FREXIT: LA FRANCE DOIT-ELLE QUITTER L'UNION EUROPÉENNE?
Source le site POLEMIK sur la revue Capital
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Dutchy
L'Union Européenne est au cœur des débats de l'élection présidentielle française. Selon un sondage TNS Sofres OnePoint pour Le Figaro, 45 % des personnes interrogées choisissent le maintien au sein de l'Union européenne et 33 % optent pour la sortie. Seuls 28% souhaitent un retour au franc. La sortie de l'Union Européenne aurait des conséquences économiques et sociétales radicales. Alors faut-il sortir de l'euro et de l'UE, ou peut-être imaginer une union européenne à plusieurs vitesses ? A vous de juger!
Les arguments pour
- Une régulation des flux migratoires
- Des alternatives à la sortie de l'UE existent
- Maintenir les normes Françaises environnementales plus strictes
- Retrouver un pouvoir décisionnel
Sortir de l'UE permettrait de réguler les flux migratoires
Le ministère de l'Intérieur annonce une hausse de 6,5% des demandeurs d'asile en 2016. Ils étaient 80.075 en 2015, ils sont aujourd'hui 85 244. Les ressortissants qui déposent le plus de demandes sont d'origine Albanaise, pays pourtant classé comme sûr par le ministère. Mais en réalité, la situation dépasse les autorités qui se retrouvent face à une immigration clandestine de masse. L'immigration illégale a, ces derniers mois, fait la Une de toute l'actualité. L'Italie fait face à des vagues ininterrompues de migrants, indique RFI. Ewa Moncure, porte-parole de l'agence Frontex assure au Figaro qu'il y a une énorme progression en 2015 , plus de 180%. Selon elle, 274.000 illégaux sont entrés en France en un an.
«Nous avons déjà renforcé les contrôles et notre travail en commun, ce qui explique aussi la hausse du nombre de personnes arrêtées» annonce le ministre de l'Intérieur Allemand Thomas de Maizière comme le rappelle Le Temps. Après la fermeture de la route des Balkans, la part des migrants passant par la Méditerranée a grimpé de plus de 70% en un an annonce encore le ministre Allemand. La route des Balkans a été fermée en 2015. Cette année-là, plus d'un million de personnes a emprunté cette voie souligne Courrier International.
La fermeture des frontières a eu pour conséquence " 36 000 personnes bloquées en Grèce". Boïko Borissov, premier ministre bulgare de la défense ajoute : "Ces réfugiés me brisent le cœur, mais malheureusement ils doivent retourner en Turquie et, de là, faire leur demande d’asile dans l’UE, comme cela a été décidé à Bruxelles”. En 2015, les migrants étaient de plus en plus nombreux à préférer affronter les contrôles de police européenne, plutôt que d'emprunter des bateaux de fortune, comme le souligne France 24. D'ailleurs, "124 000 migrants ont ainsi choisi de transiter par la Grèce depuis le mois de janvier, contre 98 000 par l’Italie".
"Le contrôle des frontières est la base de l'État de droit" . Selon Hadrien Desuin, journaliste chez Causeur et expert en géo-stratégie, sécurité et défense dans Le Figaro, réguler le flux des immigrés aux frontières est le seul moyen de différencier ceux qui "méritent d'être recueillis de ceux qui profitent de l'aubaine socio-économique et qui arrivent avec armes et bagages". Sa position est engagée et pour lui, la Commission européenne et la politique menée par Jean-Claude Junker et de Cécilia Malmström ne peuvent pas régler le problème de l'afflux de migrants vers les pays de l'Union Européenne (UE).
