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Gilets jaunes: tout le monde a sa pensée au fond de son for intérieur.

 

Lu dans Var Matin du 1/1/2018 avant les saccages du 1 décembre.

Jean-Pierre Giran Maire d'Hyères: Construire un nouveau monde


Les Gilets Jaunes interrogent la société française tout entière. Au-delà de leurs revendications, au-delà de leurs modalités d'action, leur existence et le soutien massif dont ils bénéficient dans l'opinion traduisent les hésitations actuelles de notre démocratie.
Emmanuel Macron a été élu sur le rejet des partis politiques traditionnels au premier tour, sur le rejet de Marine Le Pen au second. Mais, il n'a pas pour autant posé les fondements d'un nouveau monde.


Le face a face entre le président et le peuple, sans corps intermédiaire, sans filtre, sans possibilité de négociations véritables, met en danger la démocratie. La démocratie représentative est muette comme si des votes acquis il y a pourtant moins de deux ans n'avaient déjà plus de signification. Les syndicats sont muets au point de se demander comment suivre les Gilets Jaunes sans risquer d'être taxés de récupération. Les partis politiques sont muets ou au mieux critiques parce que c'est l'air du temps sans apporter de propositions véritablement crédibles pour sortir de la crise. Les maires se sentent marginalisés par le pouvoir central à un moment où, pourtant, on a plus que jamais besoin d'entendre ses élus de proximité.


Tout se passe comme si Emmanuel Macron devait entamer un dialogue personnel avec chacun des 67 millions de Français là où la démocratie imposerait qu'il prenne en compte l'avis et les revendications de leurs représentants.


Mais que faire quand les représentants n'existent plus ou sont négligés ? Il est grand temps après avoir bousculé l'ancien monde, qu'Emmanuel Macron et l'ensemble des acteurs publics et privés tentent de construire un nouveau monde. Aujourd'hui il n'existe pas. Seul un débat national apportant de l'oxygène à une société angoissée et fragilisée pourrait contribuer à sortir de l'impasse. Il porterait sur la nouvelle façon permettant à un monde bouleversé par l'émergence des réseaux sociaux de pouvoir à nouveau fonctionner. Il est urgent que ce débat ait lieu.


On ne pourra pas se passer éternellement de responsables, d'experts, de repères, de références voire de doctrines. S'il faut rechercher les voies d'une plus grande légitimité on ne pourra pas se passer durablement du cadre, fut-it nouveau, de la légalité.


Claude Weil: Gilets jaunes » et écran blanc


De Los Angeles, Michel Polnareff soutient les «gilets jaunes», parce qu'il sort un disque. Patrick Sébastien est avec eux, parce que c'est « sa » France. Franck Dubosc aussi : c'est la France de Camping. François-Henri Pinault les comprend, quand on dirige un empire du luxe (Gucci, Saint-Laurent, etc.), il ne faut pas snober les « personnes à revenu modeste ». Les médias les cajolent parce que la crise nourrit le moloch. Chez Hanouna et Morandini, ils ont table ouverte : c'est bon pour l'audimat, coco.


Et les politiques, donc! Tous solidaires – sauf les macroniens, qui se cachent dans des forums Internet comme les premiers chrétiens dans les catacombes. Tous « gilets jaunes »! Marine Le Pen parce que, comme le dit son conseiller Philippe Olivier, « ce sont les nôtres ».
Jean-Luc Mélenchon parce que toute colère est bonne à prendre, même si c'est une colère anti-impôts alors que son programme, en 2017, prévoyait une explosion de la pression fiscale. Laurent Wauquiez parce qu'il s'est posé en champion des classes moyennes maltraitées. Les europhobes parce que c'est une fronde contre les diktats de Bruxelles. La gauche parce que c'est une révolte contre le néo-libéralisme et la suppression de l'ISF. Les libéraux parce que c'est une jacquerie contre le fiscalisme et la dépensolâtrie, ces deux  plaies de l'économie française. François  Hollande parce que les « gilets jaunes » le vengent de Macron. Ségolène Royal parce qu'ils sont, comme elle, contre «l'écologie punitive». Jean Lassalle parce que «la politique n'a plus aucun pouvoir». Christine Boutin parce qu'elle est contre la PMA.
Ne cherchez pas le rapport : il n'y en a pas. Les lycéens parce que...


