JustPaste.it
blogs.mediapart.fr | Gabriel Paillereau

 

Les mots dans Macron et les mots de Macron : des maux en perspective? (2/2)

46eb053775445c033a3a9aed6fc17c12.jpg

 

Le temps écoulé depuis la publication des « mots dans Macron », il y a déjà près de 7 mois, n’a fait que confirmer l’heureuse opportunité de mon retard, en m’apportant jour après jour, mois après mois, dérapage après dérapage, d’innombrables éléments d’information sur les « mots de Macron », et, par conséquent, sur Macron lui-même, confortant hélas ma vision de « maux » à venir, bien au-delà de ce que je pouvais imaginer.

Le texte publié aujourd’hui, fruit de ces nombreux ajouts, est donc beaucoup plus complet que je ne l’avais prévu à l’origine.

Il est aussi la malencontreuse victime de la multiplication des « écarts » de langage de notre Président, le tout dernier, relatif à l’Aquarius, qui date d’hier seulement, étant à l’origine de tensions diplomatiques avec nos voisins, partenaires et amis italiens.

A force de vouloir absolument publier une chronique « à jour », mission quasi impossible en raison du nombre et de la diversité des sujets abordés dans les interventions présidentielles, je me suis condamné à ne pouvoir offrir qu’une rédaction décousue, parce que trop étalée dans le temps.

D’avance, j’adresse toutes mes excuses à celles et ceux qui auront le courage d’en lire le contenu jusqu’au bout.

Les « mots de Macron » présentent un intérêt d’autant plus grand que - on ne cessait de nous le répéter à l’époque où j’ai commencé à rédiger la première partie de cet article -, la parole du Président était « rare », contrairement à celle de ses « prédécesseurs », qui n’arrêtaient pas de deviser, voire de « bavasser »[1] avec les journalistes. A tel point que celui qu’il a méchamment habillé du doux nom de « mon prédécesseur » s’est fait allumer, précisément pour avoir trop parlé, dans « Un président ne devrait pas dire ça... », livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme dont la publication a largement facilité, à n’en pas douter, le parcours météorique d’Emmanuel Macron et son ascension au faîte de l’Etat…

Parole « rare » ?

Ce n’est pas ce que, comme de nombreux Français, je ressens depuis plus de deux ans à la lecture des quotidiens et revues de tous bords qui sont depuis toujours la source principale de mon information.

C’est même tout le contraire, particulièrement depuis que Jupiter, confronté à la chute de sa popularité à la fin de l’année 2017, a modifié sa politique de communication, faisant en sorte de ne jamais quitter le champ des projecteurs et des micros pour que sa « parole », abordant les domaines censés devoir bénéficier du « Verbe » présidentiel (c’est-à-dire TOUS les domaines), soit diffusée le plus largement possible, tous les jours et pas seulement une fois par an, contrairement à celle du Pape dans sa bénédiction « Urbi et Orbi », avec l’aide complaisante de certains journalistes et médias disciplinés, voire serviles, dans une tonalité de plus en plus « téléréalistique », ce qui est loin d’être un progrès, même si dans un premier temps, ce changement de stratégie s’est accompagné d’un rebond de popularité, aussitôt remis en cause avec une plongée « sondagière » de treize points en deux mois et demi, et, depuis, d’une succession de hauts et de bas…

Une stabilisation serait aujourd’hui en cours mais je doute personnellement de son caractère durable, car, contrairement aux affirmations de Sa Majesté et de ses féaux, la colère gronde dans « la » population, qui n’est pas « son » peuple, même si, pour l’heure, elle ne lui explose pas à la figure.

Cette colère s’est en effet traduite essentiellement, jusqu’aux mouvements de grève en cours, à la SNCF et ailleurs, par des taux d’abstention record aux élections partielles et les échecs à répétition des candidats porteurs de sa parole…

Elle a également provoqué l’agacement d’un homme manifestement peu habitué à ce qu’on le questionne ou, pire, qu’on ose simplement le contrarier comme l’a fait en début d’année une journaliste de « Quotidien », en l’interrogeant, insupportable crime de lèse-majesté, sur le caractère « privé » d’une séquence « glamour » de son voyage d’Etat en Inde, soigneusement mise en scène par son équipe de « Com’ »...