Des alternatives à la sortie de l'UE existent
"Il apparaît plus difficile d’avancer ensemble à 28 que dans l’Europe des Six" lit-on sur le site Vie publique, qui informe sur les grands sujets de la vie politique. Une Europe "à géométrie variable" permettrait aux États membres qui le souhaitent, d'avancer sur leur politique, en adaptant certaines des lois de la Commission européenne. D'un autre côté, les pays qui préfèrent rester dans le cadre établi lors du traité de Maastricht, pourront le faire sans ralentir les premiers. Cette possibilité a en réalité déjà été appliquée plusieurs fois, depuis la création du système monétaire européen (SME) créé en 1979. Tous les pays n'ont pas adhéré au SME, dont le but est de limiter les variations de la monnaie en Europe. Autre exemple, la monnaie unique et l'espace Schengen auxquels plusieurs pays ne participent pas, 19 sur 27 d'entre eux se servent de l'euro. [voir la carte]. L'espace Schengen est l'espace de circulation libre des personnes, établi par les accords du même nom. 26 pays en font partie, qu'ils soient ou non des États membres.
Alexandra Edip Pays membres de l'UE adhérents à l'espace Schengen et à l'euro"La monnaie est un moyen pas une fin en soi". La crise de l'Europe serait liée à la monnaie unique, selon le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz dans son essai L'euro, comment la monnaie unique menace l'avenir de l'Europe?. L'Euro a été créé pour "fonder une Europe plus prospère et une plus grande solidarité politique" estime ce professeur de Colombia dans une interview aux Echos. 19 pays très différents se servent d'une même monnaie unique. Pour pallier cette crise, il faudrait laisser les différents pays agir de façon individualisée. Joseph Stiglitz suppose qu'il faudrait créer un système plus flexible ; les institutions actuelles ne permettent pas à l'euro de fonctionner. Pour le Nobel, les critères de convergences -stabilité des prix, taux d'intérêt, déficits publics, dette publique, taux de change- n'ont pas été respectés en Europe. Ces critères visaient pourtant à combler le déséquilibre entre pays riches et pays pauvres. "Vous devez peut-être abandonner l'euro pour sauver le projet européen" conclut l'économiste.
Maintenir les normes environnementales françaises, plus strictes
Les normes françaises environnementales et d'hygiène alimentaire sont les plus strictes d'Europe. Un rapport établi par l'Inspection générale des finances sur la santé environnementale a été commandé par Emmanuel Macron lorsqu'il était encore ministre de l'Economie. Une adaptation des normes européennes aux normes françaises est nécessaire selon cette étude, surtout concernant les pesticides. "Un produit peut être autorisé en Espagne et interdit en France". Ce même produit peut par la suite être vendu en France "sans contraintes ni indications spécifiques".
Depuis 2004, une nouvelle réglementation européenne est mise en place concernant l'agriculture biologique. En unifiant la législation des différents pays de l'UE, cette nouvelle réglementation autorise la contamination des produits bio par des OGM à hauteur de 0,9%. Pour Anne-Laure Gaffuri, déléguée de l'association Bio consom'acteurs interviewé par L'Express, cette réglementation "autorise des comportements que l'on ne peut accepter". La même exploitation agricole peut faire pousser côte à côte des produits bios et des produits génétiquement modifiés. Anne-Laure Gaffuri rappelle que le risque de contamination est alors bien plus élevé.
Retrouver un pouvoir décisionnel
"Take back control" (reprendre le contrôle) est devenu le slogan des pro-Leave, ces partisans qui prônaient la sortie du Royaume-Uni de l'UE. Les Anglais ont toujours accordé une grande importance à leur souveraineté nationale. "Les Britanniques ont toujours été à l'aise avec une UE définie comme un vaste marché, mais beaucoup moins avec celle d'une union politique" écrivent Thierry Chopin et Christian Lequesne, enseignants chercheurs à Science Po et spécialistes de l'Europe.
Les eurosceptiques britanniques considèrent que le droit national est incompatible avec la souveraineté du droit européen. "Ils estiment que l'évolution de l'UE ces deux dernières décennies a provoqué un accroissement inacceptable des transferts de compétence de Londres vers Bruxelles", rapportent les deux chercheurs. Le Royaume-Uni a toujours prospéré grâce à un commerce ouvert sur le monde. La sortie de l'UE lui permettra de signer des accords commerciaux avec les Etats-Unis, les pays du Commonwealth, ou les économie émergentes, lit-on encore dans l'étude.
