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Le Var ne doit pas être une réserve de retraités riches

Le titre de Var Matin est un raccourci du propos final de Philippe Portal!

Est-Var - Dracénie Philippe Portal, sous-préfet de Draguignan, a dû annuler ses vacances envisagées en ce mois de septembre. Muté à l'orée de la rentrée scolaire, il exercera désormais ses fonctions en Isère. Avant de quitter le département, il porte un regard acéré sur la situation de l'arrondissement dont il avait la charge.

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On est toujours partagé entre l'impression de ne pas en avoir fait assez et, quand même, la satisfaction d'en avoir fait un peu.. Le sous-préfet de Draguignan Philippe Portal quitte le Var. Après trois ans de services, il rejoint l'Isère dès cette semaine. Il balaie avec nous l'essentiel de son action durant cette période. Avec acuité et lucidité.


Quel est votre sentiment au moment de faire vos bagages?

Je pars d'ici avec le regret d'un territoire fascinant par la beauté du paysage et la douceur du climat. Mais aussi par son caractère atypique et sa personnalité forte. L'Est Var n'est pas seulement un espace de vacances, c'est aussi un lieu avec des gens qui ont des projets et font avancer les choses. C'est extraordinaire de voir ce mélange entre le cadre idyllique  et les préoccupations sur le plan du quotidien qui sont complexes.


Quel bilan tirez-vous de votre action ces trois dernières années?


Le point le plus important ici pour moi a été ta protection de nos concitoyens, les biens et les personnes. Contre les inondations principalement. Le problème du Var, c'est quand le ciel n'est pas bleu, les vies sont en danger. 26 morts en 2010. 20 à Cannes en 2015 même si ce n'est pas dans le Var. La préoccupation majeure,  c'est le financement des mesures de préventions.

D'où la mise en place d'un Plan d'action et de prévention des inondations (Papi)... La sortie du Papi dans un délai aussi rapide, c'est une réussite. Je suis arrivé en 2015, on l'a signé en 2016, avec la mobilisation d'une somme très importante. C'est ma grande satisfaction.

Permettre au préfet du Var Jean Louis Videlaine, quand il est arrivé en 2016, de signer ce Papi de 96 millions d'euros de crédits dont 40%
apportés par l'État (39 millions d'euros).

Savoir que nous allons conduire des travaux importants sur toute la vallée de l'Argens, dont deux projets importants au Malmont à Draguignan et à la ZAC de la Palud à Fréjus.


A Draguignan, on attend ce Papi depuis les inondations de 2010... Il a fallu pas mal d'années pour organiser les collectivités locales, et pour mettre au point le plan. On se rend compte que pour certains détails, il y a encore des débats d'expert, mais c'est normal vu l'importance des enjeux.


Mais au final, nous faisons là une ouvre utile pour les habitants et pour le territoire dans son ensemble. Cette réussite, c'est un travail d'équipe. Coup de chapeau aux services de l'État à Toulon et à Marseille, mais aussi aux élus qui ont réussi à créer un syndicat mixte de 74 communes, porteur du projet depuis 2014.


Y a-t-il eu des difficultés compte tenu de ce nombre important d'acteurs concernés?

Nonobstant les divergences d'appréciation politique entre les uns et les autres, les élus et les services de l'État ont fait front commun pour bâtir ce Papi.

Reste qu'on continue à voir des permis de construire retoqués par la préfecture...

Nous avons peu de divergences avec les maires en ce qui concerne les restrictions de droits de construire. Ils comprennent que nous sommes attentifs et vigilants. Les visions ne sont pas opposées, même s'il y a parfois des différences d'appréciation.


Un mot sur les pompiers, eux aussi concernés par ce travail?

 

La coopération avec les sapeurs-pompiers, avec les militaires, est remarquable. Ils cultivent le souvenir des inondations de 2010 et qui d'autres qu'eux ont cette culture opérationnelle face à ce risque majeur ? D'où une très belle coopération entre le Sdis et la sous préfecture.


Notamment sur le risque incendie?


Des pompiers risquent leur vie dans les feux de foret. L'État reste attentif et mène une politique de prévention et de restriction sur la zone forestière sur laquelle nous sommes vigilants. J'ai gardé un souvenir très fort des feux de 2017 au cours desquels j'ai passé trois journées sans dormir auprès du Sdis, au centre opérationnel de Ramatuelle et de La Croix-Valmer.


Quelles difficultés avez-vous rencontré sur cet aspect?


Les forets en bord de mer sont des sites touristiques magnifiques. Nous sommes amenés à être souvent restrictifs, chacun comprendra que l'enjeu est tel que nous ne le sommes pas pour le plaisir.


Autre question sécuritaire: le risque terroriste...


Nous avons vécu deux années d'état d'urgence. Nous sommes attentifs à ce risque. Nous avons bénéficié de l'aide des militaires. Ce n'était pas simple au début avec beaucoup de contraintes imposées aux maires et aux organisateurs de spectacles. Ce n'est pas simple, il y a des surcoûts. Mais c'était le prix à payer pour éviter l'annulation des événements.


D'autres sujets de satisfaction?


