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courrierinternational.com par Antoine Mouteau et Delphine Veaudor

 

Inégalités. Qui est Rutger Bregman, l’auteur d’un coup de gueule retentissant à Davos ?

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La vidéo qui le montre dénonçant l’hypocrisie des plus riches en plein Forum économique mondial a été vue plus de 7,5 millions de fois. Peu connu jusqu’alors du grand public, l’historien et journaliste néerlandais est devenu en une semaine un objet de curiosité pour les médias du monde entier.

Les participants au Forum économique mondial – qui se déroule chaque année dans la station de sports d’hiver de Davos, en Suisse – n’étaient sans doute pas préparés à ce qu’on emploie ce ton avec eux. Vendredi 25 janvier, rompant avec l’atmosphère feutrée de la table ronde où il était venu débattre sur le thème du “coût des inégalités”, Rutger Bregman s’est adressé à son auditoire avec une véhémence et un franc-parler inhabituels : “C’est la première fois que je viens à Davos et c’est une expérience assez déconcertante, l’entend-on dire dans une vidéo mise en ligne par la plateforme Now This :

J’entends des gens parler de participation, de justice, d’égalité et de transparence. Mais quasiment personne ne soulève le vrai problème, qui est celui de l’optimisation fiscale. Et celui des riches qui ne paient pas leur part. J’ai l’impression d’être à un colloque de pompiers et de ne pas avoir le droit de parler d’eau.”

Un peu plus tard, le même Bregman lançait une pierre dans le jardin des organisations caritatives, égratignant au passage Bono, le leader du groupe U2, connu pour ses engagements en faveur de grandes causes telles que la lutte contre l’extrême pauvreté :

Nous pouvons discuter à loisir de toutes ces initiatives philanthropiques débiles. Et réinvitons Bono, pourquoi pas. Mais arrêtez, il faut parler des impôts. C’est tout ce qui compte. Les impôts, les impôts, les impôts – tout le reste, ce sont des conneries, si vous voulez mon avis.”

Des propos qui se sont répandus comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. Ainsi que le rapporte le site de la télévision publique néerlandaise NOS, la vidéo, qui a été vue plus de 7,5 millions de fois, “a été partagée des dizaines de milliers de fois sur Twitter. Même l’ancien candidat à la présidentielle américaine Bernie Sanders l’a relayée. Et des médias internationaux comme The Guardian s’y sont aussi intéressés.”

Cette notoriété nouvelle a été accueillie avec un plaisir non dissimulé par plusieurs médias néerlandais. À commencer par ceux de la province d’où est originaire Bregman, la Zélande (dans le sud-ouest des Pays-Bas), où la chaîne de télévision locale Omroep Zeeland titrait sur son site, mercredi 30 janvier : “Un Zélandais remet les multimillionnaires à leur place.”

Pour le revenu universel et la semaine de 15 heures

Non que Rutger Bregman ait été un parfait inconnu jusqu’à cette semaine. Historien de formation, journaliste pour le site De Correspondent, il est l’auteur de quatre essais, dont l’un (Utopies réalistes, traduit en 2017 aux éditions du Seuil) a été best-seller aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Un livre qui, comme le décrit le site américain Vox, consiste en un “plaidoyer passionné pour le revenu universel de base, des frontières ouvertes et la semaine de 15 heures de travail – des objectifs qualifiés de cruciaux et de réalisables”.

Mais la soudaine popularité de l’auteur sur les réseaux sociaux a surpris. Pour le quotidien américain The Washington Post, c’est le signe que “le débat sur les inégalités de revenus (et les solutions qui étaient autrefois jugées radicales) trouve un écho auprès de l’opinion publique”. Un sentiment que partage l’intéressé : “Pas la peine d’être un professeur d’histoire ou d’économétrie pour se rendre compte que nous vivons dans un monde quelque peu injuste”, a souligné Bregman avec une pointe d’ironie sur les ondes de la radio publique NPO 1. Mais c’est surtout le lieu où s’est déroulée la scène qui a marqué :

Si mon discours a autant de retentissement, c’est parce que je l’ai prononcé depuis la fosse aux lions, alors que je n’étais pas invité pour ça.”

Rutger Bregman ne s’est pas privé, toujours sur NPO1, de souligner la nécessité d’engager partout le débat sur l’évasion fiscale et l’opacité des transactions financières. À commencer par son propre pays, qui, d’après lui, “figure tout simplement parmi les mauvais élèves de la classe en la matière”.