Sans doute l’esprit de « contradiction » dont a fait preuve cette jeune femme, pourtant simple reflet de la liberté d’expression dont jouissent fort heureusement tous ceux qui ne se considèrent nullement comme ses « sujets », mais, simultanément (« en même temps » ?), remise en cause aussi brutale qu’inattendue de l’« autorité » présidentielle, ne fai(sai)t-il pas partie des scénarios envisagés par ses « communicants ».

Ils dev(r)aient pourtant savoir que, comme le dit Chevallier, interviewé par Laspalès dans « Le jeu de la vie », « Tout est possible, tout est réalisable »

Y compris, ne lui en déplaise, à l’égard de, pour et de la part d’un Président qui, nous assure-t-on depuis des mois, surveillerait son langage, contrairement aux multiples constats que nous pouvons tous faire quotidiennement.

Les dérapages verbaux n’ont pas manqué depuis son arrivée sous les feux des projecteurs, à tel point que leur rythme actuel augure d’une liste interminable d’ici au terme du quinquennat.

On peut d’ores et déjà être certain que, dans l’anthologie à venir des mauvais mots présidentiels, figureront en bonne place les « illettrées » de Gad, stigmatisées dès septembre 2014, alors qu’il était Ministre de l’Economie, et, trois ans plus tard, en octobre 2017 pour être précis, alors qu’il était Président de la République depuis quatre mois, ceux qui, « au lieu de foutre le bordel, (ils) feraient mieux d’aller regarder s’ils peuvent avoir des postes », ces fainéants (stigmatisés en Corrèze, terrain de jeu politique de Jacques Chirac et de François Hollande, soit dit en passant, ce qui n’est peut-être pas un simple hasard), qui, allez savoir pourquoi, rechignent à faire 300 km par jour pour conserver un emploi, sans oublier la désormais cultissime formule, datée de juin 2017, soit un mois seulement après son « triomphe » électoral, « une gare, c’est un lieu où l’on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien »

On est tout près du « kärcher » et du fameux « casse-toi, pauvre con » du précédent prédécesseur, désormais passés à la postérité.

Dans un autre registre, comment ne pas se souvenir de la Colonisation française, présentée, en Algérie, comme un « crime contre l’humanité », ainsi que de « l’île de Guyane » et de la formule « Je ne suis pas le Père Noël », balancées à la figure de Guyanais mécontents de l’absence de continuité de la Politique de l’Etat dans leur territoire, ou encore de « le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien », dont les relents xénophobes avaient été, au tout début du mois de juin 2017, alors que je me trouvais en mission à l’Île de la Réunion, à l’origine d’un incident diplomatique avec nos voisins des Comores…

Après chaque « dérapage » verbal, suivent généralement des mises au point, des « vous n’avez pas bien compris », des explications aussi sur la différence qu’il faudrait faire entre divers types de langage, familier, courant et soutenu, étant bien entendu que jamais les mots du Président ne sortent du cadre « courant », et que si, par inadvertance ou manque de chance, cela s’était produit ou venait à se produire, en aucun cas ce n’était ou ne serait au-delà du registre « familier »

Pour justifier certains de ses propos, fussent-ils parfois inqualifiables, Jupiter peut toujours compter sur ses fidèles, qui, à l’image de Christophe Castaner, alors porte-parole du Gouvernement, probablement fort de la « dimension amoureuse » (sic) de ses relations privilégiées avec le Président, avait assuré le service après-vente de ses propos relatifs au « bordel » corrézien en affirmant qu’« Il y a ceux qui alimentent les polémiques et il y a ceux qui font », ajoutant dans la foulée « Je crois qu’on peut être cultivé et parler comme les Français. Je pense qu’on peut aussi avoir l’objectif en politique […], c’est le cas d’Emmanuel Macron, d’arrêter la langue de bois et d’oser nommer les choses. »

Traduit dans un langage compréhensible pour les nombreux illettrés que compte notre pays, cela signifierait d’une part que les Français - ce peuple inculte - parlent mal, et que pour le Président, cultivé, lui, ce « mal-parler »[2] ne serait donc que l’expression d’un refus de la « langue de bois », tranchant probablement, même si ce n’est pas dit, avec le discours de ses prédécesseurs, et, plus généralement, des hommes politiques du monde « ancien », c’est-à-dire antérieur à son avènement…

Quelles que soient les explications embarrassées données a posteriori, il n’en demeure pas moins que traiter une population d’« illettré(e)s » ou de « fainéants » est une insulte insupportable pour toutes les personnes à la face desquelles elle est lancée sans nuance.

