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Source: lavie.fr par Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction

Macron tant d'espoirs décus après 14 mois d'exercice du pouvoir

Le solaire et le solitaire

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« Que s’est-il passé chez vous ? » Alors que le pouvoir, en Italie, passait à une coalition populiste aux accents inquiétants, j’avais interrogé une ancienne ministre de Renzi. Comment un président du Conseil qui avait réussi à briser les codes et les pesanteurs de la classe politique traditionnelle avait-il pu si vite passer de la gloire au rejet ? Pourquoi une telle ruine, après de telles promesses. « Très simple, m’avait-elle expliqué. Renzi était seul. Il ne croyait qu’en lui-même. Nous n’existions pas. L’extrême personnalisation du pouvoir est la seule et unique cause de son échec et de l’arrivée des populistes. » Elle voyait bien que je serais tenté d’extrapoler. « Heureusement, cela ne vous arrivera pas, avait-elle ajouté le plus sérieusement du monde. Car chez vous, Macron n’est pas seul… n’est-ce pas ? » Mais le macronisme, c’est Macron. Le reste n’est que seconds couteaux, concours de circonstances et coquilles vides. Le départ à grand fracas et le remplacement à petits frais de Nicolas Hulot en ont apporté une nouvelle fois la preuve, aussi éclatante que désolante.

Sous les dorures du palais, le pouvoir se contemple dans son miroir. Celui-ci sait y faire. Il en a vu tant d’autres ! Alors, il dit au jeune Président qu’il est beau, qu’on l’aimera, que le printemps durera toujours. Qu’il peut bouger les pions, s’il veut. Que cela suffira à faire croire qu’il déplace les montagnes. Dès que l’on regarde par la fenêtre, il en va autrement. En dehors du Président, en dehors du palais, en dehors de la cour, c’est le désert. Et dans ce désert, personne ne crie. Personne ne sait. Personne n’avertit. Personne ne compte. Tout doucement, les bévues sans importance, les maladresses langagières, les incidents de parcours se mettent à faire système. Macron le solitaire a éclipsé Macron le solaire. Il l’a hollandisé. Il l’a giscardisé.

L’affaire Benalla semble déjà aussi ancienne que dérisoire. On ne parle plus du pouvoir qui ose réformer, mais du pouvoir d’achat qui s’érode. 

Certains lecteurs avaient trouvé que nous en faisions trop à propos de l’affaire Benalla, qu’il ne fallait pas crier avec les loups. Peut-être avaient-ils raison. Mais de nos jours, il n’est pas d’autorité sans exemplarité. Et il n’est pas de fidélité sans impatience. Tout passe, tout casse, tout lasse plus vite qu’autrefois. L’extrême médiatisation s’accompagne de la plus rapide désillusion. L’usure, ce poison lent, se fait corrosion instantanée. L’affaire Benalla semble déjà aussi ancienne que dérisoire. On ne parle plus du pouvoir qui ose réformer, mais du pouvoir d’achat qui s’érode. Et l’on se dit : mais qu’est-il arrivé à ce talent qui brillait ?

L’époque pousse aux choix de personnalités « hors système » ou « hors norme », donc charismatiques, autoritaires. C’est l’une des dimensions du populisme. Mais Macron comme Renzi sont des populistes paradoxaux. Ils incarnent ces valeurs que remet en cause la vague actuelle : le libéralisme, l’Europe, le multilatéralisme, le progressisme… Ils sont à contre-cycle. Ils jouent en défense d’un système génial, mais qui prend l’eau, une société dont les classes moyennes, les familles, les retraités, les salariés ne sont plus sûrs de retirer les bénéfices. Ce système de redistribution, objectivement, fonctionne de moins en moins bien. Il se montre aveugle devant la crise écologique, indifférent devant la croissance des inégalités, servile devant le pouvoir des technosciences. Excusez du peu ! Il moque l’insécurité culturelle, celle qui taraude ces pauvres Gaulois et nombre de leurs voisins. Il divorce un peu partout du peuple, après avoir cru le séduire et le sauver de ses démons. Cela n’a rien de réjouissant. Car si Macron échoue, comme Renzi a échoué, les solutions de rechange ne sont pas très rassurantes, ou pas très convaincantes… Voilà pourquoi il est urgent de remanier non le gouvernement, mais le Président. Après Macron le solitaire, Macron le solidaire ? Voyons donc si le plan pauvreté, annoncé pour le 13 septembre, sera à la hauteur du défi. Et songeons qu’après tout, il reste trois ans et demi.

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