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Les deux grandes dérives du capitalisme mondial

RICHARD HIAULT / Grand reporter Le 19/10 

- ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP

Dans dernières perspectives économiques, FMI dirige Christine Lagarde, s'interroge effets concentration marchés appelle d'autres travaux. Dans ses dernières perspectives économiques, le FMI que dirige Christine Lagarde, s'interroge sur les effets de concentration sur certains marchés et appelle à d'autres travaux.

Le poids des monopoles et la financiarisation croissante des entreprises expliquent les dysfonctionnements de l'économie mondiale et du commerce international. Rappelez-vous. Au début des années 2000, le débat fait rage autour d'un éventuel démantèlement de Microsoft. En situation de monopole avec Windows, système d'exploitation des ordinateurs personnels, il est accusé de pratiques commerciales abusives. La justice américaine réfléchit à scinder l'entreprise en deux. Après une longue bataille judiciaire, Microsoft échappe à la scission .

La concurrence en débat

Aujourd'hui, le débat resurgit avec l'apparition des géants du numérique Apple, Amazon, Google et Facebook (Gafa). En avril dernier, à Washington, au siège du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, sa directrice générale, s'alarme de leur taille et de leur pouvoir grandissant. Les Gafa risquent d'étouffer la concurrence et l'innovation essentielles à la croissance de la productivité et à la prospérité mondiales. « La concurrence est nécessaire. S'il y a trop de concentration, trop de pouvoir de marché entre les mains de trop peu, cela ne sert à rien à moyen et à long terme, ni à l'économie, ni au bien-être des individus », clame-t-elle. A l'heure des interrogations autour de l'accroissement des inégalités, de la montée des mouvements populistes, d'une croissance économique mondiale qui ne profite pas à tous, d'un commerce déséquilibré, économistes et politiques phosphorent sur les causes de ces excès et dérives.

La question concurrentielle ne s'applique pas aux seuls géants du numérique. Mais à l'ensemble de l'organisation du système productif international des entreprises. Quand Donald Trump fustige la Chine comme responsable des destructions d'emplois aux Etats-Unis, il révèle l'un des symptômes d'un dysfonctionnement du commerce mondial et de la mondialisation. Eriger des barrières protectionnistes par une hausse des droits de douane pour rééquilibrer les échanges n'est pas la bonne solution. Elle est ailleurs. Dans une réforme et non dans une destruction d'un capitalisme souffrant de deux dérives.

Concentration du marché des exportations

Dans un rapport paru le 26 septembre, la Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement (Cnuced) souligne que « l'hyperglobalisation... est régie par de grandes entreprises qui ont acquis une position de plus en plus dominante sur le marché ». Dans le cercle des entreprises exportatrices, 1 % d'entre elles est responsable, en moyenne, de 57 % des exportations d'un pays donné selon les statistiques de 2014. Les 5 % des entreprises les plus tournées vers l'étranger monopolisent 80 % des exportations.

Ce qui est plus inquiétant, c'est que les nouveaux entrants sur un marché donné - en général des petites PME exportatrices - ont un taux de survie très faible. En moyenne, 73 % des entreprises cessent leurs exportations au bout de deux ans. Une disparition qui ne serait pas liée à une concurrence féroce sur les marchés mais plutôt au syndrome du « winner takes the most » selon la Cnuced. Bref à la position dominante de certains mastodontes. La loi du plus fort « Il se peut que l'intégration commerciale ait contribué au déclin de la part du travail dans la valeur ajoutée en instaurant une dynamique qui voit le vainqueur se tailler la part du lion (« winner takes most ») et en renforçant la concentration du marché dans un certain nombre de secteurs, avec pour conséquence une hausse de la part des bénéfices », avance pour sa part l'OCDE dans ses perspectives économiques .

Et de poursuivre : les réglementations favorables aux entreprises en place, l'absence de politique rigoureuse en matière de concurrence et une optimisation fiscale agressive peuvent conduire à un accroissement des bénéfices des entreprises lorsque la concentration du marché augmente. Un excès que dénonçait déjà en 1776 l'économiste Adam Smith dans son ouvrage « De la richesse des Nations ». « Il faut toujours s'opposer à la restriction de la concurrence car elle permet aux marchands, par l'élévation de leurs profits au-dessus de ce qu'il serait naturel, de prélever, à leur avantage, un impôt absurde sur le reste de leurs concitoyens », alertait-il.

Financiarisation croissante

Les deux organisations internationales mettent aussi toutes les deux en exergue ce second biais du capitalisme : sa financiarisation croissante et un tropisme en faveur de la valeur actionnariale des entreprises. « Les entreprises transnationales ont renforcé leur capacité à opérer à l'échelle mondiale par le biais de fusions et d'acquisitions renforçant ainsi leur contrôle sur les concurrents potentiels. Le poids accru des finances dans leurs opérations est allé de pair avec une stratégie d'entreprise visant à maximiser la valeur pour les actionnaires », relève la Cnuced. L'exemple d'Apple est révélateur . En 2013, la firme dispose d'une grosse réserve de cash (145 milliards de dollars) dont une grande partie hors du territoire américain. Elle préfère lever sur le marché obligataire 17 milliards de dollars pour financer une partie des 100 milliards de dollars de dividendes et de rachat d'actions promis à ses actionnaires.

Le rapatriement d'une partie de ce cash l'aurait obligée en effet à s'acquitter de 35 % de taxes.. Trajectoire insoutenable

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La longue quête du capitalisme « inclusif » « La financiarisation des entreprises a déplacé le pouvoir décisionnel en faveur des actionnaires. La gouvernance des entreprises sous l'influence de la finance est le principe de la valeur actionnariale », observe aussi Michel Aglietta dans une vaste étude sur le thème « Transformer le régime de croissance » publiée début octobre. Résultat de cette financiarisation : un affaiblissement de l'accumulation nette du capital productif. Pour l'économiste, « le capitalisme financiarisé a déployé un régime de croissance qui évolue sur une trajectoire insoutenable face aux défis de ce siècle ». Et ce régime de croissance pose des problèmes plus profonds : montée des inégalités sociales, concentration de pouvoir et de richesse vers les plus favorisés et multiplication des rivalités géopolitiques. Le débat risque de durer et les leaders politiques vont se gratter longtemps la tête sur les moyens de remédier à ces deux dérives. Richard Hiault