant deux ans, en toute connaissance de cause à l'ensemble des opérations de modification du POS en PLU qui concernaient en premier lieu ses terrains dont la nomenclature était supprimée et devait être modifiée, sans jamais faire état de l'intérêt personnel qu'il y avait.


Bien qu'avisé par l'attitude ambigite du maire du souci que pouvait représenter ce conflit d'intérêt son rôle a été particulièrement prépondérant et il ne s'est jamais abstenu d'aucune participation.


La gravité de l'infraction commise qui porte atteinte à l'intérêt général de la commune ainsi qu' à la crédibilité de la fonction et les éléments de personnalité du prévenu conduisent â prononcer comme sanction adaptée la peine de 9 mois d'emprisonnement avec sursis et 3 000 € d'amende. Les circonstances de la commission des faits liées au mandat électif rendent nécessaire le prononcé de la peine complémentaire d'interdiction des droits civiques limitée au 2° de l'article 131-26 du code pénal visant l'inéligibilité pendant une durée d'un an.


Sur les dispositions civiles :


L'article 2 du code de procédure pénale dispose que : "l'action civile en réparation d'un dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient â tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction".


Les infractions poursuivies ont par leur nature même porté atteinte à l'intérêt public et à l'intérêt de la commune, il s'agit d'infractions dites d'intérêt général et le préjudice allégué par une administrée pour des faits de faux en écriture publique, prise illégale d'intérêt ne peut être qu'indirect et en l'espèce l'appelante ne justifie pas d'un préjudice né, actuel et certain. Il convient de confirmer l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de madame Loubet.


PAR CES MOTIFS


LA COUR,


Statuant en matière correctionnelle, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi ;


En la forme :
Déclare les appels recevables ;


Au fond :
Confirme le jugement sur la déclaration de culpabilité : Infirme le jugement sur la peine ;


Statuant de nouveau ;

Condamne Michel Tosan à la peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis et au paiement d'une amende de 3 000 € ainsi qu'à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer toute fonction électorale pendant un an prévue à l'article 131-26 2° du code pénal ;
Condamne Remy Meiffret â la peine de 9 mois d'emprisonnement avec sursis et au paiement d'une amende de 3 000 € ainsi qu'a la peine complémentaire d'interdiction d'exercer toute fonction électorale pendant un an, 2° de l'article 131-26 du code pénal ;
Confirme les dispositions civiles ;

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