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Les Echos

Martin Hirsch : « On peut franchir une étape décisive » contre la pauvreté

PIERRE-ALAIN FURBURY Le 13/09 à 16:07

 

INTERVIEW - Ancien haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et actuel directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, Martin Hirsch met en garde sur la mise en oeuvre du plan pauvreté : « La rupture, ça sera de faire plier ceux qui essayeront de maintenir des systèmes cloisonnés ».

Directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, Martin Hirsch a été haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté (de Nicolas Sarkozy, de 2007 à 2010) et président d'Emmaüs France (de 2002 à 2007).

Le plan pauvreté est-il à la hauteur du défi : « Eradiquer la grande pauvreté » à l'horizon d'« une génération » ?

Tous ceux qui s'impliquent dans la lutte contre la pauvreté, associations et élus de gauche comme de droite, peuvent se retrouver dans le discours du président de la République et dans les axes du  plan . C'est un bon plan, fondé sur un travail de plusieurs mois où les principaux acteurs ont pu s'exprimer et faire des propositions et qui a le mérite de ne pas scinder les sujets de pauvreté, ni d'opposer le travail et la solidarité.

Le revenu universel d'activité va dans le bon sens.  Emmanuel Macron a choisi de dépasser l'épine qui traîne depuis l'échec de la décentralisation de 2003 du RMI, faite par-dessus la jambe, laissant des séquelles pendant quinze ans avec une guerre ouverte entre l'Etat et les départements. L'accent mis sur petite enfance est aussi essentiel. Les sujets de la crèche et de l'alimentation infantile ont trop souvent été délaissés.

 

S'agit-il véritablement d'un « changement radical d'approche », comme le dit l'Elysée ?

Si l'on suit les prescriptions de ce plan, on peut franchir une étape décisive. Mais je mets en garde - Emmanuel Macron en est d'ailleurs conscient - : ce sera un changement d'approche si tout le monde s'empare des leviers évoqués. Dire qu'il faut une approche globale, qu'il faut privilégier l'activité, que l'accompagnement est important et qu'il ne faut pas laisser des gens dans des trappes, ce sont des ambitions que nous sommes un certain nombre à avoir déjà porté par le passé et qui ont pu s'échouer sur l'écueil des particularismes, des individualismes et des mille-feuilles.

La rupture, ça sera de faire plier ceux qui seront sur le chemin et qui essayeront de maintenir des systèmes cloisonnés. Le chemin tracé doit pouvoir être efficace pour traiter la pauvreté évitable.

8 milliards sur quatre ans, ça suffit ?

J'imagine qu'il y aura des querelles de sous mais la question n'a, aujourd'hui, aucun sens. Annoncer des sommes encore plus importantes alors qu'il y a des dysfonctionnements dans le système ne rime à rien. L'essentiel est que le système soit bien conçu. Si ce n'est pas le cas, nous savons déjà que l'on peut arroser avec de l'argent sans que ça profite aux gens.

Le revenu universel d'activité n'est-il pas simplement ce qui était prévu en 2008 avec la loi sur le RSA ?

Dès 2005, même. Un rapport, dans lequel on trouvait des parlementaires aussi divers que Paulette Guinchard [une socialiste, ancienne secrétaire d'Etat de Lionel Jospin, NDLR] et Laurent Wauquiez [l'actuel président des Républicains, qui a ensuite dénoncé en 2011 le « cancer de l'assistanat, NDLR], prévoyait déjà de pouvoir fusionner plusieurs minima sociaux, la prime pour l'emploi, les aides au logement. Mais droite et gauche se sont unis pour l'empêcher. Aujourd'hui, avoir une gouvernance politique qui dépasse les clivages peut être un avantage...

Quant à la notion d'« offres raisonnables », je l'avais demandé en 2008 et l'avais obtenue, mais je me suis opposé à l'époque au ministre de l'Emploi, qui n'en voulait pas. Le plus grand paradoxe de la naissance du RSA, c'est qu'il y avait un type de gauche qui disait « les allocataires doivent être traités comme des demandeurs d'emploi comme les autres », au sein d'un gouvernement de droite qui trouvait ça absurde parce qu'il redoutait d'augmenter les statistiques du chômage. Cette disposition est indispensable. C'est une question d'efficacité et de justice.

Le revenu universel d'activité sera mis en oeuvre au-delà de 2020. Vu l'urgence, n'est-ce pas trop tard ?

Si c'était la seule mesure, ce serait le cas. Mais à partir du moment où il a de quoi faire en 2018, en 2019 et en 2020, je ne le pense pas.

Pierre-Alain Furbury @paFurbury