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La Cour des comptes presse le gouvernement de baisser la dépense publique

Le rapport sur le budget de l’Etat, dont « Le Monde » a eu connaissance et qui sera présenté mercredi, rappelle que le déficit a été très peu réduit en 2017.

Alors que les pistes pour baisser la dépense publique promises par l’exécutif se font toujours attendre et que Matignon tarde à programmer la remise officielle du rapport CAP22 – qui doit dévoiler les grandes lignes de la réforme de l’Etat –, voilà qui vient mettre un peu plus de pression sur le gouvernement d’Edouard Philippe.

« En 2017, l’amélioration très limitée du déficit résulte d’une forte hausse, tant des dépenses que des recettes », pointe le rapport sur le budget de l’Etat, que la Cour des comptes doit rendre public mercredi 23 mai, et dont Le Monde s’est procuré une version.

A 67,7 milliards d’euros en 2017, ce déficit a été légèrement inférieur à celui de 2016 (69,1 milliards d’euros). Mais pour seulement stabiliser la dette de l’Etat en points de produit intérieur brut (PIB) – elle a atteint 96,8 % selon les derniers chiffres de l’Insee –, il aurait fallu qu’il soit plus bas de quelque 25 milliards d’euros.

Le rapport, qui revient sur l’année écoulée, présente la particularité d’évaluer à la fois l’action de la précédente majorité, au pouvoir jusqu’en mai 2017, et celle de l’actuelle, qui fête ces jours-ci sa première année aux affaires. Et, si elle a jusqu’à présent été plutôt bienveillante avec l’exécutif, la Cour des comptes n’est finalement guère plus tendre avec le nouveau monde qu’avec l’ancien.

LE CHANGEMENT DE MAJORITÉ N’A PAS EMPÊCHÉ LA HAUSSE DE LA DÉPENSE DES DIFFÉRENTS MINISTÈRES D’ATTEINDRE EN 2017 10,6 MILLIARDS D’EUROS (+ 4,8 %)

Les magistrats réitèrent d’abord leur appréciation sur la fin de gestion du quinquennat Hollande, qui s’était soldé par un audit sévère des comptes publics, en juin 2017. « La progression rapide des dépenses traduit à la fois des choix opérés en loi de finances initiale et la nécessité de couvrir en cours d’année les risques (…) de sous-budgétisation » relevés à l’époque, rappelle le rapport. Et de réitérer la critique contre les « éléments d’insincérité » qui avaient, selon la Cour des comptes, entaché le dernier budget du mandat Hollande – un terme qui avait fait bondir les anciens locataires de Bercy, Michel Sapin (économie) et Christian Eckert (budget).

Bonne conjoncture mais faiblesses de la gestion

Pour finir, le changement de majorité à partir de l’été 2017 n’a pas empêché la hausse de la dépense des différents ministères d’atteindre pour l’année 10,6 milliards d’euros (+ 4,8 %) hors dette et pensions. Soit son rythme le plus élevé depuis 2007. Et ce, en raison de la hausse des dépenses de personnel mais aussi de fonctionnement, alors que les dépenses d’investissement sont stables – et même en recul par rapport à la loi de finances initiale 2017.

Face à cette envolée des dépenses, le dynamisme de l’économie tricolore a constitué une bouffée d’oxygène bienvenue pour les comptes de l’Etat. « Le produit de tous les grands impôts augmente », indique le rapport, alors que l’année 2017 s’est achevée sur une croissance du PIB de 2,3 %, revue plusieurs fois à la hausse.

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Cette bonne conjoncture a dopé les recettes de la TVA et de l’impôt sur les sociétés (IS). De sorte que, même sans compter la surtaxe d’IS décidée en fin d’année pour compenser l’invalidation de la taxe à 3 % sur les dividendes, la croissance spontanée des recettes fiscales s’est élevée à 5 %, une première depuis 2011.

Mais cette bonne étoile ne doit pas faire oublier les faiblesses de la gestion budgétaire française, d’après la Cour. « Les dépenses fiscales poursuivent leur progression et échappent aux politiques de maîtrise affichées (…), la dette continue à progresser, le risque de remontée des taux d’intérêt [pèse]sur les perspectives de redressement » des comptes publics, s’alarme le rapport. Les taux bas ont permis de compenser la hausse de l’endettement et celle de l’inflation, mais la charge (c’est-à-dire les intérêts) de la dette tricolore « a été pour la première fois très légèrement supérieure à la prévision de la loi de finances initiale ».

Et de rappeler les évaluations de Bercy : un bond de 1 % des taux d’intérêt entraînerait une augmentation de la charge de la dette de 2,1 milliards d’euros la première année, et de 19,1 milliards au bout de dix ans…

Enfin, le rapport souligne un certain nombre de dispositifs qui contreviennent, selon la Cour, aux bons principes de gestion budgétaire, en ce qu’ils ne peuvent être évalués de façon transparente par le Parlement : les programmes d’investissement d’avenir, ou encore le recours à des holdings pour loger des participations de l’Etat dans les entreprises. De même, la Cour juge « nécessaire d’améliorer l’information et la transparence sur les méthodes de prévisions des recettes fiscales ».

Une critique qui trouve écho dans les reproches faits pour l’heure à l’exécutif de n’avoir pas suffisamment détaillé les moyens d’arriver à ses objectifs dans le document budgétaire pluriannuel – programme de stabilité – adressé à Bruxelles fin avril.

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Ce rapport en forme d’avertissement apporte de l’eau au moulin de l’opposition de droite, qui estime trop lâche la gestion budgétaire de l’exécutif. « La croissance ne dispense pas d’efforts sur la dépense »,rappelait au Monde, en février, au moment du rapport annuel de la Cour, son premier président, Didier Migaud. Nul doute que, pour la rue Cambon, la formule demeure plus que jamais d’actualité.

Source:le Monde BENOÎT FLOC'H, AUDREY TONNELIER