JustPaste.it

 

Marine Le Pen : « Je ne suis pas dans la revanche avec Emmanuel Macron »

VIDÉO. Enterrée après le débat présidentiel, la présidente du RN est redevenue la principale opposante d'Emmanuel Macron. Entretien avec une convalescente. PROPOS RECUEILLIS PAR HUGO DOMENACH

« Je vais très bien ! » Le ton est enjoué. Assise à son bureau de l'Assemblée nationale couvert de documents et de dossiers épars, Marine Le Pen ne surjoue pas. Peut-être savoure-t-elle quelques éclaircies récentes, les premières depuis un long moment. Laissée pour morte et enterrée après ce maudit débat de la présidentielle, poursuivie par la justice dans l'affaire des assistants parlementaires fictifs du parlement européen, plombée par des problèmes de trésorerie, empoisonnée par sa propre famille, Marine Le Pen bouge encore. Et s'impose à nouveau comme la principale opposante d'Emmanuel Macron.

Un retour en grâce qu'elle doit en partie à la colère d'une partie des Français contre le président de la République, ainsi qu'à la disgrâce de Laurent Wauquiez et de Jean-Luc Mélenchon, mais aussi à elle-même. Entre soutien distancié et fermeté républicaine, elle a été la personnalité politique la plus habile depuis l'émergence du mouvement des Gilets jaunes. Le Rassemblement national (ex-FN) apparaît comme le favori des prochaines élections européennes au coude-à-coude avec La République en marche. Cependant, son parti reste toujours un catalyseur de colères, ne s'impose pas comme une alternative crédible au gouvernement et sa reconstruction n'est pas complètement terminée. Entretien avec une convalescente.

Le Point : Vous vous imposez à nouveau comme la principale opposante à Emmanuel Macron. Avez-vous repris goût à la vie politique  ?

Marine Le Pen : Je n'ai jamais perdu goût à la politique – même si c'est ce qui s'est raconté dans les rédactions. Du sang de marin coule dans mes veines. Quand il n'y a pas de vent, ça ne sert à rien de hisser les voiles. Il faut aller dans la soute et faire toutes les réparations nécessaires pour être prêt quand le vent soufflera à nouveau. J'ai senti qu'il n'y avait plus de vent après l'élection présidentielle. Une partie des gens avaient une forme de saturation à l'égard de la politique. Une autre attendait pour pouvoir porter un jugement sur l'action d'Emmanuel Macron. C'est la raison pour laquelle j'ai passé une année qui, certes, n'était pas très spectaculaire sur le plan médiatique, mais a été extrêmement utile à l'intérieur du mouvement pour mener une refondation, une réorganisation des services, des fédérations, pour présenter le changement de nom qui était audacieux. Je voulais être prête pour le moment où les Français allaient de nouveau prendre goût à la politique, qu'ils auraient pris conscience du tableau politique qu'Emmanuel Macron est en train de dessiner par pixels successifs.

 

Considérez-vous ces élections européennes comme une revanche de la présidentielle  ?

Je ne suis pas du tout dans cet état d'esprit. Quand une élection est passée, elle est passée. Ce qui m'intéresse, c'est l'élection suivante. Bien sûr que j'installe ce duel parce qu'il correspond au clivage que j'ai théorisé et que le Rassemblement national a contribué à mettre en place. Il porte sur un vrai choix de société : est-ce qu'on structure la politique autour de la nation et de la protection ou la structure-t-on autour du mondialisme comme le fait Emmanuel Macron  ? Nous sommes cohérents. En marche  ! est cohérent. Les autres partis sont en difficulté parce qu'ils portent une incohérence liée à la coexistence de sensibilités différentes entre leurs adhérents et leurs cadres.

Le RN a démarré sa campagne des européennes très tôt. S'agit-il d'une stratégie pour éviter de laisser Emmanuel Macron saturer l'espace médiatique avec le grand débat ?

