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Brésil . La nouvelle rupture d'un barrage minier était "une tragédie annoncée"

Sabine Grandadam
4-5 minutes

Trois ans après le déversement de boues toxiques à Mariana dans le Minas Gerais, un autre barrage a cédé dans la même région minière, provoquant une immense coulée de boue. Cet accident a fait un bilan de plus de trente morts et  de centaines de disparus. Aucune mesure réelle de précaution n’a été prise depuis le précédent sinistre, dénonce la presse.

Le barrage minier de Córrego do Feijão, du groupe brésilien Vale, a cédé en début d’après-midi du 25 janvier à Brumadinho, une agglomération proche de la ville de Belo Horizonte, dans l’Etat de Minais Gerais, au sud-est du Brésil.

Cet accident ravive la colère des Brésiliens sur le manque de précautions prises pour assurer la sécurité de ces barrages, trois ans après la rupture de plusieurs barrages en novembre 2015 près de la ville de Mariana, dans le même Etat, considérée comme la pire catastrophe écologique du pays.

Une fois encore, ce vendredi 25 janvier, “une mer de boue s’est déversée sur les maisons avoisinantes, qui ont été englouties”, rapporte O Globo, “et le flux s’est répandu dans la zone, se déversant par-dessus un autre barrage à proximité.”

Selon les informations communiquées par l’entreprise, 427 employés se trouvaient sur le site, et jusqu’à présent, 279 d’entre eux ont été sauvés.

Les pompiers sont à la recherche de 300 personnes disparues et indiquent un bilan de 37 morts.

Réputé peu sensible aux questions environnementales, bien qu’il ait officiellement renoncé “sous conditions” à quitter l’accord de Paris sur le climat, le président Jair Bolsonaro s’est rapidement mis sur la défensive en déclarant dans une interview que “le gouvernement n’a rien à voir avec cette nouvelle catastrophe”, rapporte Brasil247. Ce site évoque pourtant “les critiques acérées” que la nouvelle administration brésilienne adresse à l’Institut brésilien de protection de l’environnement, l’Ibama.

Rien de neuf après “Mariana”

“C’est une tragédie annoncée, la quatrième ou cinquième catastrophe de ce type” depuis 1986 dans cet Etat de Minas Gerais, gronde pour sa part, dans El País Brasil, un universitaire qui étudie l’impact environnemental des activités minières dans cette région qui compte quelque 450 barrages, “dont au moins 22 n’ayant aucune garantie de stabilité”

L’un des principaux points noirs de ces ouvrages, rapporte le journal qui a interrogé des spécialistes, est que :

l’aval de stabilité est donné [par les autorités] à partir d’audits mandatés par les entreprises elles-mêmes.”  

Les experts indépendants dénoncent notamment que nombre de ces barrages soient construits à bas coûts, avec une faible capacité de drainage des eaux, qui par conséquent, s’infiltrent peu à peu dans la structure. “Et cela montre que nous n’avons pas la notion de l’étendue du risque. Des villes entières peuvent disparaître d’un moment à l’autre”, accuse le juge qui avait été chargé de l’instruction de l’accident de Mariana, Guilherme de Sá Meneghin.

Interviewé par le quotidien de la région Estado de Minas, le juge souligne par ailleurs “l’impunité” des responsables de la catastrophe de Mariana, qui avait fait 19 victimes, pollué le fleuve Rio Doce et connu des répercussions environnementales sur quarante villes de la région. A ce jour, précise-t-il, ces responsables et notamment le groupe Vale n’ont payé qu’une seule amende sur les 68 infligées, personne n’a été arrêté et les victimes attendent toujours une indemnisation. De surcroît,  

“aucune loi n’a été votée pour interdire ce type de barrages ou accroître les garanties de sécurité, et nos règles environnementales restent précaires.” 

En décembre dernier, révèle la Folha de São Paulo, l’extension des activités de la mine de Córrego do Feijão où le barrage a cédé le 25 janvier avait fait l’objet d’une vive discussion avant un vote favorable au projet. Des voix s’étaient élevées parmi les représentants des riverains et les organes de protection de l’environnement, rappelant l’accident de Mariana, pour évoquer le risque de rupture des barrages. Mais ces voix sont restées minoritaires dans une assemblée qui a expédié le dossier en une seule séance au lieu des trois étapes administratives prévues.

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