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Covid-19 : à l’université, la crainte d’une contamination massive pendant les examens

Des sessions de substitution doivent être proposées aux étudiants qui ne pourront pas aller à leurs partiels.

 

Peut-on éviter que les examens à l’université se transforment en clusters partout en France ? La question taraude étudiants et enseignants depuis l’annonce, le 29 décembre par la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, du maintien des épreuves en présentiel, malgré la dégradation de la situation sanitaire et le retour du télétravail au moins trois jours par semaine.

 

A quelques heures du début des épreuves, lundi 3 janvier, les déclarations inquiètes se sont succédé, par centaines, sur les réseaux sociaux, ponctuées d’une conclusion des plus anxiogènes : même positifs au SARS-CoV-2, une majorité d’étudiants se rendront à leurs partiels plutôt que d’apparaître comme défaillants.

Les établissements, soumis au respect d’une circulaire publiée dans la foulée des déclarations de la ministre, avisent en fonction de leurs ressources propres et de la configuration de leurs locaux. A l’université Claude-Bernard Lyon-I, 15 000 masques FFP2 sont mis à disposition des étudiants, distribués au début de chaque épreuve. « Nous en recommanderons par la suite », précise le service de communication.


Un exemple isolé, alors que la plupart ne peuvent engager de telles dépenses. A Sciences Po Toulouse, Jérémy Nollet a surveillé une épreuve dans un amphithéâtre rempli à demi-jauge, lundi matin. « J’ai ouvert les portes sur les couloirs où il n’y a pas vraiment de circulation d’air, témoigne le maître de conférences. Y avait-il un purificateur d’air ou un test sur le niveau de CO2 ? Je n’en sais rien. »

 

Pétitions pour un report des épreuves

Un peu partout, les pétitions fleurissent pour demander le report des partiels ou leur bascule à distance. Comme à Aix-Marseille Université, où les cours seront dispensés à distance tout le mois de janvier afin de libérer des salles et de permettre la tenue des épreuves sur table, ce qui suscite l’incompréhension des 2 800 étudiants signataires. « Des contaminations vont avoir lieu durant ces examens. N’oublions pas que nous côtoyons nous aussi des personnes à risque et que nous pourrions mettre leur vie en danger », écrivent-ils.


Saisi en appel par un étudiant du centre de préparation au concours de la haute fonction publique de Paris-I Panthéon-Sorbonne, le Conseil d’Etat a jugé, dimanche 2 janvier, que les étudiants peuvent passer leurs examens en présentiel, car ils appartiennent à une classe d’âge dont le taux de vaccination est supérieur à 90 % et qu’ils pourront composer dans des conditions permettant le respect des règles de distanciation. « Ce chiffre est critiquable puisqu’il ne prend pas en compte la troisième dose, observe Amine Elbahi, le requérant, qui s’interroge : Quid de l’accès aux autotests, conformément à la circulaire gouvernementale ? Quid de l’aération des amphithéâtres dépourvus de fenêtres ? »

 

Session de substitution

Avec l’assouplissement des contraintes annoncé dimanche 2 janvier par le ministre de la santé, Olivier Véran, les cas contacts dont le schéma vaccinal est complet se voient libres de leurs mouvements, a fortiori à la fac, où aucun test négatif n’est exigé avant de pénétrer dans un amphithéâtre – contrairement aux règles qui prévalent pour le reste de la population cas contact (un test négatif puis un autotest à J + 2 et J + 4).

« Nous sommes aujourd’hui dans la même situation que depuis que la vaccination a été mise en place au mois de septembre : les universités ne sont pas soumises au contrôle du passe sanitaire », rappelle François Germinet, président de la commission formation et insertion professionnelle à la Conférence des présidents d’université (CPU). A la tête de Cergy-Université, il n’a pu qu’inciter et non contraindre ses 26 000 étudiants à faire des tests « pour qu’ils puissent venir en toute sécurité pour eux-mêmes et pour les autres ».

Les étudiants n’étant pas en mesure de se présenter à une épreuve du fait d’un dépistage positif au SARS-CoV-2 ou d’une mesure d’isolement en tant que cas contact à risque élevé (personnes non vaccinées ou schéma de vaccination incomplet ou immunodépression grave) doivent se signaler au service administratif de leur faculté et bénéficieront obligatoirement d’une session de substitution, distincte des rattrapages de fin d’année. « Ils seront individuellement contactés à la suite de leur signalement et prévenus au moins quinze jours avant le début des épreuves de substitution », précise l’université Rennes-II, qui précise au Monde avoir recensé 595 cas positifs depuis la rentrée de septembre, dont 420 personnes pour la seule période des vacances de Noël.

