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Morano : « Macron s'est transformé en animateur de réunions de quartier »

ENTRETIEN. La quatrième sur la liste LR pour les européennes accuse Juppé et Raffarin d'avoir apporté « la division et la confusion » et revient sur le grand débat. PAR HUGO DOMENACH

Quatrième sur la liste de LR pour les européennes, Nadine Morano est la gardienne du temple sarkozyste au parti. Toujours aussi pugnace, l'ancienne ministre critique Emmanuel Macron, incapable selon elle de faire respecter l'ordre sur le territoire français. Elle défend également le trio de tête choisi par Laurent Wauquiez pour les européennes et refuse de laisser à Marine Le Pen la place de première opposante à Emmanuel Macron. Elle s'en prend également à Alain Juppé et à Jean-Pierre Raffarin, qu'elle accuse d'avoir apporté « la division et la confusion ». Entretien à balles réelles.

Le Point : Les Républicains tiennent ce samedi leur conseil national à Lyon, sans Raffarin ni Juppé. Votre famille politique n'apparaît-elle pas amputée, voire désunie ?

Nadine Morano : Bien au contraire, toutes nos fédérations départementales sont mobilisées et actives, nos élus nationaux et locaux s'investissent dans notre mouvement, nous écrivons enfin une nouvelle page de la droite et du centre avec clarté. Il fallait nous relever d'une débâcle présidentielle pour notre famille politique inédite sous la Ve République. Le départ d'une personnalité est un drame quand elle apportait beaucoup de choses au parti, c'est une bénédiction quand elle n'apporte plus que de la division et de la confusion.

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Auriez-vous aimé être tête de liste à la place de François-Xavier Bellamy ? 

Pas du tout ! Laurent Wauquiez était contraint à l'exercice difficile de passer des listes régionales à la constitution d'une liste nationale. Je vous rappelle qu'Emmanuel Macron censé incarner « le nouveau monde » a imposé aux Français une marche arrière de vingt ans ! Depuis 1999, afin de rapprocher l'Europe des citoyens, les élections européennes étaient organisées par grandes régions. J'ai moi-même été tête de liste pour le Grand-Est en 2014. Comme LREM n'a pas d'ancrage dans les territoires et que ce parti fonctionne essentiellement sur Internet avec des adhérents virtuels, il a imposé des listes nationales pour couper l'enracinement des élus européens avec leur territoire et la proximité avec les citoyens. C'est très regrettable, mais il a fallu faire avec !

Voilà pourquoi Laurent Wauquiez a été très habile d'investir dès le 29 février un trio de tête représentant les différentes sensibilités de notre famille politique et d'associer à la fois renouvellement et expérience, mais aussi une représentation territoriale. Nous sommes plus qu'une liste, nous sommes une équipe et cela fonctionne bien. Cela se ressent sur le terrain, nous remontons lentement mais sûrement.

Pourtant, votre tête de liste, le choix du philosophe François-Xavier Bellamy, a été controversée, y compris chez les Républicains. Est-il fait pour la politique ?

Qui fait l'unanimité aujourd'hui ? C'est exaspérant cette façon de toujours caricaturer quelqu'un qui s'engage avant même qu'il ne puisse défendre ses convictions ! J'ai participé à l'un de ses déplacements en Moselle, je peux vous dire qu'il en a bluffé plus d'un par sa connaissance des dossiers, le contact chaleureux et facile qu'il noue avec les gens et son aisance au micro en meeting. Ceux qui l'avaient critiqué un peu vite sans même le connaître en seront pour leurs frais !

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Ce qui frappe sur votre liste, c'est la présence en très bonne place des sarkozystes dont vous faites partie. Le parti ne doit-il pas s'affranchir de l'ombre de l'ancien chef ?

Ce n'est pas un scoop que de dire que nous sommes en lien régulier avec Nicolas Sarkozy. Il occupe une place privilégiée dans le cœur de nos militants, mais aussi dans notre électorat.

C'est essentiellement la marque de l'expérience gouvernementale auprès de celui qui est une référence pour notre famille politique. Nicolas Sarkozy est ancien président de la République ayant assumé avec brio la présidence française de l'Union européenne en 2008. À cette époque, la France était respectée et écoutée en Europe comme dans le monde. Le président exerçait un leadership qui le plaçait toujours en initiative, notamment en période de crise ou de graves tensions, par exemple lors du conflit entre la Russie et la Géorgie. Son action s'inscrivait dans le plein respect de ses partenaires, tout le contraire de la politique actuelle d'Emmanuel Macron qui consiste uniquement à diviser et à fracturer notre continent par son arrogance.

L'accord avec Hervé Morin n'est-il pas une réponse au ralliement de Jean-Pierre Raffarin à Emmanuel Macron ? Est-ce une manière de rassurer les centristes ? 

Nous avons travaillé ensemble dans le gouvernement de Nicolas Sarkozy. Cette alliance est légitime et solide, elle n'est pas de circonstance. Elle est à l'opposé du débauchage fait par Macron avec des ministres tels qu'Édouard Philippe qui, après avoir proposé la suppression de l'Aide médicale d'État pour les clandestins, la préserve une fois qu'il est Premier ministre, ou bien Bruno Le Maire qui est l'artisan de la hausse de la CSG alors qu'il plaidait avant les présidentielles pour sa baisse... Une telle alliance des opportunistes, voilà ce qui décrédibilise la parole et l'action politiques !

Je sais que la stratégie d'Emmanuel Macron est d'éliminer de la scène politique toute opposition crédible pour se retrouver comme en 2017 face à un adversaire facile, celui qui cristallise le ras-le-bol et ne propose que des solutions nuisibles à notre pays, le Rassemblement national de Marine Le Pen. Qu'il ne s'y trompe pas, nous sommes toujours bien là et représentons la première force parlementaire d'opposition. Nous ne laisserons pas se rejouer le duel Macron-Le Pen si néfaste pour la France !

En parlant de Marine Le Pen, avez-vous regardé le débat jeudi soir avec Nathalie Loiseau ? Que pensez-vous de la candidature de la ministre des Affaires européennes d'Emmanuel Macron ?

J'ai regardé ce débat pitoyable et affligeant. Marine Le Pen était dans ses rails, égale à elle-même, imprécise et caricaturale. J'étais consternée par l'arrogance de la ministre Nathalie Loiseau et ses critiques permanentes jetées à la face de nos partenaires européens comme la Hongrie ou la Pologne. Elle s'inscrit bien là dans la démarche de désordre semé dans l'Union européenne par le président Macron. Je n'ai jamais vu un président français avoir un tel comportement. Le bon fonctionnement de l'Union et son avenir passent par le dialogue et l'unité, pas par provoquer la discorde. Enfin, la candidature théâtralisée de Nathalie Loiseau est à l'image du fonctionnement de la Macronie : ridicule ! Nous avions reçu Nathalie Loiseau au Parlement européen lors d'une réunion de notre délégation. Je l'avais personnellement interrogée sur les initiatives à prendre pour lever les sanctions contre la Russie qui ont amené à l'embargo russe qui pénalise nos agriculteurs et nos producteurs. Sa réponse empreinte de mépris pour nos agriculteurs, qualifiant « d'archaïques » ceux qui n'étaient pas parvenus à s'adapter à la situation, a heurté à un point tel que des députés ont choisi de quitter la salle ! Cela laisse présager du pire quant à ce que serait un mandat européen de Nathalie Loiseau...

La tribune écrite de Macron a été plutôt bien reçue en Europe...

Détrompez-vous, cette tribune a été reçue avec indifférence, voire a jeté un froid glacial chez nos partenaires européens. Elle contribue à nous affaiblir un peu plus sur la scène européenne. Beaucoup y ont vu une leçon donnée par un président incapable de rétablir l'ordre dans son pays après 17 semaines de crise des Gilets jaunes, qui n'arrive pas à réformer un État, bonnet d'âne de l'Europe en matière d'impôts et de charges...

Rendez-vous compte qu'après avoir passé 14 heures au Salon de l'agriculture, Emmanuel Macron n'aborde pas une seule fois la PAC dans son texte... Pas davantage qu'il n'évoque la question centrale du terrorisme islamiste ni de la reconduite des immigrés illégaux. Il passe à côté des vrais sujets qui intéressent nos concitoyens, mais imprime sa marque de technocrate en proposant la création de multiples nouvelles agences pour exercer des missions que l'Union européenne assume déjà ! Le chancelier autrichien Sébastian Kurz a qualifié d'« utopiques et irréalistes » les propositions d'Emmanuel Macron. Quant à la chancelière allemande Angela Merkel, elle n'a même pas daigné lui répondre personnellement, laissant Annegret Kramp-Karrenbauer, présidente de la CDU, le faire de manière cinglante, allant même jusqu'à remettre en cause le siège du Parlement européen à Strasbourg, ce que l'on n'avait jamais vu de la part d'un dirigeant allemand...

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Vous êtes donc fermement attachée au siège du Parlement à Strasbourg ?

Il est hors de question que le siège du Parlement européen quitte Strasbourg ! Son siège est sanctuarisé dans les traités et ne peut être modifié qu'à l'unanimité. La France doit s'y opposer sans quoi elle fragiliserait encore un peu plus son influence. J'ai participé avec une forte émotion aux obsèques d'Helmut Kohl le 1er juillet 2017 dans l'hémicycle du Parlement. Il avait lui-même souhaité cette cérémonie, témoignage de son attachement profond à la réconciliation franco-allemande. Et je peux vous dire que la Lorraine que je suis, frontalière avec l'Allemagne, partage cet attachement à nos liens d'amitié avec l'Allemagne, qui pour moi sont un trésor précieux !

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Le grand débat a-t-il été productif pour notre pays ? 

Chacun sait bien que ce qui a mis le feu dans notre pays, c'est la folie fiscale d'Emmanuel Macron. J'ai vu beaucoup de retraités sur les ronds-points chez moi, beaucoup de gens qui n'arrivent plus à boucler leurs fins de mois et qui ont manifesté contre la hausse des taxes sur les carburants. Il n'a pas apaisé la colère, il tente de l'endormir et joue un pourrissement dangereux. Le président de la République s'est transformé en animateur de réunions de quartier. Des heures de palabres qui montrent à quel point il a été élu sans expérience et connaît si mal la vie quotidienne des Français. Un président est élu pour diriger, gouverner et décider. On se demande pourquoi il touche ses indemnités pendant cette période où il passe son temps en débat...

Cette stratégie n'est rien d'autre qu'une campagne électorale qui ne dit pas son nom et se déroule jour après jour aux frais des Français. Une campagne d'appels téléphoniques pour sélectionner les Français qui participeront aux conférences citoyennes... que l'on ne nous prenne pas pour des idiots, on a l'impression d'une sorte de dark campagne..., 75 000 personnes ont été personnellement contactées, la grande majorité a refusé de se plier à cette mascarade. Mille quatre cents personnes seulement participeront aux conférences citoyennes. C'est bien la démonstration que les Français ne sont dupes de rien.

Publié le 16/03/19 à 08h00 | Source lepoint.fr

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