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Macron sort de son silence et dit être « le seul responsable » de l’affaire Benalla

Le président de la République s’est exprimé mardi soir, lors d’une soirée organisée à la Maison de l’Amérique latine, à Paris, pour clore la session parlementaire. Source: LE MONDE | 24.07.2018 à 21h39

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Près d’une semaine après les révélations du Monde, le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, est sorti de son silence, mardi 24 juillet, devant des députés de la majorité présidentielle, pour réagir à l’affaire Benalla, du nom de son collaborateur mis en examen pour des faits de violence. Dans son discours, le président de la République a défendu la position de l’Elysée, dénoncé les contrevérités et « un pouvoir médiatique qui veut devenir un pouvoir judiciaire ».

« Ce qui s’est passé le 1er mai est grave, sérieux. Et ça a été pour moi une déception, une trahison », a dit le président au sujet des images montrant son subordonné violentant deux manifestants. Emmanuel Macron a également dit endosser la responsabilité de cette affaire pour tenter de mettre fin à la crise politique :

« S’ils cherchent un responsable, le seul responsable, c’est moi et moi seul. C’est moi qui ai fait confiance à Alexandre Benalla. C’est moi qui ai confirmé la sanction. Ça n’est pas la république des fusibles, la république de la haine. On ne peut pas être chef par beau temps. S’ils veulent un responsable, il est devant vous. Qu’ils viennent le chercher. Je réponds au peuple français. »

Mais, à travers cette intervention, devant un public de fidèles, sans contradiction possible, M. Macron choisit d’éviter la plupart des questions soulevées depuis le déclenchement de cette affaire, et elles restent très nombreuses, pour comprendre les dysfonctionnements d’institutions aussi importantes que l’Elysée, le ministère de l’intérieur ou la préfecture de police. Il choisit, ensuite, de s’en prendre au travail des médias, qu’il accuse de chercher à se transformer en « pouvoir judiciaire » et de ne plus chercher la vérité — des accusations graves pour un président de la République. Il remet en cause, enfin, le rôle des parlementaires, ou d’une partie d’entre eux, qui souhaitent faire la lumière sur cette affaire grâce à des commissions d’enquête.

Lire aussi :   Affaire Benalla : Emmanuel Macron peut-il se rendre devant la commission d’enquête ?

Le Monde publie les principaux extraits de ce discours important, qui permet de souligner point par point les zones d’ombre, les imprécisions et les nombreuses questions auxquelles il ne répond pas.

«Beaucoup se disaient : “pourquoi le président de la République ne parle pas ?” D'abord, on n'est pas obligé de parler tout le temps. Et j'ai plutôt pris ce pli qui consiste à choisir les moments où je parle et à ne pas me les faire dicter, et je continuerai à procéder de la sorte. Et quand on est président de la République, on ne parle pas quand il y a une garde à vue, la justice qui fait son travail sur un sujet et lorsque les esprits s'embrasent pour être un des participants d'une mêlée à laquelle tout dans notre Constitution conduit à ne pas prendre part.

Et que ceux qui, chaque jour, défendent la République la main sur le cœur, nous expliquent qu'il ne faut pas la toucher pour ceci ou cela, l'oublient rapidement quand il s'agit au fond de leur but ultime dans cette affaire : de salir le président de la République, de bousculer son pouvoir et, avec celui-ci, nos institutions.

Donc oui, je me suis tu dans le temps qui était nécessaire et j'ai aussi souhaité que le travail de toutes et tous soit fait.

Je veux ici vous parler de tout cela. D'abord, on doit toute la vérité. Alexandre Benalla n'a jamais détenu de codes nucléaires. Alexandre Benalla n'a jamais occupé un 300 m2 à l'Alma. Alexandre Benalla n'a jamais gagné 10 000 euros. Alexandre Benalla, lui non plus, n'a jamais été mon amant. Alexandre Benalla, quoique bagagiste d'un jour, n'a jamais eu ces fonctions dans la durée.

Décryptage

Emmanuel Macron évoque ici, sur un pied d'égalité, des contenus parodiques, des informations contestées par l'Elysée, des faits avérés et des rumeurs de caniveau. Ainsi, l'affirmation selon laquelle Alexandre Benalla « avait les codes nucléaires » n'est qu'un canular du site parodique belge Nordpresse.be. Seuls quelques internautes peu attentifs se seront fait piéger, comme le député Les Républicains Eric Pauget, qui a partagé l'article, lundi 23 juillet, sur Twitter, avant de le supprimer.

