Européennes 26 mai: Union de la droite et du centre
François-Xavier Bellamy à Nice Matin le 3 mai 2019
Source Nice Matin 4 mai 2019 (2 pleines pages)
Lors des rencontres - rédaction et lecteurs, les invités politiques ne rechignent jamais à avancer de quelques pas pour figurer au premier plan sur la photo. Lui, si. Bien que les sondages, qui ont fait passer les Républicains de 10 à 15 % en quelques semaines, lui soient de plus en plus favorables, François-Xavier Bellamy n'a pas encore attrapé la grosse tête.
Castaner en a-t-il trop fait au sujet de la Pitié-Salpétriére ? Là où d'autres auraient dézingué à tout-va, la tête de liste LR aux européennes nuance ses critiques. Les attaques le matin même d'Amélie de Montchalin, la secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, qui lui reproche "une vision passéiste" ? Bellamy répond à fleuret moucheté. Porte-flingue, très peu pour lui. C'est peut-être d'ailleurs parce qu'il se comporte aussi différemment des autres politiques que François-Xavier Bellamy est en train de devenir la nouvelle coqueluche de la droite.
A l'image de nombreux militants ou sympathisants LR, nos lecteurs sont tombés sous le charme hier matin. Le doyen de l'assistance est même allé jusqu'à pousser un cri du coeur à l'issue des débats. « Merci ! On attendait depuis si longtemps ! Vous faites souffler un vent de jeunesse. » Ce serait donc ça, l'effet Bellamy. Un mélange de nouveauté, de spontanéité, des convictions bien ancrées et une forme d'humilité qui lui fait systématiquement préférer le "nous" au "je". Bref, une autre manière de concevoir la politique dans une famille qui a trop souffert des divisions, des trahisons, des haines recuites et des batailles d'ego. Il y a fort à parier que ça ne durera pas. Si François-Xavier Bellamy continue sur cette lancée, il va finir par faire des jaloux.
« L'Europe doit redevenir plus charnelle »
Y a-t-il un effet Bellamy, dans la (relative) embellie du score promis aux Républicains ? L'intéressé fait profil bas. « L'élan n'est pas lié à une personne mais à une très belle équipe dont je suis le porte-parole. Nous avançons en parlant d'une seule voix pour représenter la pluralité des territoires. Cette équipe est cohérente. Nous avons un projet clair et fort pour faire en sorte que l'Europe se refonde. A côté de nous, une candidate très européenne (Nathalie Loiseau, [ndlr] a décidé de ne diffuser son programme que quinze jours avant l'échéance et je
le regrette. Il faut que chacun assume sa vision pour que les Français puissent faire un vrai choix. Je ne me laisse pas griser, je continue à travailler avec la même humilité.
Sa vision de l'Europe ?
« Le premier parti des jeunes, c'est l'abstention. Il faut parvenir à les convaincre que nous avons besoin de changer la façon dont l'Europe fonctionne, pour qu'elle nous renforce au lieu de nous fragiliser. Il faut qu'elle devienne quelque chose de plus charnel, c'est pourquoi nous voulons notamment élargir le dispositif Erasmus. L'Europe est un héritage précieux que nous devons à nos aînés qui ont construit la paix. Mais celle-ci n'est pas acquise pour toujours. Le terrorisme fait revenir le spectre de la guerre. Il faut donc agir pour que notre sécurité soit réellement préservée. L'Europe est aussi le lieu où il faut agir pour apporter un nouvel équilibre à la mondialisation, mais pas la mondialisation dérégulée qui déstabilise de surcroît l'environnement. L'Europe doit générer ce nouvel équilibre. »
La montée de la défiance envers l'Europe, exprimée par beaucoup, l'a dit-il frappé. « Mais je n'ai pas le droit de les traiter de populistes. La question est de savoir comment répondre à leurs inquiétudes. Le grand défi est de dire que nous croyons que l'Europe est nécessaire, mais qu'il faut réinventer la façon dont elle fonctionne. »
« Je refuse de me laisser caricaturer »
Vivement attaqué, lors son investiture à la tête de la liste LR, pour s'être opposé au mariage pour tous, pour son hostilité « à titre