La politique d'austérité imposée par l'Allemagne a eu de lourdes conséquences sur la vie économique et sociale des Etats membres de l'UE. Pour Eric Le Boucher, chroniqueur économiste pour Slate, la clef du modèle européen est l'insertion dans la mondialisation. "Chaque économie doit trouver sa place dans ce grand ensemble mouvant, de concurrence très renforcée". En France, la crise a été provoquée par l'endettement public et l'augmentation des charges. Pendant 30 ans, c'est ce modèle social qui a prévalu. "Tout est déficitaire. L’Etat est déficitaire, la sécu est déficitaire. Dans un pays responsable, quand les rentrées fiscales baissent, il y a lieu de baisser ses dépenses, sinon on les finance par endettement" affirme Eric Le Boucher. Pour lui, depuis 10 ans, l'euro a permis de maquiller les problème de compétitivité de la France. Il rappelle les propos d'Angela Merkel : il faudrait des taux de remboursement plus élevés. Mais comme la zone euro est en crise, la BCE a encore baissé ses taux directeurs ( taux d'intérêts fixés au jour le jour).
Les arguments contre
- Risque de choc économique : dévaluation de la monnaie, augmentation de la dette, fuite des capitaux
- Perte de compétitivité des entreprises françaises
- Perte du pouvoir d'achat des ménages
- Vers la fin de l'Europe?
Un choc économique : dévaluation de la monnaie, fuite des capitaux augmentation de la dette
Si la France sort de l'UE, il y a de fortes chances qu'elle sorte de l'euro. Le droit international stipule dans le lex monetae que les États peuvent modifier leur devise nationale. C'est l'idée défendue par l'économiste Jacques Sapir qui reprend l'étude d'une banque Japonaise, Nomura, parue en janvier 2012. Cette loi monétaire permettrait à la France de rembourser sa dette publique en franc. C'est la première des 144 proposition de Marine Le Pen, qui en a fait son cheval de bataille. La candidate du Front National promet de faire convertir l'euro en "nouveau franc", en basant sa valeur sur celui de l'euro. Autrement dit, un franc est égal à un euro.
L'Institut Montaigne, think-tank libéral, rappelle que ce nouveau Franc serait forcément dévalué, car son prix serait fixé par les marchés. L'institut estime la dévaluation de 15 à 40%. Jacques Darmon, président de chambre honoraire du tribunal de commerce de Paris affirme dans les Echos que "le cours du franc ne serait plus de 1 euro, mais de 0,90 ou 0,80 euros". À titre de comparaison, la livre anglaise a été dévaluée de 10% après l'annonce du Brexit.
30 milliards de plus par an, rien que pour les intérêts publics du remboursement de la dette. C'est ce que coûterait à la France, la sortie de l'Union Européenne et de la monnaie, estime sur France Inter Francois Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. Il rappelle que depuis cinq ans, la dette est remboursée à hauteur de 40 à 45 milliards d'euros par an. Avec une sortie de l'euro, le taux d'intérêt de la France augmenterait. En effet, c'est la stabilité de l'euro qui permet à la Banque Centrale Européenne (BCE) de proposer "des taux d'intérêts modérés", ils auraient baissé de 1,5 % depuis l'entrée en vigueur de la monnaie unique estime encore François Villeroy. Le taux d'intérêt des emprunts seraient augmenté.
