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Opinion.

Pourquoi le Hamas a décidé d’attaquer Israël sur son sol

Pour ce journaliste palestinien, cette guerre ne ressemble à aucune autre. Si le mouvement islamiste a choisi de passer à l’offensive, c’est pour redorer son blason auprès de la population à Gaza et de ses alliés extérieurs. Mais aussi faire capoter les plans de normalisation, notamment entre l’État hébreu et l’Arabie saoudite. Une escalade qui pourrait toutefois coûter cher aux Palestiniens.

 

Cette guerre est différente des précédentes. Premièrement parce que c’est le Hamas qui en est à l’initiative. Deuxièmement parce que c’est le territoire israélien à l’intérieur de la Ligne verte qui est envahi par des troupes au sol, chose que même le Hezbollah [libanais] n’avait jamais réussi à faire.

Troisièmement parce qu’elle ressemble tout à fait à un affrontement entre deux armées, malgré les réserves qu’on peut avoir à désigner les combattants du Hamas comme une armée.

Personne ne sait pour l’instant à quoi cela va aboutir. Mais ce que l’on sait déjà, ce sont les raisons pour lesquelles le Hamas a pris sa décision. Premièrement, il est en difficulté face à sa propre population, en tant que mouvement de résistance aussi bien qu’en tant que gouvernement [à Gaza].

Pas mieux que le Fatah

Après seize ans au pouvoir à Gaza, il n’a pas réussi à s’imposer comme un modèle qui ferait envie, ou qui paraîtrait préférable à celui du Fatah [et de l’Autorité palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas à Ramallah, en Cisjordanie].

De même, il n’a pas réussi à protéger les habitants de la bande de Gaza contre les attaques israéliennes, ni à leur éviter les affres du blocus imposé par Israël.

Dans son rapport à ses alliés extérieurs aussi, le Hamas avait besoin de redorer son blason. [Depuis la guerre de 2014, puis notamment en 2019 et 2022, il s’était de plus en plus fait dépasser par le Jihad islamique dans l’affrontement avec Israël]. Cela avait entamé le prestige du Hamas auprès des Iraniens, avec ce que cela implique en termes de soutiens financiers et de livraisons d’armes.

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Peser sur le processus de normalisation israélo-arabe

Troisièmement, le Hamas veut s’imposer comme instance représentative des Palestiniens. Et finalement, il s’aligne sur les Iraniens dans leur désir de faire capoter les projets en cours de normaliser les relations entre Israël et les pays arabes [dont notamment l’Arabie saoudite].

Cela étant, c’est Israël qui est responsable de tout ce qui se passe. Depuis sa création en 1948, l’État d’Israël cause des nakba [catastrophes] au peuple palestinien. Récemment, cela s’est traduit par une accumulation d’atteintes aux lieux saints musulmans et chrétiens [palestiniens] et par des attaques de colons extrémistes contre des Palestiniens en Cisjordanie et à Jérusalem.

Même s’il est trop tôt pour prédire les conséquences de cet événement sans précédent, il faut attirer l’attention sur certains points.

Premièrement, il ne faut pas céder aux émotions et réactions épidermiques, qui n’aboutissent à rien de bon dans une situation déterminée par les rapports de force. Il faut au contraire prendre les décisions les plus rationnelles possibles.

Attention à la vengeance des colons en Cisjordanie

Deuxièmement, la libération de la Palestine n’est pas pour demain. Je le dis avec tout mon respect pour les sacrifices et l’héroïsme de la résistance palestinienne, qui en a déjà consenti beaucoup à d’autres moments de l’histoire.

Troisièmement, il faut craindre au contraire qu’Israël prenne prétexte des événements pour laisser libre cours à la violence vis-à-vis des Palestiniens, et que les colons se déchaînent en Cisjordanie pour épurer telle ou telle zone de sa population palestinienne.

Quatrièmement, tout cela pourrait aboutir à ce que la bande de Gaza soit retranchée de l’ensemble palestinien, pour établir un État de Gaza en guise d’État palestinien, gouverné par le Hamas ou non, concomitamment avec [l’effacement] politique de l’Autorité palestinienne [de Mahmoud Abbas] à Ramallah en Cisjordanie.

 

Majed Kayali