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Economie: Patrick Artus - Ces chiffres qui ne devraient pas faire débat

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CHRONIQUE. L'économiste insiste sur la nécessité de s'appuyer sur les vrais chiffres pour que le débat de politique économique en France soit fructueux. PAR PATRICK ARTUS

Le débat économique en France est souvent basé sur des affirmations fausses concernant quatre points. Il faut accepter collectivement en France, que la part des salaires dans la valeur ajoutée a augmenté ; que les inégalités de revenu après redistribution n'ont pas augmenté et sont faibles par rapport aux autres pays et que les politiques redistributives sont de grande taille ; que le poids des dividendes n'a pas augmenté et qu'il n'existe pas d'évidence que les dividendes ont réduit l'investissement ; qu'une partie importante des hausses de la demande part en importations.

Remarquons d'abord qu'il n'y a pas d'anomalie dans le partage des revenus en France. La France n'est pas les États-Unis ou le Japon : la part des salaires dans la valeur ajoutée a augmenté en France (de 50,2 % en 1998 à 52,4 % en 2018), ou ce qui est équivalent, les salaires réels ont augmenté plus vite que la productivité (de 4 % en 20 ans). Il n'y a donc pas de faiblesse anormale, par rapport à la productivité, des salaires en France.

Le poids des dividendes n'a pas augmenté

Il faut ensuite rappeler que les inégalités de revenu après redistribution sont faibles et stables en France, les politiques redistributives sont de grande taille. L'indice de Gini des inégalités de revenu après redistribution est plus faible en France que dans tous les autres grands pays de l'OCDE. La taille des politiques redistributives, mesurée comme l'écart entre l'indice de Gini des inégalités de revenu avant redistribution et celui après redistribution, est la plus élevée de tous les pays de l'OCDE. La part du revenu national prise par le 1 % de personnes au revenu le plus élevé est stable à 8 %, contre 12 % en Allemagne, 22 % aux États-Unis. On voit qu'il n'est pas correct de dire que les inégalités de revenu sont fortes ou en hausse en France, ou que les politiques redistributives sont peu significatives.

Malgré les affirmations fréquentes suggérant l'inverse, le poids des dividendes n'a pas augmenté, et les dividendes ne réduisent visiblement pas l'investissement. Les dividendes distribués par les entreprises non financières en France représentent 8 % du PIB en 2018 contre 11,5 % en 2007. Le versement de dividendes recule donc depuis 2009 et le taux d'investissement est plus élevé en France que dans le reste de la zone euro.

Demande et production

Enfin, il y a vraiment des contraintes d'offre en France. La progression de la demande intérieure est satisfaite en France, à hauteur de 50 %, ce qui est considérable, par les importations. Une relance de la demande a donc un effet réduit sur la production, ce qu'on peut rapprocher du recul de la capacité de production de l'industrie, de 12 % de 2006 à 2019.

Ce qui précède montre que si on part d'un constat exact dans le cas de la France, on ne dit pas que la part des salaires dans le PIB a reculé ou que la part du revenu du capital dans le PIB a augmenté ; ni que les inégalités de revenu ont augmenté ou que les politiques redistributives sont de petite taille ; ni que le poids des dividendes a augmenté et que ceci déprime l'investissement ; ni qu'une relance de la demande est efficace pour relancer la production.

Publié le 19/02/19 à 09h00 | Source lepoint.fr