personnel, sans la remettre en cause » à l'IVG et pour sa proximité avec Sens commun, François-Xavier Bellamy a été brièvement titillé sur ses positions personnelles... « Je ne me suis pas reconnu dans le personnage qui a été décrit. Mes convictions sont transparentes mais je refuse de me laisser caricaturer. Je n'ai pas eu d'engagement, contrairement à d'autres [il pense encore à Nathalie Loiseau, ndlr], sur des listes que je n'assumerais pas aujourd'hui. Je n'ai pas été contesté pour ce que j'ai dit ou écrit, mais pour une image qu'on a voulu donner de moi. »
« Retrouver de l'efficacité en sortant de la naïveté »
Le vrai défi, c'est que l'Europe retrouve son efficacité et il faut pour cela sortir de la naiveté. François-Xavier Bellamy entend que I'UE se batte à armes égales. La Chine et les Etats-Unis mènent des politiques commerciales et industrielles très affirmées. Notre marché est devenu une proie plutôt qu'une force. ll faut se défaire des pesanteurs accumulées, notamment mettre fin aux élargissements qui ont été trop rapides - c'est une grande différence que nous avons avec Emmanuel Macre! -, rejeter définitivement toute perspective d'adhésion de la Turquie et mettre en place des coopérations renforcées entre quelques Etats, par exemple pour l'Europe de la défense. Ces blocs de coopération permettront d'échapper au verrou de l'unanimité qui nous paralyse si souvent.
Il enchaîne : «Nous avons l'impression d'être les spectateurs d'une guerre commerciale qui se joue sans nous. Les marchés publics européens sont ouverts à 95 % aux acteurs internationaux alors que les marchés américains ne sont ouverts qu'à 30 % et ceux de Chine ferrnés. Il faut exiger une stricte réciprocité pour tous ceux qui veulent venir sur notre marché commun. Quand on exige de nos agriculteurs les standards écologiques les plus élevés au monde. on n'a pas le droit de leur tirer une balle dans le dos en faisant venir des produits qui ne sont pas soumis aux mêmes exigences.
Le candidat incite aussi la France à balayer devant sa porte. - Nous sommes les champions du monde des prélèvements obligatoires. Face à d'autres entreprises européennes, nous partons avec des boulets aux pieds. Il faut donc d'abord sortir de cette fiscalité pénalisante. Nous sommes très mal placés pour donner des leçons en Europe, même si les autres pays doivent, eux aussi, faire leur part du chemin, pour que nous parvenions à une harmonisation du taux de l'impôt sur les sociétés, comme cela a été fait sur la TVA. Des amendes lourdes ont déjà été imposées des entreprises, je pense aux Gafam, qui bénéficiaient de dérogations fiscales dans les Etats qui les hébergent. L'Irlande doit jouer le jeu. Il faut arriver à se mettre d'accord sur un taux cohérent d'imposition. Pour le travail détaché, le. salaire égal ne résout pas tout. Le vrai problème, ce sont les cotisations sociales qui doivent également être identiques partout.
D'ajouter : - En France, on a cette mauvaise habitude d'en faire deux fois plus en transposant de façon exagérée les règles communes. Il faut s'interdire la surtransposition, comme en Allemagne. Le dossier pour obtenir une subvention de la PAC est ainsi plus compliqué en France qu'outre-Rhin. Chez nous, l'administration complique la vie de ceux qui portent des projets.
« Chaque pays doit rester maître de sa politique migratoire »
Sur la question migratoire, le discours de François-Xavier Bellamy est fluide. Parfaitement rodé. De sa voix douce, il égrène des choix forts qui se veulent frappés au coin de la fermeté autant que du bon sens, dont il se fait te pédagogue. « Nous ne croyons pas à une vision migratoire coupée des réalités. Nous ne croyons pas que les flux migratoires soient une fatalité. On ne peut pas opposer le devoir d'humanitéet la nécessité absolue de protéger nos frontières. Une immigration trop massive a empêché l'assimilation de se réaliser pleinement. C'est aussi un miroir aux alouettes pour de jeunes étrangers qui ne trouvent pas chez nous l'Eldorado espéré. Il fout mettre fin à ces tragédies en Méditerranée et aux arrivées qui paralysent notre pays.
