Légende : Aurelyaya / ThePerfecteRock / PanthereRose
Le livre était posé là, sur la table du salon, prêt à être lu.
Elle était dans la cuisine, à préparer son repas tranquillement, sous l'œil attentif de ses deux chiens. L'un était blanc principalement, et un peu plus haut que l'autre, qui tendait entre le noir et le marron, suivant quelle lumière se reflétait sur lui. Tous deux étaient calmes et attendaient patiemment qu'elle finisse de se faire une assiette, en étant bien entendu à l'affut du moindre morceau de nourriture qui tomberait par terre par mégarde et les régalerait au passage. Rien pour cette fois, tant pis.
Revenue dans la pièce voisine, elle posa son assiette et ses couverts à côté de son roman, et s'apprêta à s'asseoir, quand elle remarqua qu'il lui manquait quelque chose. Son verre !
Elle retourna le chercher, mais ne le trouva pas à l'endroit laissé, pourtant persuadée de l'avoir sorti et déposé sur le plan de travail. Elle regarda autour d'elle, mais aucun signe de son verre. Après tout, elle avait sûrement oublié d'en prendre un. Elle tendit sa main vers le placard en bois de chêne afin de l'ouvrir. Elle sursauta en voyant son chat à l'intérieur qui lui sauta dessus. Au passage, il lui affligea quelques griffures au niveau de son cou. Comment avait-il pu se retrouver là ?
Désespérée par cette situation, elle monta lentement les marches de l'escalier pour rejoindre la salle de bain afin de désinfecter les blessures. Dans le silence de la maison, on pouvait entendre les hurlements provoqués par son ventre. Elle avait faim. Elle s'empressa de terminer à se soigner pour rejoindre la salle à manger. Mais avant qu'elle puisse y retourner, elle vit quelque chose qui la bouleversa.
L'un de ses chiens était au sol, il avait l'air d'agoniser. Il bavait et émettait des sons inquiétants.
Elle se rapprocha de lui affolée. Elle vit une étrange tâche noire sur le corps de ce chien si blanc qu'elle l'avait déjà perdu dans la neige un hivers. Cette tâche, en plus d'être étrange, grossissait.
Elle devenait de plus en plus volumineuse, et plus elle recouvrait le chien, plus celui-ci avait l'air de souffrir.
Elle ne savait pas quoi faire. Elle était seule dans cette grande maison au fin fond de la campagne. Elle ne pouvait appeler personne, il n'y avait pas de réseau. Elle ne pouvait pas aller chez le vétérinaire qui était à plus de deux heures de route d'ici, le chien serait mort avant d'arriver.
Elle se contenta, de le caresser et de le rassurer jusqu'à ce qu'il pousse son dernier souffle.
Le silence revint. Elle était toujours là, près de son défunt ami entouré du second chien et du chat, qui eux aussi avaient l'air triste. Ils avaient surement compris que leur compagnon était mort.
Cet animal divinement blanc était désormais noir comme la nuit.
Des larmes roulèrent sur ses douces pommettes rosés. Étrangement, la faim qu'elle avait ressenti quelques instants auparavant ne se manifesta plus, le chagrin lui coupa l'appétit. Elle ne comprenait pas ce qui avait causé la mort de son animal et pourquoi au lieu d'avoir du sang rouge, il avait du sang noir. Les braves bêtes encore en vie se posèrent sur les genoux de leur maîtresse. Elle eut un léger sourire en les voyant, elle les aimait plus que quiconque. C'étaient ses enfants. Elle passa sa main tremblotante dans les poils de son chien et de son chat. Elle finit par s'endormir assise par terre sur le sol, le dos contre le mur. La douleur avait vidé le peu d'énergie qu'elle avait en elle.
Soudainement, un bruit la tira de son sommeil, elle avait mal partout. Elle fait craquer ses muscles en s'étirant et se releva. Elle remarqua avec horreur que son chien mort n'était plus à ses côtés. Elle paniqua, les deux autres animaux se réveillèrent en sursaut. C'est à cet instant, qu'elle entends du bruit au rez-de-chaussée, elle s'empressa de descendre les escaliers, elle allait tellement vite qu'elle était à deux doigts de tomber à la renverse. Elle observa une fois devant la porte d'entrée qu'elle était ouverte. Mais le plus surprenant c'est que son chien devenu noir était là, debout et vivant. Que s'est-il passé ?
Comment était-ce possible ? Était-il réellement vivant ? Était-ce le fruit de son imagination ? Rêvait-elle ? Elle allait vite le savoir...
En à peine une seconde, le chien avait traversé l'entrée à toute vitesse pour se jeter sur elle.
Il avait l'air en colère et était agressif, il montrait les crocs et grognait à chaque pas.
Sans réfléchir, elle se releva et parti en courant. Elle n'avait pas d'autre choix.
Elle courut jusqu'à la porte de derrière. Elle sortit dehors sous la neige, ses pieds gelés s'enfonçaient dans la poudreuse. Elle allait le plus vite possible, elle pouvait entendre son chien la poursuivre. Il était plus rapide qu'elle et souffrait moins du froid, il allait assurément la rattraper.
Elle se retourna et vit son deuxième chien s'élancer dans la neige et se jeter sur son ancien compagnon. Il était féroce lui aussi et comptait bien défendre sa maitresse.
Les deux chiens s'entre-tuèrent sous le regard horrifié de leur maitresse qui ne savait que faire à part les regarder. L'animal maléfique ressortit gagnant de cette bataille au plus grand malheur de sa propriétaire.
Du sang dégoulinait de sa gueule grande ouverte. Une aura noire entourait le chien devenu monstrueux. Il marcha lentement d'abord, puis, plus vite et, quand il vit sa proie, jusqu'alors tétanisé, se retourner pour fuir, il se mit à courir. Elle se dirigeait droit vers la forêt dans l'espoir vain de le semer.
Il finit par la rattraper et dans un élan de cruauté, il lui sauta dessus !
C'était terminé, elle allait se faire dévorer. Elle ferma les yeux et se recroquevilla par réflexe en attendant son sort.
Elle entendit un bruit. Un bruit qui resonna dans toute la forêt. C'était un bruit de fusil, quelqu'un avait tiré. Elle ouvra les yeux et vit un vieil homme, un fusil fumant à la main. Un acouphène insupportable vint à ses oreilles, elle ferma douloureusement les yeux tandis que l'homme s'approchait.
Il lui tendit la main, après quelques secondes d'hésitation elle la prit. Il la tira vers lui pour la relever.
Toujours sous le choc, elle se retourna : il était mort. Le monstre qui la poursuivait n'était plus.
La tâche noire qui avait couvert le corps du chien s'estompa et fini par disparaitre.
Elle se mis à pleurer dans les bras du vieil homme qui n'était autre que son père.
En le serrant fort contre elle, elle vit une petite tâche noire dans la nuque de ce dernier.