En revanche, l'hébergement d'Alexandre Benalla dans une dépendance de l'Elysée près du pont de l'Alma est loin d'être une invention. L'Elysée a d'ailleurs confirmé avoir accepté « dans le courant de l'année 2018 » cette demande de logement de M. Benalla, comme l'avait révélé Le Monde. La présidence assure que celui-ci ne l'aurait finalement « jamais occupé », même s'il a déclaré sur des documents administratifs y être domicilié depuis le 9 juillet. La superficie de « 300 m2 » du logement est, quant à elle, une allusion à un article de L'Express évoquant un projet de travaux pour l'agrandir, point contesté par l'Elysée.

Autre information dans le viseur du président : le montant de la rémunération d'Alexandre Benalla, qui approcherait les « 10  000 euros mensuels », selon un article du Parisien. Le Palais l'a démentie, mais s'est refusé jusqu'ici à donner une indication sur le traitement de l'intéressé.

Enfin, Emmanuel Macron souligne bien une réalité lorsqu'il évoque des rumeurs sur sa vie privée. Un prétendu « article du Monde » qui mentionnait une « relation amoureuse » entre MM. Macron et Benalla a ainsi circulé ces derniers jours sur les réseaux sociaux. En réalité, c'était un faux, fabriqué de toutes pièces.

Ces choses qu'on a entendues ces derniers jours, les mêmes d'ailleurs vous disant « tout et n'importe quoi », sans que cela les fasse rougir ou s'interroger sur eux-mêmes, qu'ils soient parfois parlementaires, qu'ils soient commentateurs, ou journalistes. Les mêmes ont dit des fadaises.

Alors, de quoi s'agit-il ? Alexandre Benalla, c'est quelqu'un qui nous a accompagnés pendant la campagne, avec beaucoup de courage et d'engagement. Et c'est quelqu'un qui a permis, à un moment où, sortant de nulle part, n'étant protégé et aidé, ce qui est sans doute normal, ni par l'Etat, ni par les services publics, il était légitime d'avoir des gens qui organisent des déplacements, des réunions publiques. Il a été engagé par le mouvement et il m'a accompagné avec beaucoup d'engagement. Et, quoi qu'il advienne, quoi qu'il se passe dans cette affaire, je n'ai pas à oublier cet engagement ou à ne pas me souvenir de ce qu'il a fait et de ce qu'il a été.

Il l'a fait avec son talent, son engagement et, la campagne terminée, il s'est agit de constituer des équipes à l'Elysée. Et ces équipes, elles ont été constituées de gens qui connaissent l'Etat, le servent, depuis parfois très longtemps, comme le préfet Strzoda, que vous avez, pour certains, vu cet après-midi, et de gens qui étaient engagés à mes côtés depuis longtemps dans la campagne, comme ça a d'ailleurs toujours été le cas et comme il est bon que ce soit le cas. Et il est bon dans un cabinet, qu'il soit ministériel, primo-ministériel ou présidentiel, d'arriver à cet amalgame des personnalités où des expériences différentes se conjuguent, où des regards différents se croisent.

Et c'est comme ça qu'il a été embauché, de manière totalement conforme au droit, avec les enquêtes menées par les services de l'Etat qui devaient l'être, dans un cadre qu'a rappelé le préfet Strzoda, et sous une hiérarchie où il était encadré. Et il a beaucoup fait durant l'année qui vient de s'écouler, dans ce cadre-là. Il a aussi gagné la confiance de certains de ses interlocuteurs en dehors de l'Elysée avec lesquels il travaillait au quotidien.

Et ce qui s'est passé le 1er mai, dans une fonction qui n'est pas celle qu'il occupait à l'Elysée, mais dans le cadre d'une activité que peut-être beaucoup d'entre vous ont pu faire, celle d'observateur dans le cadre d'une manifestation ou d'intervention de force de police.

Ce qui s'est passé le 1er mai est grave, sérieux, et a été pour moi une déception, une trahison. Oui, mais cela, simplement cela, ce qui s'est passé, c'est que ce collaborateur, parce qu'il avait la confiance d'autres gens — et c'est à l'enquête de le montrer — s'est rendu sur ce lieu de manifestation et de manière évidente, il est sorti du cadre d'observateur pour devenir acteur.

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Emmanuel Macron est averti des faits durant son voyage en Australie, les 2 et 3 mai. Ce jour-là, il n’évoque nullement une « trahison » et dit, selon M. Strzoda : « Si les faits sont avérés, il faut prendre une sanction. »

Je ne veux pas en dire plus sur cette affaire, parce que c'est la justice qui dira, parce que l'IGPN [inspection générale de la police nationale] a été saisie par le ministre. Mais ce que je sais, c'est que le lendemain, dès qu'ils l'ont su, mes collaborateurs à l'Elysée ont pris une sanction.