Le « mot », outil magique et redoutable

Tout « mot » est simple et complexe à la fois. Polymorphe, il ne se laisse pas apprivoiser facilement. Associé à d’autres, Il peut tout exprimer, la joie et la tristesse, le contentement et la frustration, la beauté et la laideur, la vérité et le mensonge...

On trouve effectivement tout cela dans « les mots de Macron », évidemment beaucoup plus révélateurs de sa personnalité que ne peuvent l’être « les mots dans Macron », simple jeu intellectuel auquel chacun peut se livrer pour aboutir à des conclusions opposées aux miennes.

Qui ne connaît les mots « doux », les « gros » mots, le « dernier » mot, le mot « pour rire », le « bon » mot, le « mot » d’esprit, le mot « de la fin », les « grands » mots, le « fin » mot, le « mot à mot », le mot « clé », le « traître » mot, le mot « d’ordre », le mot « d’enfant » … ?

Et toutes ces expressions dont regorge notre langue, d’« avoir son mot à dire » à « prendre au mot », en passant par en « toucher un mot », « avoir des mots » ou « sans piper mot », sans oublier « ne pas avoir peur des mots », « se passer le mot » ou « ne pas avoir dit son dernier mot »… ?

Par-delà les « mots » (tous porteurs d’une histoire singulière mais qui, pour vivre vraiment, doivent être assemblés dans une multitude d’histoires plurielles), à moins que ce ne soit en amont ou… « en même temps », pour reprendre une formule que la « Com’ » présidentielle nous a imposée récemment, reprise à l’unisson par les médias, la qualité de leur existence dépend, à l’oral comme à l’écrit, de l’environnement dans lequel on les place et où ils prennent vie, de la pertinence de leur choix et de la qualité de leur expression, de leur combinaison, plus ou moins adroite, plus ou moins experte, de tout ce qui constitue leur « écosystème » et contribue à les rendre compréhensibles, crédibles, convaincants aux yeux et aux oreilles de ceux auxquels ils sont destinés : qu’ils soient « écrits » ou « dits », les raisons de leur choix sont essentielles, au même titre que la force qui se dégage de leur union, plus ou moins naturelle ou construite, leur tonalité, leur rythme, leur musicalité, et, quand ils sont « dits », l’esprit et même la sincérité de leur locuteur, que reflètent l’expression de son visage, son regard, ses lèvres et ses mâchoires particulièrement, dont les mouvements (ou leur absence) traduisent toujours et trahissent parfois les sentiments profonds, satisfaction, joie, agacement, irritation, colère…

Qu’en est-il justement des « mots de Macron » ?

De nombreux exemples, dont certains récents - et même très récents -, en témoignent. Il serait difficile de les énumérer tous ; je m’en tiendrai donc aux plus expressifs.

Il y a bien un « parler Macron », que l’on partage ou non. Impossible de ne pas l’évoquer si l’on veut vraiment traiter la question « à fond ».

S’agissant des illustrations du « style Macron », qui ne se souvient de la passe d’armes à l’emporte-pièce avec le Général Pierre de Villiers ? Ou encore de propos qui, il y a tout juste quelques mois, ont conduit certains commentateurs à s’interroger sur la nuance à faire entre « autorité » et « autoritarisme » ?

Plus près de nous encore, les échanges « musclés » avec un « siffleur » au Salon de l’agriculture, ou, sur un ton certes plus modéré mais tout aussi déplaisant par sa condescendance, avec des retraitées, inquiètes de constater, pour la première, la réduction de sa pension de retraite du fait de l’augmentation non compensée des prélèvements au titre de la CSG, pour la seconde, le lent cheminement vers une nouvelle forme de dictature.