Les entreprises françaises perdraient en compétitivité
Suite au retour du franc et à sa dévaluation, le prix des importations augmenterait, surtout sur les matières premières, selon L'Institut Montaigne : "cela alourdit la charge qui pèse sur les entreprises". Si le taux de change baisse, alors les exportations rapporteraient moins et le taux de marge des entreprises serait aussi touché. Si la France sort de l'Union, alors les tarifs privilégiés établis par la commission européenne ne seraient plus applicables. Les importations diminueraient car les taxes sur celles-ci seraient augmentées. De plus, les besoins français en pétrole, uranium et métaux rares ne pourraient pas être satisfaits par une production nationale, car les prix de ces productions seraient plus élevés hors des accords européens.
Les exportations souffriraient aussi car une sortie de l'Union Européenne implique une sortie du marché européen, de Schengen, et donc un rétablissement des taxes douanières. Les barrières douanières remises en place et les règles fixées par l'UE, dont la France ne ferait plus partie "diminueraient considérablement le volume des exportations françaises" prévoit le think-tank. L'Institut Montaigne donne l'exemple des institutions financières londoniennes : elles ne pourront plus vendre leurs produits au sein de l’UE. Or, les exportations "représentent 30 % du PIB et plusieurs millions d’emplois dépendent d’elles".
Une perte des pouvoir d'achat des ménages Français
Les classes populaires seraient particulièrement touchées par la sortie de l'euro, estime le think-tank de gauche Terra Nova. Il rappelle: si le prix des importations augmente, le prix de la consommation des ménages augmente automatiquement. En regroupant plusieurs études, Terra Nova chiffre la consommation de 30 000 ménages français à 1 200 milliards d'euros par an. "Le contenu en importations de la consommation des ménages se situe a minima autour de 15%" estime-t-il. Dans un scénario où le prix de la monnaie locale aurait chuté de 18%, le prix des produits importés serait augmenté proportionnellement. Le FN souhaite mettre en place une taxe de 3% sur les importations. "La facture pourrait donc se situer entre 1 500 et 1 800 euros par ménage et par an". Pour Terra Nova, les prix augmenteraient de 3,75% à 4,5% sur la consommation de tous les ménages.
"À peu près tout ce que nous consommons au quotidien, depuis la baguette de pain jusqu'à notre smartphone, est fabriqué à partir de produits qui sont importés" rapporte Jacques Attali, économiste et ancien conseiller de François Mitterrand dans une interview à Konbini. Il indique qu'il y aurait donc une baisse de la consommation, donc une baisse des recettes fiscales et donc par extension un appauvrissement des caisses de l'Etat. Il ajoute, "il faudrait faire dans la douleur des économies beaucoup plus importantes que celles qui avaient déjà été faites". Pour lui, une coupe dans les aides qu'attribue l'Etat, comme le RSA ou les allocations familiales, serait à prévoir.
Vers la fin de l'UE ?
La sortie de la France de l'Union Européenne signerait la fin de l'Europe, selon Christine Lagarde, directrice du Fonds monétaire international. Dans une interview au Parisien, elle constate qu'une sortie de l'Union Européenne et un repli de la France sur plus de protectionnisme est inquiétant. Elle affirme que c'est la mondialisation qui a permis de se "relever des cendres de la Seconde Guerre mondiale". La France fait toujours partie des quatre pays sur lesquels reposent la stabilité de l'Union Européenne.
En ces temps troubles où plane la menace d'attaques terroristes, une Europe soudée semble plus que nécessaire pour combattre le groupe terroriste Daesh. La France dispose d'une politique de défense commune grâce à l'UE, explique le site Toute l'Europe. La politique de sécurité et de défense commune (PSDC) permet aux pays membres de faire intervenir ses armées à l'étranger. A long terme, la PSDC est amenée à remplacer l'OTAN au sein de l'UE, mais elle ne possède pas d'armée pour l'instant. En revanche, elle dispose d'une "force de réaction rapide", qui fournit des agents de police lors des événements graves. Quand une mission est décidée, des capacités civiles et militaires sont mises à la disposition de l'UE par les Etats membres. Aujourd'hui, des forces européennes autonomes sont déployées en Méditerranée, en République centrafricaine, au Mali, en Somalie ou en Bosnie-Herzégovine.