JustPaste.it

Accusation de viol contre Nicolas Hulot : « On nage en pleine télé-réalité ! »

lepoint.fr par Nicolas Bastuck

 

Accusation de viol contre Nicolas Hulot : « On nage en pleine télé-réalité ! »

ENTRETIEN. L’avocat de l’ancien ministre, Me Alain Jakubowicz, assure que les faits diffusés ce soir dans « Envoyé spécial » mettant son client en cause sont prescrits.

« Je vais quitter la présidence d’honneur de ma fondation, œuvre de ma vie […], pour les protéger des salissures. » Coup de tonnerre ce mercredi sur BFM TV, où Nicolas Hulot a annoncé qu’il quittait la vie publique. La cause ? La diffusion ce jeudi d’une enquête dans Envoyé spécial où la parole est donnée à des femmes qui accusent l’ancien présentateur d’Ushuaïa Nature et ex-ministre de la Transition écologique d’agression sexuelle et de viol. Son avocat, Me Alain Jakubowicz, explique au Point pourquoi Nicolas Hulot a refusé de s’expliquer sur le plateau de l’émission.

Le Point : La production d’Envoyé spécial a proposé à Nicolas Hulot de venir s’expliquer ce soir, sur le plateau de l’émission dans laquelle plusieurs femmes le mettent en cause, l’accusant de viol ou d’agression sexuelle. Votre client s’y refuse. Pourquoi ?

Me Alain Jakubowicz : Nous avons demandé à Élise Lucet et aux auteurs du reportage – que personne n’a vu – de nous en fournir une copie afin que nous puissions le visionner et préparer nos réponses. Mme Lucet s’y est refusée, se contentant de nous donner à voir quelques bribes de l’émission, sélectionnées par elle. Élise Lucet nous dit « venez, regardez et défendez-vous », comme si nous étions convoqués par la PJ ou devant un procureur. Elle considère qu’à partir du moment où elle nous donne la possibilité de parler elle applique et respecte le principe de l’enquête contradictoire. Alors que pas du tout ! Dans le procès judiciaire, qui est le seul qui vaille, le mis en cause est informé des faits qui lui sont reprochés avant de devoir s’en expliquer ; il connaît l’identité des plaignantes qui le mettent en cause avant d’être confronté à elles ; il bénéficie d’un avocat et dispose du dossier. On aimerait au moins savoir qui sont les personnes qui accusent Nicolas Hulot, et de quoi, c’est le minimum. Eh bien, non, Mme Lucet s’y refuse ! Elle invoque le « secret des sources », mais ça n’a rien à voir ! On ne parle pas ici de « sources », mais d’accusations, et elles sont extrêmement graves. Le contradictoire aurait voulu que l’on puisse voir le film, faire le point avec notre client et qu’ensuite celui-ci vienne éventuellement s’expliquer. Mais ce n’est pas la démarche qui nous a été proposée. Mme Lucet nous a dit : « Que Nicolas Hulot vienne sur notre plateau ; comme ça, on le filmera en train de regarder l’émission et ensuite on lui donnera la parole. » J’imagine déjà la tête consternée d’Élise Lucet. Ce n’est pas du journalisme, encore moins de la justice, mais de la télé-réalité. On nage en plein voyeurisme. C’est la Star Ac en beaucoup plus glauque et je le dis : ce procédé est terrifiant ! Il l’est d’autant plus qu’on dira ensuite « si Nicolas Hulot a refusé de venir s’expliquer, c’est parce qu’il est coupable ». Franchement, il y a de quoi être inquiet !

À LIRE AUSSIJustice – Roman Polanski, Adèle Haenel : ne bafouons pas le droit  !

Que savez-vous des faits évoqués dans le reportage ?

Il y a deux séries de faits dénoncés : une fellation ou une tentative de fellation [un crime en droit, NDLR], prétendument commise dans un parking, en 1989, sur la personne d’une lycéenne de 16 ans. Et des agressions sexuelles [des délits]. Tout est prescrit en tout état de cause.

Le réquisitoire et la condamnation sont prononcés en direct, devant des millions de téléspectateurs. Je le dis : c’est scandaleux et dégueulasse.

En êtes-vous sûr ?

Oui, il n’y a d’ailleurs aucune enquête en cours sur ces faits. Rien n’empêche une victime de venir s’en plaindre, mais il me semble que les journalistes ne devraient pas les reprendre de cette façon car, à partir du moment où les faits sont prescrits – et c’est tout le paradoxe –, le mis en cause ne peut plus s’en défendre, en tout cas dans le cadre d’un vrai procès, mené de manière équitable et contradictoire, dans le respect des règles d’un État de droit. Comme ce n’est plus possible, à quoi assistons-nous ? Le procès médiatique vient se substituer à l’action judiciaire, devenue impossible, ces deux voies parallèles étant faites pour ne jamais se rencontrer. Qu’a dit le procureur de Saint-Malo en classant la plainte de Pascale Mitterrand [la fille de Gilbert Mitterrand, fils de l’ancien président, avait accusé Nicolas Hulot de viol en 2008], qui n’a jamais souhaité médiatiser son affaire ? Qu’ils étaient non seulement prescrits, mais insuffisamment établis, ce sont ses termes. Peu importe, on continue de les évoquer comme s’ils avaient eu lieu en dénonçant au passage le principe de la prescription. Dans les médias, le réquisitoire et la condamnation sont prononcés en direct, devant des millions de téléspectateurs. Je le dis : c’est scandaleux et dégueulasse.

À LIRE AUSSIQuels faits derrière les démentis de Nicolas Hulot

En quoi ?

Dans ce type d’affaires, c’est souvent la parole de l’un contre celle de l’autre. Le doute doit profiter à l’accusé, qui ne peut être poursuivi que sur la base de charges sérieuses, vérifiées et discutées de manière contradictoire. La parole de celle ou celui qui dénonce ne devrait pas primer sur celle du mis en cause. C’est pourtant ce qui se passe dans le procès médiatique. On assiste à un renversement total de la charge de la preuve, où celui qui est accusé doit fournir la preuve de son innocence alors que la parole de celui qui accuse se suffit à elle-même. Cette présomption de culpabilité est complètement folle, c’est la négation même du droit ! La plupart des avocats sont d’ailleurs choqués par ce procédé, qui constitue un dévoiement complet de notre système judiciaire.

N’est-ce pas sain, tout de même, que la parole des victimes se libère ?

Ce n’est pas la cause que je dénonce, mais la manière dont les choses se passent. Nous n’avons pas affaire à une enquête sérieuse, mais partiale, dans un dispositif vicié. Mme Lucet n’est pas une journaliste, mais une militante. La plupart de ses prétendues enquêtes sont menées à charge. Bravo le service public !

Dans quel état d’esprit votre client aborde-t-il la diffusion de l’émission ?

C’est horrible, que voulez-vous que je vous dise ? Nicolas Hulot sait qu’il n’y aura jamais de procès, mais qu’il est condamné quand même, qu’il ne pourra jamais se défendre, qu’il est voué à rejoindre le camp des réprouvés. Les femmes qui l’accusent sont-elles crédibles parce qu’elles sont femmes, parce qu’elles dénoncent des atteintes sexuelles et parce que c’est Nicolas Hulot ? Je dis non !