 

Situation paradoxale

A l’université de Poitiers, Noëlle Duport promet d’organiser cette session supplémentaire « dans les meilleurs délais, pour profiter que les révisions soient encore chaudes et éviter que cette nouvelle session obère les enseignements du second semestre », explique la vice-présidente chargée de la formation. Néanmoins, il faudra attendre au moins dix jours après le dernier partiel, en l’occurrence le 8 janvier, pour tenir compte de la période d’isolement d’un étudiant qui contracterait le Covid-19 à cette date et dont le schéma vaccinal serait incomplet ou inexistant.

La situation actuelle est paradoxale, poursuit François Germinet, « car l’épidémie est galopante, mais la situation sanitaire reste pourtant bien meilleure qu’il y a un an, avec des étudiants largement vaccinés et des hôpitaux qui ne sont pas sursaturés comme ils l’ont été, une absence de couvre-feu et des bars et restaurants qui restent ouverts ».

En cette première matinée, les absents n’étaient pas nombreux, relatent plusieurs sources universitaires. « On ne peut pas savoir si c’est une bonne ou une mauvaise nouvelle, analyse François Germinet. Soit il y a peu de contaminés parmi les étudiants, soit les contaminés sont venus aux épreuves. » Rendez-vous en fin de semaine, pour voir dans quelle mesure le taux de présence aura ou non baissé à la suite de possibles contaminations.

 

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Il faut « modifier l’organisation des examens de janvier dans les universités » Collectif

Etant donné le niveau actuel de contaminations, beaucoup d’étudiants sont déjà positifs au Covid-19, ou vont l’être dans les jours qui viennent. Ils ne pourront donc pas être présents pour les examens, explique, dans une tribune au « Monde », un collectif d’enseignants à l’université, qui milite pour un report ou un recours au distanciel.

 

Tribune. Depuis plus d’un an maintenant, les universités sont les grandes oubliées de la crise du Covid-19. Lors des annonces gouvernementales de mesures importantes devant la presse, elles ne sont en général même pas évoquées. Il faut attendre un jour, parfois plusieurs, pour qu’un ministre en dise quelque chose au détour d’un entretien, et pour qu’arrivent les consignes du ministère. Les mesures qui leur sont imposées ne sont pas discutées, et souvent mal connues.

 

Elles se trouvent aujourd’hui à quelques jours d’une période qui sera celle des examens, c’est-à-dire de la réunion de centaines d’étudiants dans des amphithéâtres souvent mal aérés, qui parfois n’ont pas de fenêtres et ne peuvent compter, dans la situation actuelle, que sur une ventilation mécanique contrôlée (VMC), qui n’a pas été conçue pour assurer l’aération. A l’heure où le taux d’incidence dans la tranche des 20-29 ans s’approche de 2000, la situation dans laquelle vont se retrouver les enseignants et les étudiants pose question.

Certes, pas dans toutes les universités. Car la disparité des conditions de travail dans les universités fait que certaines d’entre elles, pas les plus nombreuses, disposent de locaux assez spacieux et correctement aérés, l’aération étant même surveillée par des capteurs de CO2 fournis. Dans certaines universités, par ailleurs, les examens ont eu lieu avant les vacances de Noël.

 

Ces bonnes conditions de travail ne sont pourtant pas celles de la majorité des universités, loin s’en faut. Et ce sont en général les plus grandes d’entre elles, celles qui concentrent donc le plus grand nombre d’étudiants, qui vont se retrouver dans quelques jours dans une situation pour le moins problématique.

 

Explosion des contaminations

Peut-on maintenir sans la reporter, ou sans trouver d’autres modes d’organisation, cette période d’examens où les étudiants vont se retrouver dans des salles et des amphithéâtres bien souvent bondés ? Si tel était le cas, examinons les conséquences que cela aurait.

La première d’entre elles, évidente, est l’explosion des contaminations que ces semaines d’examens, début janvier, généreraient immanquablement. Inutile de rappeler que le fait de rester trois heures ou quatre heures en lieu clos et insuffisamment aéré, en très grand nombre, conduit à des contaminations par les aérosols. On peut s’étonner du reste que, si pas moins de six ministères préconisent explicitement d’évacuer les locaux à partir de 1 000 ppm [parties par million, soit le nombre de molécules de polluant par million de molécules d’air], il n’existe pas de consigne équivalente pour les universités.