Tout le monde lit l'événement avec ses propres lunettes et y trouve des raisons de soutenir les « gilets jaunes ». Qui oserait être contre, quand 84% des Français jugent leur mouvement « justifié » (sondage Odoxa) ? A ce stade, il convient de s'interroger sur la signification d'un si écrasant consensus, dans un pays que l'on sait profondément fracturé. Et sur sa capacité à déboucher sur des changements politiques réels. Car cet unanimisme de façade masque beaucoup de malentendus. Au-delà d'une revendication fédératrice (qui peut bien être contre la baisse des impôts et du prix des carburants ? Il faudrait être maso), les « gilets jaunes » sont, si l'on ose écrire, un écran blanc sur lequel chacun projette ses espoirs, ses frustrations et ses détestations. Le premier des malentendus étant que les partis d'opposition rêvent de « se payer » Macron quand les « gilets jaunes » rêvent de démocratie directe. Les uns veulent prendre leur revanche de 2017 ; les autres entendent se passer des partis et ouvrir l'ère du peuple.


Mais il ne suffit pas d'empiler des revendications pour les faire aboutir. Cela exige de se structurer, se fixer des objectifs communs, un agenda, nommer des représentants habilités à négocier. Les palinodies autour de la désignation de porte-parole, sitôt choisis sitôt désavoués, la multiplication de comités rivaux, le pitoyable intermède qui s'est joué hier à Matignon, où le délégué s'esquiva en avouant qu'il avait été menacé par ceux qu'il était censé représenter, tout cela montre que les « gilets jaunes » sont loin d'être prêts à passer de la protestation à la négociation.

Aussi loin que ceux qui, aux deux bouts de l'échiquier politique, appellent à la dissolution de l'Assemblée nationale sont loin de proposer une alternative politique cohérente. L'antimacronisme ne fait pas un programme commun.

José Bové: ne soutient pas, mais comprend un petit peu!

Vous ne soutenez pas le mouvement des « gilets jaunes » ?
Non. Autant je peux comprendre les gens qui sont en situation de vrai désarroi, en milieu rural très excentré ou en périphérie urbaine, car ils peuvent se sentir pris à la gorge. Mais il faut considérer qu'avec un SMIC d'aujourd'hui on peut acheter deux fois plus d'essence qu'il y a 20 ans! Et objectivement, on n'est pas dans la situation du choc pétrolier des années 70 ou des années 2000. Concernant les impôts, on peut évidemment discuter sur leur répartition. Mais ceux qui sont vraiment dans le besoin ne paient pas d'impôts.


Par ailleurs, la composition sociale du mouvement est très disparate. C'est la colère qui coalise les gens. C'est ce sentiment de colère qui s'exprime et qui devient irrationnel. On dit qu'il y a trop d'impôts, mais par ailleurs on veut plus de service public.
Les revendications sont parfois violentes... On demande la démission de Macron, la dissolution de l'Assemblée nationale. Voilà qui ressemble à une insurrection, une révolution. Mais pourtant, comme nous sommes dans un système démocratique, dont se réclament tes « gilets
jaunes », ils veulent aussi être écoutés et entendus. C'est incohérent. Pour finir, il y a ceux qui appellent au soutien du mouvement. Et ce sont des élus, des représentants politiques qui soufflent sur les braises. Curieusement aussi, parmi les sympathisants, il y a une surreprésentation du Rassemblement national et de la France insoumise. On se rapproche de l'Italie, où le mouvement 5 étoiles et la Ligue du Nord se sont réunis. Et tout cela est teinté d'un grand individualisme.