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liberation.fr Lilian Alemagna

 

Le gouvernement, les entreprises et la «cagnotte fiscale»

 

Toujours plus. Depuis plusieurs mois, Bruno Le Maire cherche comment «baisser les coûts» des entreprises, notamment dans le secteur industriel, «pour renforcer [leur] compétitivité». En novembre, il plaidait ainsi pour un «allégement de charges [pour les salaires] au-dessus de 2,5 smic». A l’époque, Edouard Philippe l’avait gentiment éconduit, rappelant à son ministre de l’Economie et des Finances qu’il faudra d’abord «rétabli[r] la situation des comptes publics» avant de chercher à ouvrir un nouveau chapitre de «baisse de charges». Il y a un mois, à l’Assemblée, Le Maire avait évoqué une autre piste devant les députés : «Nous sommes prêts à examiner tous les impôts de production qui pèsent encore trop lourdement sur la compétitivité de notre industrie.» Ces prélèvements (forfait social, versement transport, contribution sociale de solidarité des sociétés, dite C3S, sur la valeur ajoutée des entreprises, CVAE, taxe sur le foncier bâti…) sont dans le collimateur des organisations patronales depuis un moment. Selon le Figaro, les Echos et le Point, un groupe d’experts créé par Bercy en février prépare le terrain à une suppression de certains d’entre eux. Les conclusions de ce groupe de travail sont attendues pour la fin du mois de juin. Le Maire espère en reprendre certaines pour les intégrer au projet de loi de finances pour 2019, que le gouvernement doit boucler avant l’automne.

Double dose d’aides en 2019

L’an prochain sera pourtant riche en coups de pouce aux entreprises. Ces dernières vont bénéficier, en 2019, du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) au titre de l’année 2018 et d’une baisse de cotisations sociales qui vient remplacer, durablement, le mécanisme du CICE. Coût de cette bascule pour les comptes publics : 20 milliards d’euros. Pour cette raison, malgré le beau temps économique qui s’annonce, le déficit public devrait légèrement remonter (2,4% du PIB contre 2,3% prévu en 2018). Certes, Bercy ne peut pas supprimer la totalité des impôts de production (il y en a pour 72 milliards d’euros…). Mais si Le Maire obtient la suppression d’un certain nombre d’entre eux, il va falloir une solution (forcément coûteuse) pour boucler le prochain budget.

Pour tenir sa trajectoire de réduction du déficit inscrite dans le programme de stabilité envoyé il y a deux semaines à Bruxelles, l’exécutif doit déjà trouver 9 milliards d’euros supplémentaires pour financer la suppression totale (non prévue au départ) de la taxe d’habitation d’ici 2020. D’autant qu’Emmanuel Macron s’est engagé à ne pas créer de nouvel impôt et à ne pas augmenter la «pression fiscale». Cela laisse peu de marges de manœuvre à Bercy. La presse économique évoque des «coupes dans l’enveloppe de 140 milliards d’aides aux entreprises». Donner d’une main ce qu’on reprendrait de l’autre ? Certaines entreprises seraient forcément perdantes. A moins que… le gouvernement utilise une partie de la «bonne fortune fiscale» consécutive au retour de la croissance pour financer ces nouveaux cadeaux aux entreprises. Difficile à faire accepter quand on explique qu’il n’y a pas de «cagnotte» pour financer, par exemple, le vieillissement, et qu’on demande, pour cela, une nouvelle journée de solidarité aux salariés.

Libération: Lilian Alemagna