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Brexit : « La relation entre le Royaume-Uni et les nations européennes se poursuivra »

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ENTRETIEN. Pour le député Tom Tugendhat, l'erreur a été de vouloir détricoter une alliance vieille de 45 ans au lieu de la modifier pour l'avenir. PROPOS RECUEILLIS PAR MARC ROCHE, CORRESPONDANT À LONDRES

Appelés à voter ce mardi 15 janvier, les députés britanniques risquent de rejeter l'accord sur le Brexit. « Si l'accord n'est pas voté (…), nous nous retrouverons alors en terrain inconnu », a déclaré la Première ministre Theresa May à la veille de ce vote décisif sur la sortie du Royaume-Uni de l'UE prévue le 29 mars 2019. Député conservateur et président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des communes, Tom Tugendhat est entré au Parlement en 2015, représentant la circonscription de Tonbridge et Malling dans le Kent (sud-est de l'Angleterre). Cet ancien lieutenant-colonel de l'armée britannique, francophone et francophile, explique au Point les enjeux du vote de mardi soir sur le plan négocié entre Bruxelles et Londres sur la sortie de l'Union européenne.

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Le Point : Allez-vous soutenir le plan de Theresa May lors du scrutin aux communes ?

Tom Tugendhat : Je voterai en faveur du plan de Theresa May, qui est loin d'être parfait, mais, au vu des contraintes imposées par ses propres lignes rouges et par la dynamique parlementaire, c'est le meilleur accord disponible pour éviter une sortie brutale de l'UE. Ce plan est un compromis qui ne satisfait personne. Il nous fait toutefois gagner du temps en offrant une période de transition de deux ans pour nous préparer à la sortie. L'erreur originelle des Britanniques, comme de l'UE, est d'avoir choisi un processus de sortie en détricotant l'alliance tissée depuis quarante-cinq ans, au lieu de la reconstruire pour l'avenir.

Comment jugez-vous l'action de Teresa May sur le dossier du Brexit  ?

La Première ministre a fait preuve de courage, de dévouement et d'un grand sens du devoir. Elle impose le respect, car elle est chargée d'une mission exceptionnellement difficile. Alors que bon nombre de prétendus poids lourds dans son entourage ont craqué face à l'enjeu, elle a tenu bon.

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Pourquoi ce plan divise-t-il à ce point le Parti conservateur au pouvoir ?

L'hostilité est due pour l'essentiel à la peur du découplage entre l'Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni. Cette inquiétude pour l'avenir de l'Irlande du Nord reflète le caractère de notre parti et d'une grande majorité du Parlement, profondément attachés à l'unité de la nation. De nombreux conservateurs sont mal à l'aise avec l'idée d'une division du pays, comme le seraient les Français si, par exemple, la Bretagne devait être séparée.

Pourquoi le « backstop » (clause de sauvegarde) sur la frontière irlandaise pose-t-il problème à certains ?

Côté positif, le « backstop » permet une période de transition avant le départ de l'UE pour permettre à nos industriels, à l'instar des fabricants automobiles, de se préparer. Mais L'idée qu'il puisse perdurer est très impopulaire. La pérennité d'un tel arrangement n'est pas possible, ni pour le Royaume-Uni ni pour l'UE. Le « backstop », qui permet notamment au Royaume-Uni de rester dans l'union douanière, fragilise le marché unique.

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Partagez-vous le point de vue des r emainers, au sein de votre parti, qui estiment que, si le plan May est rejeté, le Royaume-Uni doit retarder le Brexit ?

Non, la date du départ est fixée au 29 mars 2019 et sera respectée. Il n'existe pas de solution miracle pour modifier le calendrier ou suspendre le processus. Un report entrerait en collision avec les élections européennes et la nomination d'une nouvelle Commission européenne.

Quelle aide Bruxelles pourrait-elle apporter à Theresa May ?

Bruxelles pourrait d'abord accepter que la relation entre le Royaume-Uni et les autres nations européennes a duré plusieurs siècles et se poursuivra. Au lieu d'essayer d'obtenir des avantages à court terme, la Commission devrait se concentrer sur l'établissement d'un partenariat à long terme qui fonctionne et reconnaît que d'autres pays de l'UE partagent les préoccupations du Royaume-Uni sur le manque de contrôle démocratique des institutions communautaires. Bruxelles doit reconnaître que les problèmes qu'affrontent l'Italie, la Roumanie, la Hongrie et même l'Allemagne ne sont guère différents de ceux que connaît le Royaume-Uni. La Commission doit également assumer que l'UE doit se réformer en profondeur ou court à l'échec.

Beaucoup, sur le Vieux Continent, pensent que le Royaume-Uni ne quittera jamais l'UE...

Ils ont tort. Le Parlement ne pourrait pas opter pour un second référendum avant l'été. Entre-temps, il y aura un nouveau Parlement européen et une nouvelle Commission dont la configuration rendrait tout retour du Royaume-Uni encore plus difficile.

Vous avez voté Remain lors du référendum. Quel est votre sentiment aujourd'hui ?

L'attitude d'une partie de la Commission envers le Royaume-Uni rend difficile la défense d'un retour en arrière. Les deux dernières années nous ont montré que le projet européen ne fonctionnait pas. Les négociations ont démontré que l'Union européenne préférait l'orthodoxie au pragmatisme. La position intransigeante de l'UE fait fuir même des pro-européens, dont je suis. Il s'agit d'une grave erreur. En rejetant le Royaume-Uni et les États-Unis, l'UE deviendra plus vulnérable.

Pourquoi estimez-vous qu'après une période difficile le Brexit va réussir ?

Les données fondamentales de l'économie britannique sont bonnes. La langue anglaise, la common law, la City ou les universités, pour ne citer que les plus importants, sont des atouts imbattables. Malgré le Brexit, le Royaume-Uni a continué d'attirer les meilleurs et les plus intelligents du monde entier. Regardez le succès de technopoles en dehors de Londres, comme Newcastle, Manchester ou Bristol, qui sont des centres d'excellence. Les plus petites villes britanniques ont plus d'entrepreneurs que bon nombre de métropoles européennes et ont établi des liens avec le monde entier. L'économie du Royaume-Uni possède des alliances dans le monde entier. Le nombre impressionnant de jeunes de l'Union européenne travaillant au Royaume-Uni qui prennent la citoyenneté britannique pour pouvoir bénéficier demain des mêmes formidables avantages dont ils bénéficient aujourd'hui l'atteste.

Que devrait être la relation post-Brexit entre la France et l'Angleterre ?

La relation bilatérale doit rester forte. C'est pourquoi le gouvernement français doit se souvenir qu'en matière stratégique ou de renseignement le Royaume-Uni est le seul allié possible en Europe. Nous sommes un duo extrêmement puissant. Pour rappel, ce sont des appareils britanniques qui ont acheminé les troupes françaises engagées au Mali et les forces françaises et britanniques sont déployées côte à côte en Estonie. L'entente cordiale conforte la sécurité de nos deux peuples.

Publié le 15/01/19 à 12h09 | Source lepoint.fr