On notera avec intérêt que les retraités, fort (ou trop ?) nombreux dans notre pays, qui ont été parmi les principaux artisans des victoires d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle et de son mouvement aux élections législatives, doutent de plus en plus de son discours…

Encore plus près, difficile de ne pas revenir sur les débats enflammés autour du sens du mot « privé » qui ne manquent pas de saveur, qu’il s’agisse de l’épisode « Tal Mahalien », cité plus haut, mettant notre Monarque aux prises avec une journaliste, ou du voyage à Sète pour échanger avec le plus célèbre des peintres français contemporains, Pierre Soulages.

La question posée par la jeune effrontée osant demander à Emmanuel Macron sa définition du mot « privé » à propos du déplacement au Taj Mahal, scénarisé pour être présenté comme « glamour » par les journalistes et photographes conviés à « couvrir » l’événement, à travers des images particulièrement « léchées » et des commentaires du genre « lèche bottes », a eu le don de l’énerver, le conduisant à répondre, à chaud, « Je tiens vraiment à vous remercier pour la grande qualité dont vous venez de faire preuve. S'il y a des questions de fond, je les prends toutes », puis, comme si cela ne suffisait pas, regard bleu acier et lèvres serrées, à en « remettre une couche » comme on dit vulgairement, en se faisant menaçant : « Si la frustration de ceux qui n'étaient pas là les conduit à poser des questions de ce type, il faut se poser la question jusqu'au bout de savoir si elle (NDLR : la visite) ne devrait pas être totalement fermée aux médias ».

Les propos présidentiels ont choqué, et, dans Libération, ils ont conduit Clémentine Autain, Députée de la France Insoumise, à considérer, entre autres « compliments » adressés au Chef de l’Etat, que « Macron réinvente le ministère de l’Information et pourquoi pas celui des bonnes nouvelles. Il souhaite au fond que l’Etat décide de ce qui est ou non une vérité. Avec son combat contre les « fausses nouvelles », Macron vise les contre-pouvoirs et l’horizontalité des réseaux sociaux. Et quand il reproche sa question à une journaliste lors d’une conférence de presse en Inde, son dédain pour la liberté des médias est officiel. »

Voilà qui est dit, et bien dit, d’autant que certains des commentaires qui ont suivi l’escapade amoureuse du couple présidentiel ont frisé le comble du ridicule, lequel, fort heureusement, ne tue pas…

Ainsi a-t-on pu lire dans Paris-Match, dont on appréciait jadis « le poids des mots et le choc des photos », que, « Pour les Indiens, Macron mérite plus que jamais le titre d’Emmanuel le majestueux », et que, s’agissant de son épouse, « Même les chèvres de la capitale s’inclinent sur son passage » …

Comme l’a alors relevé, avec un brin de malice, un journaliste de Marianne, on ignore comment ont réagi les vaches sacrées…

Quelle qu’ait été leur réaction, reconnaissons-le, nous nous trouvons bien face à des preuves indiscutables de la Grandeur retrouvée de notre Pays qui justifient pleinement la légitime fierté du Peuple de France et toute sa reconnaissance. Ne vient-il pas, avec l’arrivée d’Emmanuel le Majestueux et de Brigitte la Divine et grâce à eux, d’achever enfin sa quête éperdue d’icônes à adorer...

Alors, tant qu’on y est, pourquoi ne pas envisager d’enrichir la ménagerie de l’Elysée, forte déjà d’un chien, probablement baptisé Nemo pour ne pas faire d’ombre à son Maître, qui se soulage avec délice dans le bureau présidentiel, et de deux poules, Agathe et Marianne, qui squattent désormais les gazons élyséens, pour le plus grand bonheur de certaines gazettes, qui, je le reconnais sans honte, ne constituent pas ma principale source d’information…

Une nouvelle Arche se prépare peut-être, sachons-le, car en ces temps de menaces pesant sur la biodiversité, l’information est d’importance…

Ce qui frappe le plus dans « les mots de Macron », examinés sous l’angle de la façon dont ils sont exprimés, c’est leur dureté, leur froideur, l’absence totale d’empathie dont ils témoignent, l’agacement, le mépris qui les sous-tendent souvent, comme on a pu le constater notamment dans l’échange fort peu amène avec des infirmières, dans le cadre d’un déplacement à Rouen consacré à la lutte contre l’autisme.

