Taxe d'habitation suppression en 2020 Deux scenarios
En annonçant la fin de la taxe d'habitation pour 80% des ménages, Emmanuel Macron anticipait-il l'engrenage fiscal qui allait se mettre en route? Un an après son élection , la mise en oeuvre de cette promesse de campagne s'apprête à déclencher un «big bang » dans les finances des collectivités locales, comme le préfigure le rapport du sénateur Alain Richard (LREM) et du préfet Dominique Bur remis ce mercredi à Matignon.
Ces deux fins connaisseurs avaient pour mission de proposer des recommandations pour compenser les pertes recettes des collectivités locales.Mission d'autant plus complexe que le chef de l'Etat a annoncé en décembre la disparition de la taxe d'habitation pour tous les ménages, faute de quoi le projet s'exposait à une censure du Conseil constitutionnel. D'où la nécessité de trouver, non pas 10 milliards, mais 20 milliards de financement pour les communes . Le tout, en excluant de créer un nouvel impôt.
Deux grands scénarios
Le rapport dresse deux grands scénarios. Le premier consiste à transférer au bloc communal (communes et EPCI) la taxe foncière perçue par les départements (14 milliards d'euros estimés en 2020). Cette option a pour avantage de remplacer la taxe d'habitation par un autre impôt local, sur lequel les communes garderont une liberté de taux. Elle nécessite de trouver une compensation pour les départements qui pourraient se voir affecter une fraction d'un impôt national ( CSG ou TVA) à l'image de ce qui a été fait pour les régions.
La deuxième proposition consiste à transférer directement une fraction d'un impôt national au bloc communal, sachant que les élus n'auraient plus de pouvoirs sur les taux. «La mission met en garde contre l'hypothèse d'une « localisation » de telles fractions d'impôt national », souligne le rapport, en réponse aux élus qui le préconisent. Quel que soit le scénario retenu, la réforme des valeurs locatives pour la taxe foncière doit être menée au bout, soulignent ces experts.
Plus inattendu, ce rapport met sur la table la possibilité de transférer à l'Etat les DMTO, ces droits de mutations versés lors de l'acquisition d'un bien immobilier, actuellement perçus par les départements. La mission pointe un décalage entre la dynamique des DMTO, variable d'un département à l'autre, et les dépenses sociales assumées par les départements, principalement le RSA. « Il apparaîtrait préférable de les remplacer dans les recettes des départements par une part d'impôt national », expliquent-ils.
L'Etat renonce à des recettes
Tout ceci ne règle pas la question dumanque à gagner global pour l'Etat . «L'Etat renoncerait à la croissance à venir de près de 10% de ses propres recettes », indique le rapport. La suppression de la taxe d'habitation pour les 20% de ménages qui la paient encore n'est pas inscrite dans la trajectoire budgétaire sur le quinquennat. Le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a laissé entendre qu'elle serait financée par des économies supplémentaires. Mais lesquelles? Jean-René Cazeneuve, député LREM spécialiste des collectivités locales, se veut rassurant : «Nous avons trois ans pour proposer de nouvelles pistes d'économies. »
Pour alléger la facture, un consensus se dessine autour du maintien d'une taxe d'habitation sur les résidences secondaires et les logements vacants. Elle pourrait être transformée en surtaxe foncière, ce qui ramènerait le « trou » dans le budget de l'Etat à 7 milliards. Des débats auront sans doute lieu sur le délai de mise en oeuvre. Dans un communiqué, Matignon s'engage à ce que la taxe d'habitation disparaisse «au plus tard d'ici à 2021 ». Ceci suppose que la réforme pourrait être étalée sur deux années, 2020 et 2021.
Une autre piste à l'étude consisterait à revenir en partie sur l'exonération de taxe foncière dont bénéficient les logements sociaux, du moins pour les opérations futures de construction.
En attendant, les élus locaux se réuniront fin mai dans le cadre de la conférence nationale des territoires pour réagir à ces propositions.