Climat : et si les entreprises s’y mettaient ?
L'Europe occidentale est largement importatrice de GES venant d'Asie (produits manufacturés) et du Moyen Orient (pétrole); le pays pire est la Suisse; mais qui a toujours été au coeur de l'Europe et profitant de ses désordres. Les Etats-Unis sont neutres. Russie Moyen-Orient Chine et pays Asiatiques (en vert) sont exportateurs de GES vers l'Europe.
Aujourd’hui, même le site des Nations unies possède sa section « entreprises ». Quelques phrases bien senties affichent la couleur : « Le monde des affaires souhaite désormais un partenariat avec la communauté internationale pour régler les problèmes de l’humanité (rien de moins !) et s’engage à respecter dix principes universels, de la protection des droits de l’homme à la lutte contre la corruption. » Et le « monde des affaires » de rappeler que lors du récent sommet sur le climat à New York, des entreprises ont pris des engagements pour combattre le changement climatique.
Nestlé, Danone, Saint-Gobain, L’Oréal...
Car ce sommet climat n’a pas seulement été marqué par l’implication pugnace d’Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, l’intervention de Greta Thunberg et l’hostilité non dissimulée de Donald Trump et Jaïr Bolsonaro à toute avancée écologique. Il a aussi vu nombre de grands groupes former des coalitions aux objectifs ambitieux : « Ambition 1,5 °C entreprises » avec Nestlé, Danone, Saint-Gobain, L’Oréal ou « One Planet Business for biodiversity » qui est un regroupement de firmes qui s’engagent à protéger et restaurer la biodiversité dans leur approvisionnement et leurs produits. Antonio Guterres avait d’ailleurs assumé de donner une place importante au secteur privé dans l’événement. Avec une conviction : pour respecter les objectifs de l’accord de Paris, les entreprises sont un acteur clé, qui peut faire échouer le traité de 2015, ou à l’inverse le mettre sur la bonne trajectoire.
Plane toujours le soupçon que les entreprises visent avant tout le greenwashing
La simplicité du raisonnement a de quoi convaincre, surtout lorsque les faits scientifiques et le cours de nos vies montrent l’urgence à agir. Pourtant plane toujours le soupçon que les entreprises visent avant tout le greenwashing. Et le prix Pinocchio du climat organisé chaque année par l’ONG les Amis de la Terre a déjà épinglé entre autres : Veolia, BNP Paribas, Air France, Engie, EDF, Vinci… pour des actions en contradiction totale avec un affichage écolo.
Les liens entre entreprise et écologie sont d’ailleurs toujours l’objet d’une bataille rangée au sein même des écologistes, entre réalistes et deep ecologists qui voient en l’entreprise un adversaire par définition. On est bien au-delà d’un débat sur les externalités négatives de l’activité des groupes privés. Les convictions de principe de part et d’autre l’emportent sur la démonstration. Comment pondérer l’enjeu moral par rapport à la réalité des pratiques, donner une valeur à la nature qui ne soit pas que financière ? Comment évaluer la réalité des transformations annoncées ? Comment départager lesdites entreprises ? Autant de questions essentielles.
Les salariés comme moteurs
Une solution à ce débat difficile pourrait venir des évolutions sociologiques au sein de l’entreprise elle-même. La résonance qui s’installe aujourd’hui entre les pressions des consommateurs et des citoyens au changement pour une société plus écologique se manifeste en effet visiblement et massivement chez les salariés eux-mêmes. Ceux-ci réfutent de plus en plus ouvertement la séparation étanche entre le monde professionnel et le monde d’ailleurs. L’urgence climatique a aussi des répercussions psychologiques et sociales et conduit à pointer des contradictions et des incohérences considérées il y a encore peu comme inévitables.
Plus de 6 000 salariés d’Amazon ont signé une lettre réclamant l’arrêt des collaborations avec de grands groupes pétroliers
Ainsi, le manifeste pour un réveil étudiant des élèves des grandes écoles a affiché l’ambition, pour les futurs salariés, de mettre en adéquation leurs engagements écologiques et les priorités de l’entreprise où ils travailleraient. Dans la même veine, plus de 6 000 salariés d’Amazon ont signé en septembre 2019 une lettre réclamant l’arrêt des collaborations avec de grands groupes pétroliers, le passage massif de la flotte de véhicules à l’énergie électrique et un plan concret de réduction des émissions de carbone.
La réponse de leur patron, Jeff Bezos – dont on peut saluer la réactivité – résume à elle seule les difficultés du processus en cours. S’il a accepté de transformer sa flotte de véhicules en passant une commande massive de camionnettes électriques, il a catégoriquement refusé de ne plus travailler avec certains groupes pétroliers. Quant à la réduction des émissions de carbone, elle sera obtenue par compensation, avec toutes les limites de cette méthode qui consiste à planter des arbres jeunes qui ne pourront stocker le carbone que d’ici quelques décennies. Amazon peut-il changer de métier ? Et pouvons-nous nous passer des services d’Amazon ?