 

J'ai pressenti qu'Emmanuel Macron se servirait des événements nationaux autour des Gilets jaunes pour commencer une campagne des européennes qui ne dit pas son nom. Il fallait donc être prêts à faire campagne contre lui. Je pense ne pas m'être trompée, car ce grand débat n'a rien à voir avec le fait de recueillir l'avis des Français. En réalité, c'est une campagne européenne payée et organisée avec l'argent des contribuables.


Vous avez durement critiqué le traité d'Aix-la-Chapelle. Selon vous, il prévoit que la France partage son siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies avec l'AllemagneCe qui est totalement faux…

Ce texte dit deux choses. Que l'objectif de la diplomatie française est de permettre à l'Allemagne d'obtenir un siège au conseil de sécurité. Ce qui m'apparaît déjà légèrement problématique. Je pense que la diplomatie française a bien d'autres objectifs prioritaires que de permettre à l'Allemagne de venir s'asseoir au Conseil de sécurité. Il fait également état d'une volonté de coopérer de la manière la plus étroite qui soit dans tous les organes de l'ONU et de coordonner étroitement nos positions allant même jusqu'à échanger des diplomates. C'est une forme de partage, car le siège de la France n'est plus le représentant de la voix et des intérêts de la France, mais se coordonne avec la voix et la défense des intérêts de l'Allemagne.

Vous avez dit que l'Allemagne mettait sous tutelle une partie de l'Alsace… N'êtes-vous pas allée trop loin  ?

J'ai dit qu'on créait les conditions d'un Eurodistrict qui permettait une tutelle de la France, ce qui ne me pose pas de problème, mais aussi de l'Allemagne, ce qui m'en pose un énorme. C'est anticonstitutionnel. Je ne suis pas la seule à le penser. Un certain nombre de professeurs de droit émérites et de constitutionnalistes le pensent aussi.

Lire aussi Luc de Barochez - L'Alsace plus allemande, quelle chance  ! 

Votre Europe des nations prévoit que « le Conseil reprenne la main », que le Parlement « mette les textes en musique », et que la Commission devienne « un secrétariat technique ». Ces changements sont-ils envisageables sans une modification des traités européens  ?

De toute façon, les traités actuels ne cessent de bouger. Ils bougent sous la pression politique et Dieu merci. Parce qu'un traité, ce n'est que l'expression d'un accord commun. Si aujourd'hui l'immense majorité des pays de l'Union européenne sont en désaccord avec le fonctionnement de cette organisation alors évidemment que les traités vont évoluer. Le Quantitative Vising (type de politique monétaire qui a permis, notamment, à la BCE d'acheter des titres de dettes d'État à hauteur de 60 milliards d'euros par mois, entre mars 2015 et septembre 2016, NDLR), par exemple, a été fait en violation totale des traités pour répondre à la crise financière.

Lire aussi Europe : ce que cache le discours de Marine Le Pen

Votre « Alliance européenne des nations » repose donc sur la transgression des traités ?

Je crois que pour la première fois, on peut transformer radicalement le fonctionnement de l'Union européenne. Il s'agit de transformer l'Union en une alliance, l'Alliance européenne des nations, où les membres ne seraient plus contraints comme ils le sont aujourd'hui, y compris par la menace ou le chantage, mais seront des alliés qui décident dans tel ou tel secteur de coordonner leur politique ou de faire des projets en commun. C'est notre ambition. C'est pour ça que nous nous battons. Nous pensons que l'Union européenne a déconsidéré l'idée européenne.

Donc, votre projet est de faire évoluer l'Europe de l'intérieur  ?

Bien sûr. C'est la raison pour laquelle nous avons pu évoluer sur ce sujet. Jusqu'en 2017, nous n'avions que deux choix : nous soumettre à l'Union européenne ou en sortir. Ceux qui disaient pouvoir la changer de l'intérieur mentaient puisqu'ils n'avaient aucun allié pour le faire. Nous étions isolés dans cette volonté de retrouver la voie de la démocratie, de la protection, d'une véritable écologie, la maîtrise de nos frontières. Mais depuis les choses ont profondément changé. Aujourd'hui se dégage ce que j'espère être une majorité de pays et de forces politiques qui partagent notre souhait de voir fondamentalement changer cette Union européenne.

L'Union européenne n'est-elle pas déjà une Europe des nations puisque c'est le Conseil européen, composé de chefs d'État et de gouvernement, qui a le plus de pouvoir et qui a le dernier mot sur un Parlement élu par les peuples, parfois au détriment de l'intérêt général de l'Europe  ?

Non nous ne somme absolument pas dans une Europe des nations. Premièrement, parce que c'est la Commission qui a l'initiative législative. Deuxièmement, on voit bien qu'il y a un fonctionnement autonome de la Commission. C'est elle qui exige et on ne peut qu'appliquer ses exigences. Elle s'élève contre les États qu'elle considère comme récalcitrants notamment lorsqu'ils refusent de faire entrer des migrants sur leur territoire.

Lire aussi Européennes : Viktor Orbán dessine une autre Europe

Pourtant la Commission se contente de proposer ce que souhaitent les États membres. Par ailleurs, elle est indispensable au fonctionnement de l'Union européenne, car elle veille à ce que ces derniers respectent les traités. Peut-on vraiment s'en passer  ?

La Commission est composée de technocrates non élus. Et c'est tout le problème démocratique de cette organisation européenne. Ils ont une tendance au fur et à mesure du temps à s'accorder des pouvoirs qu'ils n'auraient jamais dû détenir et qu'ils ne devaient pas imposer aux différents peuples. Or, que nous propose Emmanuel Macron, très fragilisé sur la scène européenne, associé à une Merkel en pré-retraite  ? C'est d'accélérer le fédéralisme européen, c'est-à-dire accélérer encore la perte de pouvoir des nations dans le processus de décision de l'Union européenne. Et donc des peuples, car, par définition, dans une démocratie, ce sont les peuples qui composent les nations.

Pourriez-vous clarifier la position du Rassemblement national sur l'euro une bonne fois pour toutes ?

La décision a été prise il y a un an et demi. Chacun fait mine de ne pas comprendre. J'ai l'impression que les journalistes sont tristes que l'on ait clarifié notre position. Ne plus avoir cet os à ronger semble les plonger dans une grande affliction. Nous avons considéré en juillet 2017, en entendant ce que le peuple français nous avait dit, que l'euro n'était plus un sujet prioritaire et qu'il serait traité après le problème de la souveraineté territoriale, législative, commerciale, budgétaire, etc. Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas, dans le courant de ce processus, réfléchir à une modification profonde de la gouvernance monétaire. Si nous obtenons des modifications de la gouvernance de cette monnaie qui font que les côtés les plus pervers et néfastes sont atténués, alors nous n'auront pas besoin d'en sortir. Si on s'aperçoit qu'il n'est pas possible de changer cette gouvernance, ou que les effets néfastes de la monnaie continuent à exister, alors nous remettrons ce problème sur la table.

Une liste de Gilets jaunes devrait voir le jour lors des Européennes.D'autres vont peut-être suivre. Ces listes ne risquent-elles pas de diviser les électeurs du RN  ?

Je ne crains rien. Moi, je ne pense pas à l'intérêt de mon mouvement, mais à celui de mon pays. Les Gilets jaunes défendent la même chose que nous, donc ce serait un bénéfice pour le pays. Emmanuel Macron cherche par l'intermédiaire d'un certain nombre de ses amis à canaliser tout cela. Personne n'a été dupe concernant l'intervention de Bernard Tapie (l'homme d'affaires avait prêté début janvier les locaux du journal La Provence à des Gilets jaunes, NDLR). Mais ça ne fonctionnera pas. L'immense majorité des Gilets jaunes souhaitent conserver leur indépendance et ne sont pas dupes de ce type de manœuvres politiciennes.

Lire aussi Les Gilets jaunes, alliés ou rivaux de Marine Le Pen ?

Macron a dit devant des proches que vous avez été la meilleure depuis le début du mouvement. Êtes-vous d'accord avec lui  ?

Je n'ai aucune réaction à avoir. J'observe qu'un mouvement populaire a exprimé des revendications, toutes présentes dans le projet présidentiel que j'ai porté en 2017. Nous étions au plus près de la vie quotidienne des Français, de leurs inquiétudes, de leurs espérances. Ces revendications se sont transformées en crise politique à cause du problème fondamental de la représentativité dans notre pays. Comme je suis une républicaine et une démocrate et que je suis très attachée à notre Constitution, j'ai proposé la seule solution qui m'apparaissait démocratique pour sortir de la crise : un plan d'urgence qui instaure la proportionnelle intégrale. Mon plan prévoit également la mise en œuvre du référendum d'initiative citoyenne (RIC), la baisse du nombre de parlementaires et, dans un troisième temps, la dissolution et le retour aux urnes. Je pense que de toute façon, on y arrivera.

Lire aussi Les indiscrets du « Point » - Pour Emmanuel Macron, Marine Le Pen a été « la meilleure »

Selon vous, le grand débat sera inefficace pour apaiser la colère d'un certain nombre de Français ?

Emmanuel Macron essaie de gagner du temps avec le grand débat. Il n'a pas pris la mesure de ce qu'il se passe. Il n'a pas compris, une fois de plus, ce qui se déroulait dans le pays. Tout est déjà écrit : il y aura un référendum qui sera soi-disant la conséquence des travaux du grand débat. Il posera cinq questions dans lesquelles on retrouvera les quotas d'immigration. C'est un plan de com. Macron continue à défendre son idée sans dévier, sans varier, sans écouter, sans entendre.

9afce988e608eb8d19499c77e1857ddb.jpgMarine Le Pen et Emmanuel Macron à l'Elysée.

Les Gilets jaunes forment le cœur de votre électorat. Sauf que leur défiance vis-à-vis de la politique et des institutions ne vous épargne pas. Finalement, leur existence n'est-elle pas la preuve vivante de l'éternelle impuissance politique du RN  ?

C'est lié au mode de scrutin. Nous avons 7 députés sur 577, Jean-Luc Mélenchon en a 17 alors qu'à nous deux, sans évoquer aucune convergence, nous avons fait 40 % à l'élection présidentielle. Jean-Luc Mélenchon devrait avoir 80 députés. Le Rassemblement national devrait en avoir 120 ou 130. Les députés LREM ont une illusion de majorité. Ils croient que, parce qu'ils sont majoritaires à l'Assemblée nationale, ils sont majoritaires dans le pays. C'est un fait qui devrait scandaliser tous ceux qui sont attachés à la démocratie. Il est là le problème fondamental. Tous ces débats qui ont lieu aujourd'hui dans la rue devraient avoir lieu à l'Assemblée nationale.

Jusqu'ici, les Gilets jaunes ont obtenu plus de résultats en occupant les ronds-points et les grandes avenues parisiennes qu'en votant pour vous. Craignez-vous une abstention massive de leur part ?

Ça fait longtemps que ce manque de représentativité dure et, malgré cela, notre électorat a plutôt tendance à se mobiliser, précisément lorsqu'il sait que son vote va être utile. Ce sera le cas lors des élections européennes puisqu'il s'agit d'un scrutin proportionnel.

Pourquoi demander la dissolution de l'Assemblée nationale alors que beaucoup de Gilets jaunes ne la demandent pas  ?

Ils ne demandent pas la dissolution, ils demandent la démission d'Emmanuel Macron. C'est encore pire.

Pas vous  ?

Non, car je suis respectueuse des institutions. Je comprends que le sentiment d'injustice les pousse à réclamer la démission d'Emmanuel Macron, mais je viens leur dire qu'il y a une autre solution : le retour aux urnes avec un mode de scrutin proportionnel. D'ailleurs, quand on écoute les revendications des Gilets jaunes, ça ressemble fichtrement à un projet législatif.

Lire aussi « La foule est le plus mauvais décideur politique qui soit »

L'immigration n'est pas un sujet prioritaire des Gilets jaunes. La maîtrise des frontières ne figure pas dans la liste des 42 revendications issue d'une consultation sur Internet. Or votre mouvement en fait toujours une de ses priorités…

Je suis en désaccord avec vous, car l'intégralité des gens que je connais qui sont allés sur les ronds-points m'ont dit que les Gilets jaunes évoquaient le sujet de l'immigration. Pour une raison très simple d'ailleurs, c'est qu'ils ont un président de la République qui leur explique qu'il n'y a plus un sou dans la caisse. Et qui leur dit : « Vous nous coûtez un pognon de dingue. » Or les gens considèrent de manière légitime que, si vraiment il n'y a plus de sous dans la caisse, il faut arrêter de dépenser de l'argent en accueillant toute la misère du monde. Il faut réserver les aides sociales aux Français. C'est un vrai sujet de débat sur les ronds-points. Si on en parle moins devant les caméras, c'est un peu la conséquence du politiquement correct.

Votre objectif était de faire du RN une plateforme rassemblant les opposants de La République en marche derrière vous. Aujourd'hui, on est loin du compte. Comment l'expliquez-vous  ?

 

La vie politique n'est pas structurée autour de deux pôles. Elle reste structurée autour de plusieurs courants politiques, ce dont je me réjouis. La France n'est pas les États-Unis. Il n'y a pas les conservateurs et les démocrates. La France restera un pays avec des mouvements aux sensibilités diverses et qui les expriment d'ailleurs plus facilement lors des élections à la proportionnelle puisque chacun peut espérer obtenir des représentants.

En revanche, le FN a changé de nom. Il est devenu le Rassemblement national. Nous lui avons donné de la chair. Nous avons ouvert le mouvement et mis en place les conditions d'un rassemblement de gens qui ont un parcours différent, mais qui considèrent que, sur l'essentiel, il est utile et important de combattre ensemble. Nous avons accueilli Thierry Mariani, Jean-Paul Garraud, quelqu'un de la société civile comme Hervé Juvin, et il y en aura peut-être d'autres, lors de futures élections.

Vous n'avez pas attiré d'élus en activité ni de chefs de parti. Est-ce un aveu d'impuissance  ?

Pourquoi je voudrais attirer à moi des chefs de parti  ? Ça n'aurait pas de sens...

Vous avez essayé avec Dupont-Aignan…

Si on avait fait une liste commune avec lui, ça aurait été une alliance. Il serait resté le président de Debout la France (DLF). Il n'a jamais été question de fusion. Culturellement, compte tenu de son mode de scrutin, l'élection européenne n'est peut-être pas non plus la plus simple pour envisager des unions. Donc, je me laisse du temps.

 

Pourquoi Nicolas Dupont-Aignan, qui avait accepté une alliance avec vous lors de l'entre-deux-tours de la présidentielle, a-t-il refusé votre main tendue  ?

Je ne sonde pas les cœurs et les reins de Nicolas, qui ne dit d'ailleurs pas toujours ce qu'il pense. J'estime qu'il a souhaité mener une aventure personnelle. Il croit qu'il a la possibilité de remplacer LR et imagine qu'il ne pourrait pas le faire s'il était allié dans une grande liste souverainiste. Sauf qu'à mon avis, il commet une erreur d'analyse, car il n'a pas intégré le nouveau clivage. Il est encore dans un clivage gauche/droite et espère faire l'union des droites. On ne sait pas lesquelles d'ailleurs.

Lire aussi Dupont-Aignan : « Marine Le Pen devrait tirer les leçons de son échec à la présidentielle »

Ce qui vous arrange puisqu'il affaiblit LR…

Ce qui ne me pose pas de difficultés sur le principe, car je suis contre le mariage forcé ni sur les conséquences politiques que ça peut avoir. Son projet est tellement proche du nôtre. C'est vrai que depuis la présidentielle, c'est de plus en plus compliqué. Mais il sera à nouveau un compagnon de route à l'avenir.

Ce manque de ralliements n'est-il pas la preuve que le front républicain est encore vivant et que le RN n'est toujours pas un parti de gouvernement crédible  ?

Le front républicain, c'était l'UMPS. L'UMPS, c'est En marche !. Ils sont les défenseurs du mondialisme et Juppé a rejoint ce pôle politique. Et puis, il y a les nationaux, qui attirent eux-mêmes ceux qui sont attachés à la souveraineté à la nation. Le RN est devenu un pôle de rassemblement à vocation majoritaire. Ça fait longtemps que j'ai cette idée en tête. C'était l'objectif que je m'étais fixé quand j'ai repris Génération Le Pen en 2002. C'est un long processus, un long travail. Nous sommes sur une forte dynamique et l'avenir s'annonce radieux.

Que pensez-vous de François-Xavier Bellamy, pressenti pour être la tête de liste de LR pour les européennes  ?

Je le connais mal, mais je pense qu'une tête de liste est un symbole. C'est quelqu'un qui incarne une ligne politique ou un projet d'avenir que l'on souhaite mettre en œuvre. Or, Bellamy incarne une droite conservatrice qui n'est pas obligatoirement susceptible de parler aux classes populaires. Je pense que c'est un choix politique réducteur et contradictoire pour LR. Monsieur Wauquiez avait expliqué qu'il souhaitait parler aux classes populaires. Là, il leur ferme la porte au nez symboliquement. Or, la politique, ce sont des symboles.

Lire aussi François-Xavier Bellamy, le philosophe que la droite courtise

Quel jugement portez-vous sur l'action de Laurent Wauquiez à la tête des Républicains  ?

M. Wauquiez est à la tête d'une formation politique qui souffre d'un double handicap. Avec la fausse alternance mécanique droite/gauche, LR a pris l'habitude d'attendre le pouvoir comme s'il lui revenait de droit divin. Résultat, l'appareil LR ne travaille pas et ne produit plus rien, ni analyse, ni concepts, ni idées, ni projet. Ils sont absents de tous les débats. Et puis surtout LR est traversé en son sein par le clivage nationaux/mondialistes et donc, frappé d'une sorte de sidération qui le paralyse définitivement.

8fb977ccf91f925568d34298e01631e8.jpgJordan Bardella est tête de liste pour le RN aux européennes.Jordan Bardella est-il le symbole du Rassemblement national ?

Évidemment, c'est un symbole de la méritocratie républicaine, également de l'écoute que nous avons à l'égard des classes populaires, car il est issu d'un milieu modeste et de la banlieue. C'est aussi un symbole d'avenir, car on pense qu'il était important de confier à un jeune le soin de porter cette idée d'une nouvelle Europe. Donc, effectivement, Bellamy et Bardella, ce sont deux symboles contraires.

Lire aussi Qui est Jordan Bardella, la tête de liste du RN pour les européennes ?

Bardella a un profil plus similaire à celui de Manon Aubry, la tête de liste de La France insoumise…

Manon Aubry est un symbole choisi par La France insoumise. Elle est quand même très spécialisée dans un domaine très précis : l'évasion fiscale. Je pense qu'il y a beaucoup d'autres sujets dont il faut quand même qu'elle parle.

Publié le 26/01/19 à 07h30 | Source lepoint.fr