[…]

Cette sanction, elle a été prise, et il m'en a été rendu compte, et elle a été jugée alors proportionnée, parce qu'il y avait un contexte et des circonstances que l'enquête de l'IGPN comme la justice éclaireront. Mais, à aucun moment, à aucun moment, ceux qui dirigent mon cabinet, et au premier chef mon directeur de cabinet, n'ont caché cette affaire. A aucun moment, ils n'ont considéré que ce collaborateur, quand bien même ce n'était pas dans le cadre de ses fonctions à l'Elysée, n'avait pas fait quelque chose de grave. Ils l'ont sanctionné ensuite. A aucun moment, ils n'ont exercé quelque pression pour que cette affaire soit dissimulée à l'extérieur ou ne donne pas lieu à tout ce qu'il devait être donné, à aucun moment.

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Emmanuel Macron insiste sur le fait qu’à l’Elysée personne n’a considéré que M. Benalla n’avait pas fait quelque chose de grave. Pour autant, personne n’a eu non plus recours à l’article  40 du code de procédure pénale, selon lequel « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République ».

Le directeur de cabinet du président de la République, Patrick Strzoda, qui a prononcé la sanction disciplinaire à l’encontre de M. Benalla, a estimé, mardi 24 juillet, devant les députés qu’à l’époque il n’avait pas assez d’éléments pour le faire. La veille, le ministre de l’intérieur comme le préfet de police avaient jugé que ce n’était pas à eux de le faire.

Et donc, sur ce sujet, je considère que mes équipes à l'Elysée ont fait ce qu'elles devaient faire. On peut en opportunité dire : “Moi, si j'avais été à leur place, avec le résultat des courses et l'émotion du moment, j'aurais fait différent, ceci ou cela”, et la justice ou d'autres pourront peut-être dire il y a eu des erreurs, si on n'a pas été conformes au code de procédure pénale ou autre, il ne m'appartient pas de le juger. Moi, j'ai considéré que c'était proportionné à ce moment-là, je l'assume. Dans notre République, depuis un an, il n'y a eu qui que ce soit protégé ou soustrait aux règles, au droit de la République, car c'est ce que nos concitoyens attendent de nous. Et s'ils cherchent un responsable, dites-leur, dites-leur chaque jour : vous l'avez devant vous. Le seul responsable de cette affaire, c'est moi, et moi seul !

Je vais vous dire pourquoi : parce que celui qui a fait confiance à Alexandre Benalla, c'est moi, le président de la République ; celui qui a été au courant et qui a validé l'ordre, la sanction de mes subordonnés, c'est moi et personne. Et les valeurs qui nous ont fait, ce qui nous a conduit là, ça n'est pas la République des fusibles, ça n'est pas la République de la haine, celle où on fait trinquer un fonctionnaire ici, un collaborateur là. On peut pas être chef par beau temps, et vouloir s'y soustraire lorsque le temps est difficile. S'ils veulent un responsable, il est devant vous, qu'ils viennent le chercher ! Et ce responsable, il répond au peuple français, et au peuple souverain, et à personne d'autre.

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En même temps qu’il faisait une forme de mea culpa, en laissant entendre qu’il était le seul responsable du recrutement d’Alexandre Benalla, à qui il avait donné toute sa confiance, Emmanuel Macron a lancé, bravache : « S’ils veulent un responsable, il est devant vous, qu’ils viennent le chercher. » Le président n’a pas précisé s’il parlait des journalistes, des parlementaires de la commission d’enquête, de l’opposition ou simplement des Français.

Une chose est sûre, le chef de l’Etat est protégé par la Constitution. Si plusieurs figures politiques réclament son audition par la commission d’enquête, cette requête a été jugée irrecevable par le président de l’Assemblée nationale. « Le président de la République n’est pas responsable devant le Parlement (...) , il est responsable devant les Français », a fait valoir François de Rugy.

Cette question divise les constitutionnalistes. Pour Denys de Béchillon, professeur de droit public à l’université de Pau, « les commissions d’enquête sont là pour contrôler le gouvernement, pas le président de la République ». « L’essence même de la Ve République est la séparation des pouvoirs et la protection de la fonction du président de la République : par l’immunité pénale et par son absence de responsabilité politique », résume-t-il.