En ces temps de pseudo-dialogue permanent avec toute une série de représentants du peuple, tout un symbole…

En fait, plus le temps passe et plus je me rends compte à quel point le discours macronien m’est personnellement insupportable.

D’autant que, en plus de la suffisance parfaitement mise en évidence dans « Parlez-vous le Macron ? »[3], article publié dans le Parisien, et « "Impuissanter", "impuissantée"… Mais que cherche à nous dire Macron ? »[4], article publié sur le site de Marianne, il nous faut supporter sa propension fâcheuse à s’exprimer en anglais, en franglais, en globish, en novlangue, en n’importe quoi, pourvu que cela serve son image, ses intérêts, son image, les intérêts des lobbies qui l’ont porté au pouvoir, son image et… son image.

Avec des ratés remarqués, comme lorsqu’il a utilisé la formule « bottom up » à contresens[5] ou qu’il a trouvé « delicious »[6] l’épouse du Premier Ministre australien…

Des ratés, aussi et surtout, en termes de résultats, comme à la suite de ses déplacements aux Etats-Unis et au Canada, au cours desquels il s’est fait rouler dans la farine par son « ami » Trump, pour qui il est « a special guy » mais qui, mieux que quiconque, sait parfaitement danser (et faire danser) la danse de Saint Guy…

Mieux vaut arrêter là ce billet car il risque de devenir impossible de le conclure vraiment, tellement la parole jupitérienne est envahissante et révèle plus une volonté de faire de la Com’ que de communiquer vraiment.

Un nouvelle illustration en a été donnée avant-hier avec la « fuite » savamment orchestrée d’une réunion de travail tenue à l’Elysée, au cours de laquelle il s’exclame qu’« on met un pognon de dingue dans les minima sociaux et les gens ne s’en sortent pas. Les gens pauvres restent pauvres, ceux qui tombent pauvres restent pauvres. On doit avoir un truc qui permet aux gens de s’en sortir. Par l’éducation », renvoyant aux premiers exemples cités précédemment visant notamment les « illettré(e)s » et les « fainéants », la veille d’un discours devant les représentants de la Mutualité, à Montpellier, et d’un déplacement ultra rapide vers ma Vendée natale pour retrouver son ami Philippe de Villiers, rencontrer des responsables patronaux et inaugurer un nouveau musée en l’honneur de Georges Clemenceau…

De l’art de la Communication et de la… récupération tous azimuts !

Même si je sais que mon propos est déjà trop long, je ne résiste pas au plaisir de revenir sur une expression utilisée récemment, qui nous a permis d’apprendre qu’il avait un « ethos » de droite[7]

Bien qu’ayant passé un Bac philo (en 1967) avec un jeune Professeur qui a émerveillé les 44 élèves (oui, j’ai bien écrit quarante quatre !) que comptait notre Classe, en nous faisant découvrir les richesses de la Philosophie à travers l’étude de quatre œuvres (seulement) - mais quelles œuvres ! -, l’Etre et le Néant (Sartre), Le Capital (Marx), La généalogie de la Morale (Nietzsche) et l’Ethique (Spinoza)[8], un Professeur hors norme, passionné par la discipline qu’il enseignait, qui rêvait ouvertement de la Révolution castriste en Amérique du sud, j’avoue avoir ignoré ce concept, hérité de la rhétorique grecque, et je me suis empressé d’aller voir de quoi il s’agissait dans un des nombreux livres, dictionnaires et encyclopédies qui envahissent ma bibliothèque…

Ce qui m’a permis de constater que mon ignorance n’était ni aussi grave ni aussi fautive que je le redoutais puisque, dans « Le Grand Littré »[9], ouvrage magistral qui, à ma connaissance, fait encore autorité pour de nombreux amoureux de la langue française, dont je fais partie, Paul-Emile Littré définissait ainsi l’ethos :

« Terme de rhétorique ancienne. La partie qui traite des mœurs. Ce mot ne s’emploie guère chez nous que par moquerie pour indiquer un style prétentieux et boursouflé… »

Sans commentaire.

