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Gilets jaunes : comment repenser le maintien de l'ordre

Le think tank L'Hétairie avait publié, avant les événements récents, une note fouillée sur le maintien de l'ordre en France et émis 33 préconisations. PAR JEAN GUISNEL

Le jeune et productif think tank L'Hétairie veut mener « le combat des idées à gauche » et ne dément pas sa proximité avec le Parti socialiste. Sans doute. Mais la note qu'il avait publiée le 15 novembre dernier (Jupiter contre Éris : maintien de l'ordre, désordre et discorde dans une démocratie adulte) n'aborde pas seulement le problème du maintien de l'ordre en France avec un sens certain de l'opportunité. Elle pose aussi un diagnostic éclairant d'un jour cru ses récentes défaillances à Paris et dans plusieurs préfectures de région. Non sans proposer des pistes pour remédier aux difficultés les plus criantes.

 

 

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Rappelons le contexte : des manifestations a priori pacifiques appelées par le mouvement des Gilets jaunes se sont trouvées débordées par des casseurs et ont dégénéré, entraînant des réponses inefficaces d'un dispositif policier pourtant important. Ce n'est pas la première fois que de tels événements se produisent ; le 14 juin 2016, le 1er mai 2018, entre autres, des black blocs avaient provoqué des incidents, certes moins importants, mais de même nature. Les auteurs de la note, Guillaume Farde et Francis Delcourt, pseudonyme d'un haut fonctionnaire, estiment que ce rôle accru des casseurs « atteste d'une augmentation générale de la violence qui pourrait désormais entacher l'exercice du droit fondamental de manifester (ce phénomène n'est en réalité pas nouveau, mais avait disparu depuis les années 1990). Les chiffres confirment d'ailleurs cette tendance : en 2017, 511 policiers et gendarmes mobilisés par la seule préfecture de police de Paris pour des missions de maintien de l'ordre public ont été blessés, contre 150 en 2015. »

 

 


 

Renseignement préalable

L'émergence des Gilets jaunes n'est pas analysée – et pour cause, ils n'existaient pas voici quelques semaines –, mais des signes précurseurs étaient apparus : « La violence publique ne s'arrête pas aux portes du périphérique parisien, pas plus qu'à celles des centres urbains régionaux, à l'instar de l'agglomération nantaise. En effet, les zones à défendre (ZAD) de Sivens, de Bure ou, plus récemment encore, de Notre-Dame-des-Landes, sont le théâtre d'affrontements particulièrement durs entre les gendarmes mobiles et certains des occupants de ces sites, au cœur de la France rurale. À cette amplification des violences s'ajoutent les protestations des corps intermédiaires. Victimes d'une double peine lorsque la violence des black blocs qui se mêlent aux cortèges syndicaux classiques entraîne aussi celle des forces de l'ordre, ils reprochent au gouvernement leur difficulté réelle à exercer leur droit de manifestation. »

Mouvement spontané, sans leader ni représentant incontestable, le mouvement des Gilets jaunes défie le dialogue et interdit toute préparation des manifestations avec les unités spécialisées dans le renseignement. Au premier chef, le Service central du renseignement territorial et la gendarmerie nationale. Du coup, « l'affaiblissement récent des interlocuteurs traditionnels, familiers de l'organisation de manifestations publiques et coutumiers du travail de concert avec les services des préfectures, complique la conduite de ces travaux préparatoires. De plus en plus de rassemblements, spontanés et désorganisés, s'autopilotent depuis les réseaux sociaux. » D'où le besoin impérieux de favoriser le travail de renseignement préalable, alors que cette fonction est clairement négligée, y compris à l'égard des black blocs et autres casseurs.

Arrestations ciblées

Parmi les 33 préconisations des auteurs, certaines tiennent de l'évidence, comme l'adaptation des techniques de sommation par mégaphone et fusées. D'autres sont plus originales, voire problématiques. Ils demandent ainsi le droit de confisquer le matériel de prise de vue des manifestants, la restriction du port de la cagoule par les forces de l'ordre, le renforcement des sanctions contre les manifestants cagoulés et aussi la remise à plat des armes disponibles et la modernisation du parc de véhicules. Ils ne pensent pas nécessaire d'augmenter le nombre des unités des forces mobiles (actuellement, 108 escadrons de gendarmerie mobile, 60 compagnies de CRS et 6 compagnies d'intervention de la préfecture de police de Paris), mais ils estiment nécessaire de ne plus les employer comme « forces supplétives » du ministère de l'Intérieur pour compenser la baisse des effectifs des unités territoriales.

Enfin, cette étude suggère d'intégrer des officiers de police judiciaire au sein des unités de maintien de l'ordre, de façon à favoriser les arrestations ciblées, contrairement à « la tendance actuelle qui consiste à procéder à des interpellations de masse », peu efficaces. Un document qui tombe à pic dans cette période troublée. Les auteurs préviennent néanmoins : « Restreindre le droit de manifester faute de pouvoir sécuriser son exercice représente une défaite de la démocratie. »

 

 


 

Publié le 03/12/18 à 13h26 | Source lepoint.fr

 

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