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Passeport vaccinal, « QR codes »… Emmanuel Macron réfléchit à une manière de « vivre avec » le Covid-19

 

Alors que le gouvernement tente de gérer l’urgence sanitaire dans les Alpes-Maritimes et à Dunkerque, le chef de l’Etat veut aussi préparer « l’après ». Passeport vaccinal, « QR codes » pour entrer dans les bars ou les restaurants… Plusieurs idées sont à l’étude.

 

On le disait visionnaire, il est devenu gestionnaire. Empêtré dans la crise du Covid-19, dont il tente désespérément de se défaire, Emmanuel Macron cherche à redonner un cap à la fin de son quinquennat où le virus n’aurait qu’un rôle subalterne.

Et si la solution, pour cela, était d’imaginer cohabiter avec lui ? A l’aube d’une potentielle troisième vague épidémique aggravée par l’apparition des variants britannique, sud-africain et brésilien, l’exécutif cherche à éteindre les foyers de contamination locaux afin d’échapper à un troisième confinement national.

 

Le ministre de la santé, Olivier Véran, a annoncé, mercredi 24 février, l’instauration d’un confinement le week-end dans l’agglomération de Dunkerque (Nord), comme cela a déjà été décidé pour le littoral des Alpes-Maritimes. Quant au premier ministre, Jean Castex, il devrait pour sa part dévoiler lors d’une conférence de presse, jeudi, une liste d’une dizaine de départements considérés par l’exécutif comme en « tension importante ».

 

Mais Emmanuel Macron veut aussi penser à « l’après ». Lors d’un conseil de défense sanitaire, mercredi, le président de la République a demandé à ses troupes d’imaginer les outils qui permettraient aux Français de revivre – quasi – normalement dans les mois et les années à venir, quand bien même le coronavirus rôderait toujours. Un an après l’apparition du SARS-CoV-2 en France, la lassitude de la population est telle que des mesures qui apparaissaient, hier, comme choquantes ou liberticides pourraient devenir acceptables, estime-t-on au sommet de l’Etat.

 

Il en est ainsi de l’utilisation de données personnelles permettant de tracer les citoyens et de remonter les éventuelles filières de contamination. Mais aussi du passeport vaccinal certifiant une immunité acquise contre le Covid-19, que les Français brandiraient pour pouvoir traverser les frontières mais aussi, pourquoi pas, fréquenter salles de sport, musées, cinémas ou restaurants.

L’exemple d’Israël

Emmanuel Macron, qui a promis de ne pas rendre la vaccination obligatoire, manie cet objet avec précaution. Fin décembre 2020, la présentation en conseil des ministres d’un projet de loi sur les urgences sanitaires conditionnant l’exercice de certaines activités à la présentation d’un test de dépistage ou « au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin », avait suscité un concert de désapprobations.

57 % des Français sont opposés à ce qu’un tel passeport conditionne l’accès à un restaurant ou à une salle de sport

Le texte avait alors été remisé dans un tiroir, dont il ne ressortira pas « avant la sortie de la crise », a promis Olivier Véran. Mais « on nous reprocherait de ne pas regarder le sujet », indique-t-on dans l’entourage de Jean Castex. « Pour le moment, on observe ça de loin. Il nous manque des réponses : le vaccin permettra-t-il d’éviter les contaminations ? Quelle sera la durée de l’immunité obtenue ? Et puis, il faut évidemment que le débat soit concomitant avec la possibilité d’avoir accès au vaccin pour tous. Mais l’idée s’imposera », juge-t-on à Matignon. Un passeport est déjà en vigueur en Israël, note un conseiller, et la population, massivement vaccinée, a pu y reprendre sa vie « d’avant ».


Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a donc lancé, mi-février, une consultation en ligne sur le sujet. Pour l’heure, 57 % des Français sont opposés à ce qu’un tel passeport conditionne l’accès à un restaurant ou à une salle de sport, selon un sondage Odoxa publié le 18 février. Mais 59 % s’y montrent favorables en ce qui concerne l’accès au territoire national.