Outre les avancées menées avec la ruralité, et les contrats signés avec la Communauté d'agglomération dracénoise (Cad) et avec la Communauté de communes du Pays de Fayence (CCPF), je souhaite mettre en avant la politique menée sur le centre ancien de Draguignan. Ce n'est pas qu'une politique répressive, c'est aussi une politique d'accompagnement du renouveau commercial et de logement. A ce sujet, un plan d'action pour la revitalisation du commerce avec des expropriations du commerce vacant va être signé prochainement. L'État soutient la Cad et la Ville en ce sens, et des dispositifs sont obtenus comme Coeur de ville. Il y a une réalité financière derrière.


L'argent ainsi obtenu est-il bien utilisé selon vous?


Il suffit de se promener sur le boulevard Clemenceau pour constater le changement. Et pas seulement minéral, on voit aussi des commerces, des terrasses, des marchés... Un développement urbain ne se limite pas à de l'investissement, il est inséparable d'une promotion commerciale et d'initiatives. Les choses avancent positivement.


En ce qui concerne les difficultés, quelle est la principale que vous ayez rencontrée?


On a un sujet préoccupant: le logement. Social et proactif. Nous avons beaucoup de mal sur le littoral. Le prix du foncier, les contraintes d'urbanisme, celles liées à la prévention des risques... Tout ça limite tes possibilités de constructibilité des terrains. Or on a besoin de loger. Il est important, si on ne veut pas que les salariés soient coincés dans des embouteillages perpétuels, de les rapprocher de leur lieu de travail.


Là encore, les maires sont parfois hostiles aux législations, comme celle qui concerne les logements sociaux...


Je comprends que certains maires trouvent que l'État est rigide sur le besoin stratégique de logement sur te littoral. Mais il faut voir que cela correspond à une réalité. Perdre deux heures sur la route pour aller au travail c'est une problématique qu'il faut écouter. On peut aussi se demander si les touristes ne vont pas en avoir eux aussi assez des embouteillages. Le logement, c'est un dossier sur lequel nous avons fait beaucoup, mais nous n'avons pas eu assez de résultats. Il faudrait continuer inlassablement. C'est lent et difficile. Mais malgré tout, il faut rester insatisfait.


Autre chose?


L'usine de torpilles à Gassin. La société Naval group veut devenir locataire de l'usine. L'État doit maintenir le dialogue entre l'entreprise, la communauté de communes et la commune. Il y a plus de 200 emplois en jeu, des emplois pérennes, à l'année. C'est un enjeu majeur sur cette presqu'île trop marqué par la saisonnalité.


Qu'avez-vous pensé de vos interlocuteurs, les maires?


Les maires aiment leurs communes et les connaissent. Ils ont des visions du développement local qui sont les leurs, et qu'on n'est pas obligé de partager, mais on ne peut pas nier qu'ils ont une vision. Et c'est agréable de parler avec des personnes qui connaissent leurs dossiers.


Quels sont les dossiers "chauds" que vous laissez à votre successeur?


Les dossiers en cours, c'est avant tout la plage de Pampelonne (classé espace naturel remarquable, l'exploitation commerciale de la plage est au coeur de batailles judiciaires ndlr) je salue le maire de Ramatuelle qui est resté constant malgré la complexité de l'affaire, sur le plan environnemental, juridique, avec beaucoup de susceptibilités locales. Nous pouvons nous réjouir de la qualité du dialogue entre la commune et l'État. Et sur le dossier, je vois le verre à moitié plein: on est passé à deux doigts de la fermeture définitive de la plage à toute activité commerciale.


Finalement, une partie de la plage sera ouverte à certains exploitants ?


La réussite, c'est d'avoir bâti un aménagement maîtrisé de la plage qui respecte les préoccupations environnementales de la plage, qui sanctuarise certains secteurs et maintient une vingtaine d'exploitations commerciales: c'est un point d'équilibre difficile à mettre en oeuvre. Nous n'y serions pas parvenus sans des interlocuteurs très investis, dont le maire à qui je tire mon chapeau. Nous avons pu sauver une exploitation commerciale raisonnée mais ça reste un dossier à suivre notamment pour les nouveaux exploitants choisis et les contraintes auxquelles ils sont soumis sur les 20% de la plage.

Finalement, comment évaluez-vous le territoire dont vous aviez la charge?


Même si nous avons du chômage, de la pauvreté, de la misère, nous avons ici un territoire porteur du point de vue économique avec un flux constant d'investissements et de nouveaux habitants... C'est très positif. Cela présente des inconvénients, mais fondamentalement, l'économie avance. L'évolution des modes de vie avec les retraités qui s'installent au soleil, ça profite au Var. Mais cela pose la question de l'équilibre. Ici, la question industrielle se pose peu, mais celle du tourisme si. Il faut trouver un équilibre entre ces arrivants, et les préoccupations de sécurité et celles qui font des Varois les victimes de ces arrivées de plus fortunés qu'eux. Il ne faudrait pas que le Var devienne une réserve de riches personnes âgées. C'est le défi à relever.


En conclusion, un mot sur votre destination?


L'Isère: après la mer, la montagne. Après le tourisme, l'industrie et la haute technologie!