« L’intention d’Emmanuel Macron était sans doute de montrer qu’il restait ferme face à la contradiction, analyse Chloé Morin, de l’IFOP. Mais, au final, compte tenu de l’ambiguïté de cette phrase, qui plus est prononcée devant ses partisans et non face à ses contradicteurs, cela sonne comme une provocation. »

[…]

La République, elle tient quand chacun assume ses responsabilités. J'assume les miennes de là où je suis. Avec la vérité des faits, celle que je viens de rappeler. Mes collaborateurs l'assument. Vous avez vu le prefet aujourd'hui avec une immense dignité, parfois traité d'une manière que je ne qualifierai pas. Le premier ministre assume ses responsabilités, les ministres les assument, et c'est important pour toute la République. Quelle République serions-nous si, au premier coup de vent, celui qui la préside disait “ce n'est pas moi, c'est ce collaborateur, sortons-le”. Si, au premier coup de vent, il disait “je n'étais pas au courant, c'est ce troisième bureau, je ne l'ai pas vu”. Ce qu'attendent de nous nos concitoyens, c'est que chacun prenne les responsabilités. Ce qu'attendent de nous nos fonctionnaires, c'est que chacun soit là où il doit être. Nous avons une Constitution, elle fixe les responsabilités. Il s'agit simplement d'être au rendez-vous de ces responsabilités. Et c'est ce que nous allons continuer à faire.

Maintenant, je me dois dans ce contexte de vous dire que ce qui m'inquiète sur ce sujet, c'est le spectacle auquel nous assistons depuis quelques jours. Ce que je vous dois tout en prenant mes responsabilités, en vous redonnant les faits et le fait que j'assume, ce qui a été fait par mes collaborateurs, et je condamne la gravité des actes commis par Alexandre Benalla en considérant aussi que ça ne lui enlève pas le reste, ça ne lui enlève pas la dignité.

Ce que je regarde depuis quatre jours, c'est un spectacle où la tentation pour presque tous les pouvoirs est de sortir de son lit. Nous avons une presse qui ne cherche plus la vérité. Elle disait ce matin, “regardez, un directeur de la préfecture de police a dit que c'était faux”, il dément quelques heures plus tard, on l'entend à peine ; on dit “regardez les images tournent en boucle” d'une scène inadmissible, et que je condamne, on ne voit jamais la scène d'avant ou la scène d'après, quel est le contexte, que s'est-il passé ? S'agissait-il d'individus qui buvaient gentiment un café en terrasse ? Que s'est il passé juste ensuite ? J'ai cru comprendre qu'il y avait des images, où sont-elles ? Sont-elles montrées avec la même volonté de rechercher la vérité et d'apporter de manière équilibrée les faits ? Non.

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Le président de la République fait mine de s’interroger sur le comportement des deux manifestants avant l’intervention musclée d’Alexandre Benalla. Il suggère à demi-mot que la scène a été présentée de façon biaisée par les médias, et s’aligne ainsi sur la défense de son collaborateur, qui assure avoir voulu « prêter main-forte » aux policiers face à « deux individus particulièrement virulents ».

Pourtant, de nombreuses images d'amateurs montrant la scène sous d’autres angles ont émergé depuis la révélation de l’affaire par Le Monde. Elles permettent de reconstituer plus précisément le déroulement des événements. On y voit notamment les deux jeunes manifestants jetant une carafe d’eau sur des CRS. Dans la foulée, Vincent Crase les pointe du doigt à deux reprises, jusqu’à ce que M. Benalla et lui interviennent violemment, sans que les policiers réagissent — y compris le major Mizerski, chargé de superviser M. Benalla.

Par ailleurs, des images issues de la vidéosurveillance, aujourd’hui entre les mains de l’inspection générale de la police nationale, devraient apporter un éclairage complémentaire sur la scène.

Je vois un pouvoir médiatique qui veut devenir un pouvoir judiciaire, qui a décidé qu'il n'y avait plus de présomption d'innocence dans la République et qu'il fallait fouler aux pieds un homme et avec lui toute la République.

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La presse ne s’est pas substituée à la justice qui, de son côté, a fait son travail en ouvrant une enquête au vu des informations du Monde.

  • Mercredi 18 juillet : révélation du « Monde »

    Le Monde révèle qu’un homme équipé d’un casque des forces de l’ordre, filmé le 1er mai en train de s’en prendre à un jeune homme, place de la Contrescarpe à Paris, travaille au cabinet de la présidence de la République.

  • Jeudi 19 : ouverture d’une enquête préliminaire

    Le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour violences par personne chargée d’une mission de service public, usurpation de fonction et usurpation de signes réservés à l’autorité publique.

