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Source Huffington Post Par Geoffroy Clavel

L'art d'être Macron": des mesures, un calendrier et pas de révolution

Gilets jaunes, écologistes, partisans d’un grand virage social... Ceux qui espéraient des mesures "puissantes" devront encore attendre.

 

 

Business as usual? Sans surprise, c’est bien la déception qui s’imposait ce jeudi soir chez tous ceux -gilets jaunes, écologistes, partisans d’un grand virage social, apôtre d’une VIe République ou d’un grand soir démocratique- qui espéraient voir Emmanuel Macron “renverser la table” du quinquennat à l’occasion de cette première conférence de presse présidentielle.

L’attente, c’est vrai, était à la mesure de la gravité de la crise sociale, écologique et institutionnelle que traverse le pays depuis près d’un semestre. Comme la majorité le redoutait ces derniers jours, cette attente ne pouvait être que déçue, les mesures trop timorées, les moyens forcément insuffisants.

Saluant “l’art d’être Français”, cet attachement à une culture et à un modèle social qui font la France, Emmanuel Macron a bien tenté de donner le change, admettant des erreurs, insistant sur l’effort budgétaire engagé. En vain.

De fait, la “révolution” promise par Emmanuel Macron dans son livre de campagne n’a pas eu lieu, de nombreux arbitrages, très attendus depuis la fin du grand débat, étant renvoyés aux semaines et mois à venir. Hormis certaines mesures emblématiques, comme la baisse d’impôts significative ou le prélèvement par la CAF des pensions alimentaires en faveur des familles monoparentales, beaucoup ne retiendront d’ailleurs de cette conférence de presse qu’un calendrier de réformes encore à définir.

Conseil de défense, comité de participation, RIP

Côté fiscalité, la principale annonce est une confirmation: baisse de l’ordre de 5 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu, a priori pour les classes moyennes. Quand, comment et avec quelle ventilation? A charge du gouvernement d’en définir les modalités, probablement dans le cadre du prochain projet de loi budgétaire.

Côté pouvoir d’achat, pas de hausse des salaires, pas d’augmentation des minima sociaux si ce n’est la promesse d’un minimum retraite pour les travailleurs ayant cotisé porté à 1000 euros.

Côté démocratie, pas de RIC (su ce n’est au niveau local) ni de vote blanc ou obligatoire. A la place, un modeste référendum d’initiative partagée assoupli qui sera adopté dans le cadre de la révision constitutionnelle renvoyée à l’été.

Côté écologie, aucune annonce concrète, ni sur la taxe carbone ni sur les mobilités mais la création d’un “Conseil de défense écologique” dont le sens n’a pas été précisé, et 150 citoyens tirés au sort pour siéger dans le futur Conseil de participation citoyenne dont la “mission première” de “redessiner toutes les mesures concrètes d’aide aux citoyens sur la transition climatique”.

Côté proximité, un nouvel acte de décentralisation a bien été annoncé, mais sans cadre précis ni d’engagement solide sur son application. La Corse obtiendra-t-elle son droit à la différenciation fiscale? Mystère. Réponse “au premier trimestre 2020”, en parallèle d’une profonde réforme de l’administration censée remettre les fonctionnaires “sur le terrain” mais qui, là encore, reste à définir.

Macron est clair... sur ce qu’il ne fera pas 

De fait, si Emmanuel Macron n’a pas renversé la table, il a bien souvent donné l’impression de réarranger les couverts ou de resservir les mêmes plats. Plusieurs “révélations” de cette conférence de presse n’étaient d’ailleurs pas des annonces mais davantage des rectifications de ce qui ne passait décidément plus. 

Ainsi a-t-il confirmé la réindexation des pensions de retraites de moins de 2000 euros sur l’inflation après les avoir lui-même désindexées. La fin de la “sous-indexation” de toutes les retraites interviendra elle en 2021. Autre promesse incluse dans le discours avorté du 15 avril, le chef de l’État a dit ne plus vouloir de fermetures “ni d’hôpitaux ni d’écoles” d’ici 2022. Il s’est par ailleurs dit prêt à “abandonner” l’objectif de 120.000 fonctionnaires qu’il avait fixé “si ce n’est pas tenable”.

Au fond, Emmanuel Macron s’est surtout montré précis sur ce qu’il se refusait à faire. Coupant court aux débats enflammés au sein de sa propre majorité, le président a estimé que les Français devaient travailler plus mais pas par la suppression d’un jour férié ou le recul de l’âge légal de départ à la retraite. Il a par contre relevé que l’on pouvait “laisser le libre choix” en ce qui concerne l’allongement de la durée de cotisation.

Humble sur la forme, volontaire sur ses ambitions, le chef de l’Etat a reconnu à de nombreuses reprises ses attitudes, des propos qui ont pu blesser. Mais il s’est montré limpide sur le fait qu’il n’entend pas dévier de sa route.

Pour “répondre à la juste part d’énervement” et “lever beaucoup de malentendus”, “une nouvelle méthode” remettra “l’humain au cœur du projet”, a-t-il juré, en évoquant encore cet “art d’être français”. Pour autant, a-t-il clarifié, “est-ce qu’il faudrait arrêter tout ce qui a été fait depuis deux ans ? (...) Est-ce qu’on a fait fausse route ? Je crois tout le contraire.”