Il est également vrai que, selon le lexique de sociologie cité dans l’article du JDD, « terme issu de la rhétorique grecque, l’ethos est directement lié au domaine de l’argumentation, et désigne en premier lieu l’image de soi, plus ou moins consciente et plus ou moins maîtrisée, que l’énonciateur construit dans son discours. Il s’agit d’un concept-clef des sciences du langage – et, en particulier, de l’analyse du discours –, dont la mobilisation au sein des études littéraires est relativement récente. »

L’honneur est sauf ! Littré et, avec lui, tou(te)s les représentant(e)s du monde ancien ne pouvaient qu’ignorer cette évolution. Il est « en même temps » plutôt rassurant de constater qu’avec l’ethos, remis au goût du jour par la sociologie moderne, on a fait du neuf avec du vieux.

No comment, comme on pourrait dire en langage macronien !

Un dernier mot pour conclure vraiment ce billet, renvoyant au premier verset du Prologue de l’Evangile de Jean, « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu », dont je me demande sérieusement s’il ne devra pas être réécrit pour devenir :

« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Macron, et le Verbe était Macron »

Surtout si, forte de ses précieux conseils, la France remporte la prochaine Coupe du Monde de football et se préserve ainsi (temporairement) des douleurs que ne manqueront pas d’apporter les maux à venir…

Mais c’est évidemment une autre histoire !

[1] Je sais ce que ce mot peut avoir d’« ancien » mais j’y tiens car il me vient de mon enfance en Vendée, et, pour être plus précis, de ma grand-Mère maternelle, ex-doyenne du Département, décédée à l’âge de 106 ans en 2005, qui a connu trois siècles différents, pour laquelle j’ai toujours le plus grand respect et que j’aspire évidemment à dépasser…

Que signifie-t-il ? Tout simplement « parler beaucoup et sans réflexion », exactement ce que nous subissons aujourd’hui, constamment entourés de « bavasseurs » impénitents…

Que le « vieux » français peut être bon pour les « anciens » dont je suis fier de faire partie !

[2] Illustré une nouvelle fois, il y a deux jours seulement, par le « pognon de dingue » des aides sociales.

[3] Parlez-vous le Macron ?, article publié dans « le Parisien » du 2 février 2018, dans lequel on retrouve ce que sont, entre autres, l’illibéralisme, l’irénisme, l’ipséité, le palimpseste et l’inévitable disruption…

[4] "Impuissanter", "impuissantée"… Mais que cherche à nous dire Macron ?, article mis en ligne sur le site de Marianne le 17 avril 2018. On peut y lire que « pour marquer sa volonté dans le dossier syrien, Emmanuel Macron a fait de l'impuissance un verbe qu'il adresse à l'ONU, à la morale et, en creux… à son prédécesseur.

Qu'on se le dise, notre "chef de guerre" est aussi chef du dictionnaire. Et cela va même de pair. Ainsi par deux fois cette semaine - dimanche face au duo Bourdin-Plenel et ce mardi 17 avril devant le parlement européen - Emmanuel Macron a-t-il utilisé, les deux fois en parlant de la situation en Syrie, un verbe qui n'existe pas : "impuissanter".

[5] « Bottom up » : quand Macron se prend les pieds dans le franglais, article publié dans « le Parisien » du 1er avril 2018, et ce n’est pas une blague !

[6] La « délicieuse » bourde de Macron en Australie, article publié le 3 mai 2018 sur le site du Point.

[7] "J'ai un ethos de droite" : qu'a voulu dire Macron avec cette phrase ?, article publié dans le JDD le 22 mai 2018.

[8] Avec de passionnantes incursions (ou « excursions » ?) chez les Philosophes grecs, évidemment, ainsi que, par ordre alphabétique et « en même temps » dans le désordre, chez Alain, Althusser, Comte, Hegel, Heidegger, Husserl, Kierkegaard, Merleau-Ponty (liste non exhaustive comptant, comme on le voit, de nombreux représentants de la phénoménologie, courant philosophique dont la diffusion en France s’est faite en partie grâce aux travaux de… Paul Ricoeur), sans oublier Camus, Lévi-Strauss et Tocqueville.

[9] Edition de 1877.

Le Club Mediapart est l'espace de libre expression des abonnés de Mediapart. Ses contenus n'engagent pas la rédaction.

Plus: Sur les mots de Macron