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Elestions régionales en juin 2020

Mais au fait, à quoi servent les régions, sinon à multiplier le mille feuilles prédateur ?regionales.JPG


Alors que les élections régionales se profilent, les 20 et 27 juin, ce journaliste suisse s’interroge sur la pertinence du découpage territorial en France. Il décrit un pays tiraillé entre sa volonté de décentralisation et son traditionnel jacobinisme.

Attention, une région française peut en cacher une autre : alors que, depuis 2015, l’Hexagone est découpé en 13 régions et 12 collectivités métropolitaines [de plus de 400 000 habitants], les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ont commencé, voici quelques semaines, à modifier la donne.

Lors du redécoupage d’il y a six ans, les électeurs et élus alsaciens n’avaient pas caché leur dépit, voire leur colère, devant la création de la région Grand Est regroupant Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne. Conséquence ? Une rébellion discrète, mais ferme, au nom de leur identité bafouée. Et un résultat tangible : la création, le 1er janvier 2021, de la nouvelle “collectivité européenne d’Alsace” dotée de compétences spécifiques, plus étendues que celles d’un département. De quoi donner de l’appétit à d’autres collectivités soucieuses de tordre les contours de leurs nouvelles frontières…

Ce feuilleton de l’Alsace et du Grand Est, aux portes de la Suisse, a le mérite de reposer, une fois de plus, la question des régions dans ce pays fatalement jacobin qu’est la France, où les électeurs se rendront aux urnes les 20 et 27 juin, pour l’ultime test électoral préscrutin présidentiel. Au menu ? La désignation de 4 031 conseillers départementaux et 1 922 conseillers régionaux, ayant la charge d’une manne budgétaire colossale : 27 milliards d’euros de dotation globale de fonctionnement accordée par l’État, plus une série d’impôts affectés aux départements et aux régions.

Et pourtant : qui peut, après le sixième anniversaire de ces 13 grandes régions hexagonales, confirmer que le redécoupage a porté ses fruits ? L’impression est plutôt celle d’un éternel marécage territorial, d’où quelques personnalités tirent leur épingle du jeu. Les Alsaciens continuent de regarder le Grand Est avec suspicion. Tandis que Renaud Muselier, le patron de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, vient de sonner le tocsin vaccinal en passant, ce mercredi, une précommande de 500 000 doses de vaccins russes Spoutnik pour remédier aux défauts d’approvisionnement européens.

L’éternel centralisme à la française

La crise sanitaire, en la matière, est sans doute le meilleur des baromètres. À plusieurs reprises, Emmanuel Macron a pourtant promis de franchir le Rubicon du centralisme à la française pour se rapprocher le plus possible du terrain. Mieux : en juillet 2020, le président français a choisi comme Premier ministre un haut fonctionnaire familier des questions territoriales : Jean Castex, maire de la commune pyrénéenne de Prades.

Mais rien n’y a fait. Chaque main tendue aux régions, chaque initiative pour territorialiser le confinement s’est rapidement dissipée dans les sables de l’administration centrale. Les 16 départements placés en reconfinement partiel mi-mars sont devenus 19. Avant que l’ensemble du territoire ne soit concerné par ces mesures, malgré les énormes disparités dans les taux d’incidence qui mesurent la propagation du coronavirus. Renaud Muselier, encore lui, a pu rengainer ses neuf propositions faites au Premier ministre fin mars pour “basculer clairement d’une gestion centralisée de la crise et de la campagne de vaccination à une gestion décentralisée”. Paris reste Paris. Un point c’est tout.

Difficile, pourtant, de s’en tenir là. Car les identités régionales, alimentées par le retour au local constaté au fil de la pandémie, s’accommodent de moins en moins bien de ce carcan administratif sans cesse modifié, mais jamais déverrouillé. La preuve ? Le vote par l’Assemblée nationale, le jeudi 8 avril, d’une proposition de loi de l’opposition pour protéger et promouvoir les langues régionales. Vous avez bien lu : d’un côté, le jacobinisme à la française continue de prévaloir. De l’autre, les identités restent des forces politiques motrices, portées par des élus provinciaux et fiers de l’être comme ceux, à l’Assemblée, du groupe parlementaire Libertés et territoires, au sein duquel siègent, entre autres, les députés indépendantistes corses.

Sans surprise, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, s’était opposé à ce texte sur les langues régionales, dont l’enseignement sera proposé “à tous les élèves”. Le Sénat, assemblée par excellence des territoires, a pesé favorablement dans la balance. Les régionalistes bretons, très offensifs, ont fait donner tous leurs réseaux. Cela alors que, de sondages en enquêtes, environ trois Français sur quatre pensent que la décentralisation est une “bonne chose”. Le séisme régional est encore, en France, loin d’être terminé.

Source

Né en mars 1998 de la fusion du Nouveau Quotidien, du Journal de Genève et de la Gazette de Lausanne, ce titre de centre droit, prisé des cadres, se présente comme le quotidien de référence de la Suisse romande