 

« Nous sommes obligés de réfléchir à tout, le Covid n’est pas le seul virus auquel nous serons confrontés », souligne le haut-commissaire au plan, François Bayrou, qui a signé, en octobre 2020, une note intitulée « Et si la Covid durait ? » Pour l’instant, l’instauration d’un passeport vaccinal se heurte à la pénurie de vaccins, qui ont été réservés en priorité aux plus âgés. « Si on dit aux gens : Mauricette peut aller boire un coup et pas vous, on va avoir des émeutes », reconnaît un ministre.

Base légale

Mais la patience des Français risque d’être mise à rude épreuve, alors qu’Emmanuel Macron a promis une vaccination pour tous d’ici à la fin de l’été. « En mai, aux beaux jours, ce sera compliqué de garder les gens chez eux, soupire un membre du gouvernement. D’autant qu’il y aura un aspect de comparaison permanent avec les voisins européens. »

Ces derniers, à commencer par les pays du sud du continent, à forte activité touristique, se montrent très allants à l’idée d’instaurer au plus vite un tel laissez-passer. « Il peut y avoir des pays qui souhaiteront l’imposer, on n’y peut rien ! Mais il n’est pas concevable que nous, nous l’imposions aux Français avant que la vaccination ne soit totalement accessible », assume-t-on à Matignon.


Cela n’empêche pas le gouvernement de commencer à poser de premiers jalons. Le 14 février, un décret a été publié au Journal officiel afin d’offrir à l’exécutif une base légale pour conditionner les réouvertures des bars et des restaurants au fait que les clients se délestent de leurs coordonnées dans le but de faciliter le traçage des cas contacts. Des QR codes à flasher avec l’application TousAntiCovid pourraient ainsi être positionnés à l’entrée de ces établissements, explique-t-on dans l’entourage du secrétaire d’Etat au numérique, Cédric O. A terme, l’application, qui compte plus de treize millions d’abonnés, pourrait aussi inclure le fait d’avoir réalisé un test Covid-19 récent ou de s’être fait vacciner.

« C’est une hygiène collective avec laquelle nous allons devoir vivre dans les mois qui viennent. L’acceptabilité sera forte sur ces sujets-là, il y a une envie de retrouver une vie sociale », veut croire Stanislas Guerini, délégué général de La République en marche. A l’Elysée, on se plaît même à rêver que les restaurateurs deviennent les porte-parole de l’outil. Des questions juridiques se posent néanmoins, en termes d’égalité – tout le monde ne possède pas un smartphone – ou sur l’utilisation des données.

Stades et salles de sport

De son côté, la ministre des sports, Roxana Maracineanu, compte beaucoup sur l’homologation à venir d’un masque compatible avec la pratique sportive en milieu clos. « C’est ce qui permettra, je l’espère, d’accélérer la réouverture [des salles de sport], et une fois que ce sera ouvert, de ne plus refermer les salles », a-t-elle confié sur Franceinfo, le 19 février. En parallèle, elle entend proposer un protocole sanitaire pour permettre rapidement un retour partiel du public dans les stades.

Toutes ces réflexions doivent permettre de nourrir la perspective d’un pays apprenant à « vivre avec » le virus. Emmanuel Macron s’y était essayé en vain après le premier confinement. Mais le jeu est dangereux sur le plan des libertés individuelles, d’autant que le chef de l’Etat est déjà accusé d’un fort centralisme dans sa gestion de crise.

« Si les vaccins ne sont plus efficaces face aux variants et que nous sommes partis pour trois ans avec le virus, notre approche de l’épidémie doit changer, nous ne pourrons plus faire de confinement généralisé », tranche un ministre, qui prend pour modèle certains pays asiatiques, comme la Corée du Sud. Un pays où le contrôle social et les règles imposent un cadre coercitif bien plus fort qu’en France.

 

« Les gens ont envie d’être protégés. C’est d’ailleurs l’une des explications de la montée du vote populiste », estime le sociologue Jean Viard, soutien d’Emmanuel Macron. De quoi alimenter le débat en vue de l’élection présidentielle de 2022.