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Livraisons d'armes : Disclose intoxiqué

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Le média indépendant Disclose a annoncé lundi 27 mai 2019 qu'un chargement de munitions de canons pour l'Arabie Saoudite était prévu au port de Marseille. Information démentie par plusieurs sources, de l'armateur aux dockers. Disclose a finalement fait savoir que les munitions avaient été "rédirigées". Mais que s'est-il passé ?

 

Intox ou contre-feu ? La confusion règne en tout cas autour du port de Marseille. Lundi 27 mai, Disclose, nouveau média d’investigation français à but non lucratif, a annoncé dans un article sur la plateforme Medium que "des munitions de canons Caesar" devaient être "expédiées depuis Marseille" ce mardi 28 mai.

Nouvelles révélations de Disclose

Nouvelles révélations de Disclose

Medium, 27 mai 2019

Pour rappel, à la mi-avril, Disclose, en partenariat avec plusieurs médias, avait révélé un rapport classé "confidentiel défense" démontrant que des armes, vendues par la France à l’Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis, sont employées dans la guerre au Yémen sur des terrains d’opérations où vivent des centaines de milliers de civils. Les révélations ont valu à plusieurs journalistes une convocation par la DGSI, sujet auquel nous avons consacré une émission.

Quelques semaines plus tard, début mai, une mobilisation de journalistes, militants, associations, politiques et de (discrets) dockers empêchait le chargement de canons français à destination de l'Arabie Saoudite.

des démentis à la chaîne

Cette fois-ci, les choses se sont passées différemment. Lundi 27 mai, Disclose explique que le Bahri Tabuk, navire appartenant à l'armateur Bahri ayant signé un contrat exclusif avec l'Arabie Saoudite pour ses livraisons d'armes, va accoster au port de Marseille-Fos. "Selon nos informations, des munitions pour les canons Caesar français devraient y être chargées", ajoute Disclose.

Rapidement, la machine des réactions se met en branle. Interrogée mardi par un député de la France Insoumise, la ministre des Armées Florence Parly répond être "en train de vérifier", tout en notant : "Quand bien même ce serait le cas, cela serait-il étonnant ? Non, car nous avons un partenariat avec l'Arabie Saoudite". Pourtant, dans le même temps, le représentant en France du constructeur Bahri assure : "Tout le monde affabule dans cette histoire, c'est une fausse information. Il ne s'agit en aucun cas de matériel militaire mais de transformateurs sur remorque pour un client qui fait de l'énergie" - Siemens, qui l'a confirmé auprès de 20 Minutes. Même les dockers ont publié un communiqué, relayé entre-temps par Disclose, affirmant que "fidèle à leur histoire et valeurs de paix (...) ils ne chargeront aucune arme, aucune munition pour quelle [sic] guerre que ce soit".

Premiers démentis

Premiers démentis

France 2 PACA, 28 mai 2019

Finalement, Disclose annonce mardi en fin de journée que "les munitions à destination de l'Arabie saoudite ne seront pas chargées au port de Marseille-Fos. Selon nos informations, les charges modulaires parties en containers depuis l'usine d'Eurenco, à Bergerac, ont été redirigées vers une destination inconnue."

Mise à jour de Disclose

Mise à jour de Disclose

Twitter, 28 mai 2019

"On avait des infos très solides de différentes sources"

Alors que s'est-il passé ? "On avait commencé à avoir des informations sur un chargement de munitions à Marseille après l'histoire du Havre", raconte à Arrêt sur images Geoffrey Livolsi, co-fondateur de Disclose (que nous recevions sur notre plateau après sa convocation à la DGSI). "On avait des informations très solides, toutes se recoupaient de différentes sources dans différents endroits". Sauf que rapidement, après la publication du billet de Disclose, d'autres informations parviennent au site indépendant : "Dans la journée, nos sources nous recontactent pour nous dire qu'apparemment, le chargement aurait été détourné, mais sans en savoir plus sur la destination." L'information reste "invérifiable". 

Ce jeudi, alors que le Bahri Tabuk est reparti en mer et fait route vers l'Italie, Livolsi ne sait toujours pas ce qu'il en est : les munitions ont-elles été vraiment redirigées, ou ont-elles été discrètement chargées à bord du bateau, malgré le fait qu'elles n'apparaissent pas sur la liste des chargements ? "Les containers n'ont pas besoin de signaler qu'ils contiennent des explosifs", note Livolsi, ce qui rendrait le chargement plus difficile à identifier. Contrairement aux canons qui devaient embarquer du port du Havre, qui étaient eux facilement reconnaissables. "On atteint nos limites pour savoir ce qui a été embarqué ou non à Marseille", admet le journaliste. 

Reste une question : les fabricants de munitions auraient-ils tenté d'"intoxiquer" Disclose ? "On s'est posé la question après coup", admet Livolsi. "Annoncer à leurs employés un chargement à Marseille, après ce qu'il s'est passé au Havre, c'était un peu étrange." Du côté du média indépendant, on n'exclut aucune possibilité : que les révélations de Disclose aient poussé à un détournement de dernière minute... ou qu'on ait tenté de décrédibiliser le média pour affaiblir ses précédentes révélations. "Ce qui est sûr, c'est que sur les prochaines livraisons pour Bahri, on va être beaucoup plus vigilants, on va se méfier", conclut Livolsi. "C'est sûr qu'ils ont tout intérêt à nous faire trébucher".