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source: atlantico.fr par Christophe Boutin

 

Hollande peut-il tuer une deuxième fois le PS en annoncant son retour ?

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Atlantico : Le JDD rapporte que des jeunes socialistes sont à l'origine d'un tract pour tester une potentielle  candidature de François Hollande en 2022.  Mais si le souhait de ces jeunes socialistes se concrétise ne serait-ce pas là tuer une deuxième fois le PS?

Christophe Boutin : On ne peut tuer un mort, et le PS semble toujours en état de mort clinique – même si l’existence de « jeunes socialistes » peut laisser entendre qu’un renouveau existerait. Il l’est, car il n’a plus les cadres, dispersés chez Macron ou repliés sur un mandat local ; car il n’a sans doute pas vraiment les électeurs, écartelés entre Macron et Malenchon. Il l’est enfin car son créneau politique, entre LaREM et France Insoumise, est lui aussi des plus réduits.

Pour ressurgir, le PS ne peut compter que sur des défections. Soit celle d’une partie de France Insoumise, mais on ne voit aucune justification à cela, les foucades de Jean-Luc Mélenchon ne gênant ni ses cadres ni son électorat. Plus possible serait la défection d’une partie des élus LaREM, choqués de voir la politique de Macron glisser de la gauche, d’où ils viennent, à une droite qu’ils détestent. Mais deux éléments principaux limitent cette hypothèse.

Le premier est qu’ils ne sont rien : sortis de nulle part, incompétents, sans assises locales véritables, ils ne doivent leur enviable statut de parlementaire qu’à la révolution de 2017. Ils peuvent, certes, trouver comme certains que la paye n’est pas à la hauteur, ou comme d’autres que finalement on travaille trop au Parlement, mais, globalement, ils bénéficient ainsi d’un statut inespéré qu’ils ne souhaitent pas perdre en allant trop loin dans la scission – à moins bien sûr que le PS ne semble une meilleure chance de réélection, mais nous en sommes loin. Des barons locaux, des « éléphants » comme autrefois auraient eu un poids, et auraient peut-être pu oser, mais c’est un tout autre cas de figure.

Le second est que la politique de Macron est certes une politique économiquement mondialisée qui, même s’il aime à rappeler qu’il n’est pas « le Président des riches » profite aux tenants de la finance internationale. Mais cette fortune délocalisée et mondialisée est plus de gauche que de droite, comme l’est la politique sociétale menée par Macron, le tout se retrouvant dans un hyper-individualisme qui, finalement, n’est pas si éloigné des attentes de certains frondeurs.

En même temps est-ce qu'il y a des personnalités capables de relancer la machine avec autant de crédibilité et d'expérience que pourrait en avoir Hollande? Est-ce que la difficulté principale du PS n'est pas de mettre en avant son propre héritage ?

Expérimenté sans doute, mais crédible ? La question vaut d’ailleurs autant pour le « président normal », l’homme en scooter de la rue du Cirque, que pour le parti de l’ex rue de Solferino. Quel est l’héritage des deux ? Les Français croient-ils aujourd’hui que François Hollande ou le PS, qui auraient mené la France vers des sommets, devraient la sauver face au macronisme ? Ce serait oublier la joie profonde avec laquelle les électeurs de 2017 ont « sorti les sortants », discrédités par des années de compromissions, d’affaires, de faiblesses, de mensonges.

Certes, la nostalgie a son charme : le « tonton revient » de la campagne qui permit le second mandat de Mitterand, la manière dont Jacques Chirac sut se mettre en scène pour accéder lui aussi à un second mandat en témoignent. Mais les temps ont changé parce que les dangers qui menacent la France ont une tout autre acuité, que le peuple n’est plus – ou moins – dupe de certains discours.

En même temps l'hypothèse serait-elle si farfelue que cela considérant les récentes déclarations de ce dernier qui, à la victoire des bleus expliquait "ça montre qu'on peut gagner deux fois" ou de sa compagne qui assurait avoir constaté "une vraie attente" autour de l'ancien président. Selon vous, François Hollande pourrait-il entrer dans cette catégorie des retraités du pouvoir revanchards encore en âge de gouverner ?

L’exemple est ancien : c’est Valéry Giscard d’Estaing, évincé du pouvoir en 1981 et qui ne s’en est jamais vraiment remis. Mais comparaison n’est pas raison. Giscard a choisi de repartir à zéro pour reconquérir les cœurs des Français, de redevenir élu local et national, mais sans jamais parvenir à dépasser la présidence d’une région.

Le contre-exemple, nous le connaissons aussi ; c’est Nicolas Sarkozy, évincé par « le pingouin » que chantait sa femme et qui crut lui pouvoir reconquérir un appareil partisan qui restait l’écurie majeure de la droite pour les présidentielles… et finit par échouer.

Voilà pour les anciens présidents, mais les cimetières sont pleins d’élus locaux ou de parlementaires qui ressassent leur combat de trop, les trahisons qui les ont fait chuter, et restent persuadés qu’ils pourraient sauver, si l’on faisait appel à eux, Beuze-les-bouses, la région Grand Sud, la France, voire l’Europe. Tous en réserve de la République, tous nostalgiques de cet aura de respect qui les entourait quand ils fendaient la foule en direction du buffet. Mais même Charles de Gaulle a eu besoin d’un petit coup de pouce – les méchantes langues diront d’un petit complot - pour revenir au pouvoir en 1958. Où sont les prétoriens d’Alger qui appellent Hollande ? Emmanuel Macron peut dormir tranquille de ce côté.

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment  publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009)  et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017). Voir sa bio en entier