  • Vendredi 20 : placements en garde à vue

    Alexandre Benalla est placé en garde à vue. Trois cadres de la préfecture de police soupçonnés de lui avoir transmis, au soir de la parution de l’article du Monde, les images de vidéosurveillance du 1er  mai, place de la Contrescarpe, sont suspendus.

    Vincent Crase, salarié de La République en marche, qui était avec Alexandre Benalla le 1er mai, est placé en garde à vue.

  • Dimanche 22 : ouverture d’une information judiciaire et mises en examen

    Le parquet de Paris annonce l’ouverture d’une information judiciaire. Alexandre Benalla, Vincent Crase et les trois policiers sont mis en examen.

Je vois un pouvoir judiciaire qui va continuer à faire son travail, et c'est essentiel. Et c'est ce à quoi je suis attaché de là où je suis. Avec force, conviction, mais dont je constate que nous avons un problème quant au fonctionnement quotidien. Pas une audition, pas une recherche ne sort à la seconde même dans la presse. Comment conjuguer la présomption d'innocence avec un tel fonctionnement ? Il nous faudra aussi répondre à ce sujet.

Et je vois certains qui voudraient faire sortir le pouvoir législatif de son lit. Considérant qu'il appartient au Parlement de se substituer à la justice et de devenir un tribunal populaire. D'oublier la séparation des pouvoirs et de considérer qu'il est de son ressort de contrôler chaque décision de l'Elysée. Les mêmes parfois qui vous disent que la Ve République est un totem. Qu'il ne faudrait pas même réformer, pas même réformer.

Et nous assistons à la coalition baroque qui ne trompe personne dans notre pays de ceux qui prétendent provenir du gaullisme et qui en ont oublié tous les principes et la dignité. Et des extrêmes qui, eux, sont cohérents dans leur recherche : ils n'aiment pas l'Etat et il veulent basculer la République.

Et donc, dans ce contexte, chacun doit garder son calme. Et chaque pouvoir doit être au cœur de son exercice. Je veux que la justice fasse calmement son travail, et jusqu'au bout. Elle devra mettre en lumière les faits, tous les faits, et définir les responsabilités, toutes les conséquences en seront tirées.

Il appartient aux médias de faire leur travail, calmement, dans la pluralité des opinions et avec un rapport au réel et à la vérité qui doit chaque jour être questionné par nos propres consciences.

Il appartient au gouvernement de faire la lumière sur ce qui relève de lui. C'est à cet égard qu'une enquête de l'IGPN a été demandée sur les faits du 1er mai. Mais j'aurai aussi à demander en complément au premier ministre et à plusieurs ministres des éclairages sur d'autres faits ou des réformes qui, au vu de ce que nous sommes en train de vivre, s'imposent.

Et c'est aussi pour cela que l'Elysée fera son travail et que j'ai demandé au secrétaire général, conformément à notre Constitution, de me faire des propositions pour que des améliorations organisationnelles, qu'au demeurant nous avions déjà identifiées et sur lesquelles certains avaient commencé à travailler, puissent être prises.

Sur ce sujet, je ne donnerai pas des têtes parce que je ne fonctionne pas comme ça. Quand, après une analyse rigoureuse, des responsabilités sont définies, elles doivent s'exercer, se faire jouer. Je l'ai montré par le passé. Lorsque nous en sommes encore à l'élucidation de la vérité, on ne sacrifie pas des fonctionnaires, des collaborateurs, ou des ministres, sur l'autel de l'émotion populaire, de la démocratie d'opinion instantanée. […]»

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Le chef de l’Etat a retenu la leçon. Les hauts fonctionnaires avaient en effet très mal vécu le limogeage du préfet du Rhône Henri-Michel Comet, dix jours après l’attaque meurtrière à la gare Saint-Charles, à Marseille, le 1er octobre 2017. Le Tunisien qui a assassiné deux jeunes femmes au couteau avait été arrêté deux jours plus tôt à Lyon, pour vol à l’étalage, puis relâché, faute de place en centre de rétention.

Le président sait aussi que l’épisode qui a mené à la démission du chef d’état-major des armées, le 19 juillet  2017, avait ému le monde militaire, même si, en l’occurrence, M. Macron n’a jamais regretté cette décision. Par cet acte, Emmanuel Macron voulait montrer qu’il ne laisserait personne contester son autorité, alors que le général Pierre de Villiers avait publiquement critiqué les choix budgétaires du gouvernement.

 

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