La jeunesse, en général, des étudiants fait qu’ils ne sont qu’assez peu susceptibles de développer des formes graves, et c’est heureux. Ce n’est pas le cas de tous les enseignants, ni même, selon les filières notamment, de tous les étudiants. Cependant, même s’agissant des étudiants jeunes, il est évident que ces contaminations massives vont ensuite se diffuser auprès des entourages, avec les conséquences que nous connaissons. Veut-on faire des universités des clusters prévisibles ?

Mais les difficultés ne s’arrêtent pas là. La deuxième d’entre elles tient aux conséquences de ces contaminations pour les étudiants eux-mêmes. S’il se rencontre peu de formes graves parmi les jeunes, ils n’en sont pas moins malades, et ils doivent s’isoler lorsqu’ils sont positifs au Covid-19. Laisser se développer les contaminations lors de la période des examens est dès lors la promesse d’un début de semestre chaotique pour nombre d’étudiants.

 

Manque de locaux

Pourtant, et c’est la troisième difficulté au-devant de laquelle nous allons, parler des contaminations à venir ne rend pas compte de l’ensemble du tableau auquel nous avons affaire. Etant donné le niveau actuel de contaminations, beaucoup d’étudiants sont déjà positifs au Covid-19, ou vont l’être dans les jours qui viennent. Ils ne pourront donc pas être présents pour les examens. Le ministère a préconisé d’organiser une autre session dans un délai de deux mois pour les étudiants n’ayant pas pu se rendre à une évaluation pour cause de Covid-19.


L’intention est louable, bien entendu. Mais la chose est totalement irréalisable dans la plupart des universités, qui ne disposent pas de locaux en nombre suffisant pour assurer la reprise des cours et de nouvelles sessions d’examens, sans compter la grande désorganisation que supposeraient ces examens organisés au fil de l’eau. Les étudiants en train de suivre leurs cours de second semestre devant alors brusquement, sans plage de temps pour les révisions, passer des examens sur les programmes du premier.

Des milliers d’étudiants ne pouvant pas être présents pour les examens de janvier seront donc renvoyés de fait en deuxième session, et devront, au mois de juin, passer à la fois leurs examens de deuxième semestre et, dans la foulée, l’intégralité de leurs examens de premier semestre. A moins que – et on imagine bien en quoi ce n’est pas souhaitable – certains soient poussés par la situation à ne pas déclarer un test positif, ou à ne pas se faire tester, pour pouvoir se présenter malgré tout aux examens. Imposer un tel second semestre à des milliers d’étudiants, est-ce cela, être attentifs aux conditions dans lesquelles nous leur permettons de faire leurs études, en cette période difficile ?

Il est évident que modifier l’organisation des examens, avec un report ou un recours au distanciel, poserait, à ce stade, des problèmes d’organisation importants. Pourtant, ne pas le faire, du moins dans les universités où se posent les problèmes que nous venons de souligner, c’est-à-dire la grande majorité d’entre elles, poserait dans les semaines à venir et pour le second semestre des étudiants, des problèmes encore beaucoup plus importants.

 

Liste des signataires : Guillaume Coqui, maître de conférences à l’université de Bourgogne ; Vincent Dubois, professeur à Science Po Strasbourg ; Jean-Louis Fabiani, sociologue, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales retraité ; Olivier Gasquet, professeur à l’université Toulouse-III Paul-Sabatier ; Bertrand Guillarme, professeur à Paris-VIII-Vincennes-Saint-Denis ; Eric Hoppenot, professeur à Sorbonne Université ; Nicolas Hubé,professeur à l’université de Lorraine ; Xavier Hugonet, enseignant à l’université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines ; Valéry Hugotte,maître de conférences à l’université Bordeaux-Montaigne ; Eric Marty,professeur à l’Université de Paris ; Frédérique Matonti, professeure à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne ; Olivier Nay, professeur à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne ; Muriel Rouyer, professeur à l’université de Nantes ; Guillaume Sacriste, maître de conférences à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne ; Isabelle This Saint-Jean,professeure à l’université Sorbonne-Paris-Nord ; Laurent Zimmermann, maître de conférences à l’Université de Paris.