C'est pourquoi nous proposons une double frontière en Europe et en France, pour ne plus subir des migrations incontrôlées et accueillir décemment ceux qui ont besoin de notre solidarité. Il faut défendre ensemble les frontières extérieures de l'Europe. Isolés, les Etats ne seront pas plus forts, c'est une conviction qui nous sépare radicalement du Rassemblement National. C'est une évidence, la Grèce ne pourra défendre seule son territoire et ses iles. Il faut une stratégie coordonnée, mais pas contre la souveraineté des Etats. Chaque pays doit conserver la maîtrise de sa politique migratoire. Il ne s'agit pas seulement, comme l'a expliqué M.Macron, de se répartir des flux de migrants qui seraient une fatalité. Les demandes d'asile doivent ainsi être faites en dehors des frontières de l'Europe et il faut reconduire systématiquement dans leur pays ceux qui sont entrés de manière illégale. Tant que nous ne mettrons pas fin au laxisme, le business des passeurs continuera. » Concrètement, le candidat propose en particulier « le maintien d'une dérogation qui permet, par exemple, de réaliser des contrôles à la frontière franco-italienne. Nous proposons que cette dérogation ne soit plus fondée seulement sur le risque terroriste, mois devienne pérenne ».
Ce qu'il a dit:
• « Tite de liste aux européennes, ce n'était pas du tout une mission prévue pour moi. C'est la confiance de mon parti politique qui me porte.»
• « Le RN prétend défendre nos frontières mois ses députés ont voté notamment contre le système d'échange de fichiers PNR et contre le renforcement de Frontex. Ils votent contre tout ce qui peut nous renforcer. »
• « En matière migratoire, M. Macron veut organiser notre impuissance. Nous, nous voulons mettre fin à cette impuissance. »
• « Lo vraie question n'est pas d'être en marche ou non, mois de savoir vers où nous allons. »
« Reconstruire une barrière écologique »
Son projet en matière d'écologie ? « L'Europe est la bonne échelle pour agir à la transition écologique. En ayant en tête que la cause du problème est la mondialisation déséquilibrée, à l'origine de la catastrophe économique et sociale mais aussi écologique. Cette espèce de répartition des tâches à l'échelle internationale, qui voulait qu'on fasse l'industrie en Asie et des services et des loisirs en Europe, ne pouvait pas fonctionner... Quand un poisson est péché en Ecosse, il est souvent envoyé en Chine pour être traité, avant de revenir en Fronce pour y être consommé. Nos éleveurs d'agneaux sont en compétition avec des agneaux néo-zélandais qui ont fait 18 000 km et sont souvent vendus comme bio. »
Ces exemples donnés, François-Xavier Bellamy plaide pour l'instauration de garde-fous. « ll faut reconstruire un équilibre dans ce monde, à partir d'une barrière écologique, en appliquant à ceux qui importent en Europe les mêmes règles qu'à ceux qui y produisent. Il faut défendre une préférence européenne et foire appliquer les quotas carbone à ceux qui importent en Europe... Il faut également une préférence nationale. Notre doctrine de la concurrence empêche nos élus de privilégier des entreprises proches de leur territoire et contribue à la crise écologique. Ceci étant, le retour au local ne doit pas se faire au détriment de nos entreprises et de nos agriculteurs, qui ont besoin d'exporter. Le fatalisme les inquiète. Il faut des circuits courts, mois il ne faut pas s'y enfermer. »
Sa conclusion
Je suis simplement un professeur de philosophie. Philosophes, c'est ce que nous essayons de devenir tous ensemble. Mais jamais les grandes idées ne suffisent à tout dire de la complexité du réel. En politique, il faut être à l'écoute de ceux qui travaillent et agissent. »
Les réactions de lecteurs
Laurent Wauquiez est satisfait de son poulain.