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Coignard - Emmanuel Macron : les pièges de la deuxième chance

CHRONIQUE. Le président de la République a osé la comparaison avec une relation amoureuse pour récuser l'idée d'un « nouveau départ ». Et pourtant ! PAR SOPHIE COIGNARD Le Point

 

Lors de la première conférence de presse de son quinquennat, le président l'a dit lui-même. Le terme de « nouveau départ » ne l'inspire guère, car « c'est ce qu'on dit d'une relation amoureuse quand on a peu d'espoir qu'elle redémarre ». C'est pourtant bien de cela qu'il s'agit. L'idylle avec les Français, du moins avec les deux tiers d'entre eux qui lui accordaient leur confiance en début de quinquennat, a tourné court. Il est donc nécessaire de repartir sur d'autres bases.

Pour que l'opération, périlleuse, ait une chance de réussir, il est indispensable de reconnaître ses torts. À première vue, Emmanuel Macron a sacrifié plusieurs fois à cet incontournable exercice de contrition. Mais il n'a pas pu s'empêcher de s'attribuer le beau rôle. En politique comme en amour, c'est la limite de l'exercice. Exemple : « L'impatience, l'exigence que j'ai avec moi-même, que j'ai avec les membres du gouvernement, je l'ai un peu eue avec les Français. Le sentiment que j'ai donné, c'était une forme d'injonction permanente, d'être dur, parfois injuste. Ça, je le regrette (…). D'abord parce que ce n'est pas ce que je suis profondément et parce que je pense que ça n'a pas aidé à la cause. » Voilà, il est trop exigeant, avant tout avec lui-même… Ses propos jugés blessants ? « Il y a des phrases que je regrette, il y a des phrases qui ont été totalement sorties de leur contexte. Elles se sont agrégées par le jeu des réseaux sociaux, les déformations des oppositions politiques… » L'enfer, c'est les autres !

Preuves d'amour

Et puis, pour raviver la flamme, il est indispensable de marquer très vite le changement. De toutes les annonces d'Emmanuel Macron, très peu seront visibles dans l'immédiat. Les séniors maltraités, cœur de son électorat, pourtant, verront leurs pensions réindexées, mais en 2020 ou 2021. C'est loin ! Et surtout, il ne s'agit que d'un retour à l'état antérieur, pas d'une amélioration. Quant à la revalorisation bienvenue du minimum vieillesse à 1 000 euros, elle est assortie de conditions sur la bonne santé des régimes de retraite. Ce n'est pas très recommandé, les conditions, pour réussir un nouveau départ…

Un grand projet commun permet aussi de ressouder les relations abîmées. De ce point de vue, le chef de l'État n'a pas lésiné, nous promettant de « la maîtrise de notre propre destin et de notre propre vie », en cultivant « l'art d'être français ». Les quelques mesures qui avaient fait l'objet de fuites se sont inscrites dans l'inspiration des Lumières, qui donnait une certaine hauteur au propos. Il reste à passer à l'acte, vite. La réforme de la gouvernance en général et de l'État en particulier, qui n'a pas vu le jour dans les deux premières années du quinquennat, est une impérieuse nécessité. Elle a été détaillée plus que les autres points, ce qui est de bon augure. Il reste une impérieuse nécessité : la mettre en œuvre, vite. Comme dit le poète, il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour.