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source: Pascal Perri par lesechos.fr

La vérité économique ne se décide pas par référendum populaire

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Quoi qu'on en dise, l'économie est en partie une science exacte ou, à défaut, une science qui s'accommode mal de l'à-peu-près. La tentation d'organiser des  référendums d'initiative citoyenne (RIC) sur les grandes problématiques économiques posera inévitablement la question de la compétence des votants. La vérité économique ne se décide pas au suffrage universel, d'autant qu'avec le temps elle s'est beaucoup complexifiée.

En France, nous avons choisi de laisser l'idéologie compromettre la neutralité de l'analyse et donc son bien-fondé. En effet, de nombreux économistes engagés en politique voudraient faire entrer le réel dans leur grille de lecture. Ils jouent sur le ressenti et non sur la réalité ! La vérité des faits paie un lourd tribut à ces débats.

Dans ces conditions, imaginez qu'elle soit mise à l'épreuve d'un débat populaire. Comment en sortirait-elle ? Défigurée, travestie, dans tous les cas contestée. Emmanuel Macron a eu raison de rappeler dans  ses voeux aux Français qu'on ne peut pas vouloir simultanément une baisse des impôts et une augmentation des dépenses publiques ou qu'on ne peut prétendre à gagner plus en travaillant moins. Ceux qui veulent faire croire le contraire à un public crédule sont d'aimables plaisantins ou, au choix, de vrais faussaires de l'économie !

Expertise populaire présumée

Chacun d'entre nous a un talent, parfois même plusieurs, mais au nom de la liberté individuelle de penser ou de décider, il ne me viendrait pas à l'idée de donner des conseils ou même d'émettre un avis sur des questions de navigation aérienne ou de chimie moléculaire ! La liberté de penser ne donne aucun droit à arbitrer des matières complexes. La liberté est reconnue et elle doit être défendue. L'expertise dans des domaines complexes doit elle aussi être protégée au nom de la défense de l'intérêt collectif. Nous ne pouvons pas exposer la nation aux risques d'arbitrages idéologiques et donc hasardeux.

La société française glisse dangereusement sur la pente d'une présumée expertise populaire. Tous les avis se vaudraient. Eh bien non, ce n'est pas le cas. L'avis d'un expert n'est pas l'avis d'un non-expert. Il faut le dire et le répéter car c'est au fond l'état de salubrité intellectuelle du pays qui est en cause. Pour des raisons très démagogiques, des responsables politiques de premier plan se plaisent à encourager des revendications que leur entourage aurait dû leur décrire comme mortelles.

Les programme économiques de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon prévoyaient plusieurs dizaines de milliards de dépenses publiques supplémentaires. Les Français devraient savoir que la dépense publique est payée par l'impôt ! On s'amuse dès lors à relever le soutien de l'extrême droite et de l'extrême gauche aux revendications des « gilets jaunes » dont le mouvement est  né précisément du ras-le-bol fiscal ! Qu'en serait-il s'ils avaient dû supporter l'amère potion de nouvelles dépenses publiques toutes plus délirantes les unes que les autres ?

Eviter le naufrage

La colère est mauvaise conseillère. Plutôt que de s'engager dans une voie sans issue, il serait plus judicieux d'en revenir à la raison. Le réel est peut-être détestable, mais il n'est pas substituable. Nous devons faire avec lui.

Le pays  vient de distribuer 10 milliards de revenus additionnels à ceux qui en avaient le plus besoin. Toute nouvelle dépense entraînerait une charge fiscale supplémentaire pour ceux qui paient l'impôt. La France reste le pays le plus redistributeur du monde. La redistribution réduit très significativement les écarts entre les revenus primaires des plus riches et ceux des plus modestes.

La France n'est pas un pays libéral et Emmanuel Macron n'a pas aboli le modèle social français. En revanche, il cherche à l'amender pour éviter son naufrage. Il n'est pas d'économie sans un peu de raison et de rationalité. Les Français devraient avoir appris que le miel des paroles cache en général de sinistres intentions.

Pascal Perri est journaliste économique devenu chef d'entreprise, Il anime « Perri Scope », une émission de débat sur l'actualité économique et sociale diffusée sur la chaîne LCI.

Y a t il une vérité en économie?

Plus: avec Christophe Ramaux; le capitalisme est déjà mort, nous sommes dans une économie sociale.

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