C'est un dossier qui promet d'être explosif. Après des mois d'échanges et de concertations, le haut-commissaire en charge de la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a présenté cette semaine aux partenaires sociaux les principales pistes reprenant en partie les engagements d'Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle.
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Au delà de la réforme programmée pour 2019, le gouvernement a présenté à la fin du mois de septembre dernier le projet de loi de finances comportant un certain nombre de mesures qui pourraient affecter le portefeuille des retraités et au final la consommation des plus âgés. Pour évaluer l'impact de ces propositions sur les ménages, plusieurs économistes de l'institut des politiques publiques (IPP) ont procédé à des simulations à partir des documents budgétaires qui mettent en avant les gagnants et les perdants de la politique socio-fiscale de l'exécutif.
Les retraités perdants
Après avoir manifesté leur mécontentement à plusieurs reprises au cours du premier semestre 2018, les retraités devraient encore exprimer leur colère en 2019. En effet, les chercheurs de l'institut de recherche ont indiqué lors d'une table-ronde organisée sur le campus Jourdan à Paris ce jeudi que "les retraités étaient largement perdants sauf les bénéficiaires des minimums vieillesse et le top 1%". Pour illustrer leurs propos, les économistes ont diffusé un graphique découpant la population en centiles. D'après les résultats obtenus, seulement quatre centiles sur 100 seraient gagnants des mesures figurant dans le budget 2019.
Dans le détail, les données du graphique permettent d'observer que les plus grandes pertes se concentrent tout de même sur les retraités qui possèdent les hauts revenus sauf pour les ultra-riches. A l'inverse, une grande partie de la classe moyenne chez les retraités serait moins touchée.
Des pensions moins revalorisées
De multiples mesures sont susceptibles de venir peser sur les pensions de retraites. Compte tenu du niveau d'avancement du calendrier parlementaires, il est encore difficile d'avoir une vision globale et définitive de l'impact de toutes les décisions sur les deux années à venir. Dans un récent article de blog, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a sélectionné six principales mesures qui pourraient avoir un impact sur le niveau de vie des retraités. Il s'agit de :
- la moindre indexation des pensions de retraite pour 2019 et 2020,
- la revalorisation de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA)
- la bascule CSG/cotisations salariés en 2018;
- la sous-indexation des aides au logement en 2019 et 2020;
- l'exonération de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages à l'horizon 2020;
- la baisse de la CSG pour 100.000 retraités.
Au final, l'ensembles des mesures "serait quasi neutre en moyenne pour les retraités (-20 euros par an et par ménage)" en 2018. Mais cette moyenne masque évidemment de profondes disparités sur les 11 millions de foyers français qui comptent au moins une personne à la retraite.
"Alors que 38 % de ces ménages gagneraient globalement à la mise en place des mesures retenues, pour un gain moyen de l'ordre de 470 euros, 62% soit 6,7 millions perdraient à leur mise en place pour une perte moyenne de l'ordre de 320 euros par an" souligne le centre de recherches.
Pour 2019, les résultats comportent plus d'incertitudes. Mais l'OFCE demeure tout de même pessimiste. Selon les résultats de la simulation, l'impact des mesures retenues "serait globalement négatif sur le revenu disponible des retraités, et ce malgré l'annonce récente d'annulation de la hausse de la CSG pour 300 000 retraités." Les foyers comptant au moins un retraité perdrait en moyenne 200 euros par an.
"Si la part des ménages perdants est plus forte (73%), des ménages continueraient tout de même à être « bénéficiaires nets » des mesures, notamment sous l'effet de la montée en charge de l'exonération de la taxe d'habitation et des revalorisations de l'ASPA."
En 2020, la situation des retraités pourraient encore s'aggraver avec une perte moyenne de 400 euros. Au final, "79 % de ces ménages seraient perdants pour une perte moyenne de l'ordre de 700 euros par an. A l'inverse, l'exonération totale de taxe d'habitation et les revalorisations successives de l'ASPA permettraient à 21 % des ménages étudiés de voir leur revenu disponible s'accroître en moyenne de 700 euros" conclut l'article.